« One minute you’re here/Next minute you’re gone », chante Bruce Springsteen dans la chanson qui ouvre Letter to You, album pour lequel il renoue avec le E Street Band. Il ne faut pas beaucoup de psychologie pour saisir que le Boss, 71 ans depuis le mois dernier, sait qu’il n’est pas éternel.

La mort rôde. Sans lourdeur, mais sans se voiler la face non plus sur Last Man Standing, où il contemple une jeunesse fanée et compte les disparus — on pense à ses musiciens Clarence Clemons et Danny Federici. Ghosts appelle le fantôme d’un autre ami passé de l’autre côté de la vie. Et quand Springsteen clame qu’il « revient à la maison », on sait qu’il songe aussi à sa dernière demeure…

Extrait de Letter to You

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Letter to You n’est pas pour autant un album sombre. Nostalgique, ça oui, mais sans être abattu. Propulsé par le son du toujours puissant E Street Band — rythmique pesante, guitares franches et poussées de saxo —, il est toutefois nourri par une fureur de vivre et calibré pour les arénas. Avec ce que ça suppose de refrains fédérateurs et d’arrangements rock prévisibles.

PHOTO FOURNIE PAR COLOUMBIA/SONY

Letter to You

Springsteen évoque subtilement Trump (il parle d’un clown criminel qui a volé le trône et vole tout court dans House of a Thousand Guitars), mais ne se fait pas vraiment politique. Il est plutôt occupé à communier avec ses musiciens. Et c’est peut-être ce qui est le plus épatant ici : la fluidité de l’ensemble, la ferveur quasi religieuse qui s’en dégage.

Et si rien n’émeut et ne transporte autant qu’une chanson comme My City of Ruins, morceau qui fermait The Rising (2002), son album post-11-Septembre, Springsteen demeure d’un charisme fou. Sonner vrai comme ça, sonner comme ça tout court sans sembler sur le pilote automatique après tout ce temps, c’est remarquable.

★★★½

Rock. Bruce Springsteen. Letter to You. Columbia/Sony.