Audrey Canuel et Esther Teman ont fondé l'agence d'artistes Hôtel particulier, dont la mission est « l’épanouissement sain » de ses clients. Elles veillent aux carrières de Matt Holubowski, d'Antoine Corriveau et de Fanny Bloom… Et elles viennent d’accueillir les Sœurs Boulay, duo qui a quitté Dare to Care Records dans la foulée des dénonciations de juillet dernier.

Audrey Canuel a longtemps travaillé chez Dare to Care Records. Esther Teman a assuré le rôle de productrice au contenu de l’émission La voix pendant de nombreuses années. C’est d’ailleurs sur le plateau du concours télévisé qu’elles se sont rencontrées, en 2015.

Au printemps 2019, elles ont fondé Hôtel particulier. Leur intention ? Changer des façons de faire dans l’industrie de la musique avec lesquelles elles avaient un conflit de valeurs.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Corriveau

Aujourd’hui, elles sont les agentes d’un impressionnant éventail d’artistes, dont Antoine Corriveau, Matt Holubowski, Zoe Sanders, Marie-Gold et Anatole.

Pour la petite histoire, c’est Audrey Canuel – quand elle était chez Dare to Care Records/Grosse Boîte – qui a piloté la passation du dossier de Fanny Bloom de Dare to Care à Esther Teman. Les deux femmes se sont alors découvert des valeurs communes. « Nous avions de la facilité à travailler ensemble alors que je reprenais, étrangement, le dossier de l’une de ses artistes », indique Esther Teman. « Il y a plusieurs façons de faire de la gérance, et celle d’Esther me parlait et me ressemblait », ajoute Audrey Canuel.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Fanny Bloom

Il a fallu au moins deux ans pour fonder Hôtel particulier, qui préconise une approche « toute en douceur ». Sur son site web, la boîte se décrit comme « une chambre où l’on dépose ses valises pour se sentir immédiatement chez soi ».

Hôtel particulier n'est qu'une agence d'artistes, ce qui est très rare. Souvent, les boîtes de l’industrie de la musique au Québec sont aussi une étiquette ou elles font aussi de la production de spectacles.

Hôtel particulier peut ainsi n’avoir qu’un seul objectif : « l’épanouissement sain de nos artistes », indique Audrey Canuel. « Nous n’avons pas d’intérêt ailleurs. Notre intérêt, c’est l’artiste. »

S’il faut annuler 25 spectacles ou repousser la sortie d’un album parce que l’artiste est à bout, Hôtel particulier le fait.

D’ailleurs, c’est notamment à la suggestion d’Audrey Canuel et d'Esther Teman que les Sœurs Boulay ont annoncé en septembre dernier qu’elles prenaient une longue pause.

Arrêtons-nous quand il faut s’arrêter. L’être humain est la priorité dans la prise de décisions.

Esther Teman

« Nous voulons créer un safe space pour nos artistes », renchérit Audrey Canuel.

Forte demande, période trouble

Les choses vont bien pour Hôtel particulier, qui représente aussi Marilyne Leonard, Elliot Maginot, Sam Tucker, Alexe et Soran.

Beaucoup d’artistes cognent à la porte de la boîte. C’est avec grand regret qu’Audrey Canuel et Esther Teman doivent refuser de nombreuses propositions afin de se consacrer à leurs artistes avec tout le dévouement nécessaire. « C’est tellement touchant que des gens veuillent nous confier leur carrière », souligne Audrey Canuel. « Cela me brise le cœur de refuser », ajoute Esther Teman.

Hôtel particulier a le vent dans les voiles, mais il n’en demeure pas moins que les choses sont difficiles depuis mars avec la pandémie, la fermeture des salles et la vague de dénonciations.

C’est émotionnellement très prenant. Surtout avec la façon dont on travaille.

Audrey Canuel

Nous avons rencontré les deux femmes d’affaires le jour où le premier ministre François Legault a annoncé – quelques heures plus tard – la refermeture des salles de spectacle.

Une fois de plus, les plans A, B et C sur lesquels elles travaillaient ont dû être revus.

Et après ?

En attendant un certain retour à la normale, elles souhaitent que la vague de dénonciations de l’été dernier change de vieilles façons de faire.

Il ne faut pas une troisième vague de dénonciations avant que les choses changent, plaident-elles.

« Tout est sur la glace avec la pandémie. Il faudra du temps avant de voir quelles seront les conséquences et les décisions qui sont prises dans l’industrie de la musique, indique Audrey Canuel. Il y a des voix qui s’élèvent que je trouve vraiment inspirantes. »

Il pourrait notamment y avoir plus que 4 femmes (sur 15 membres) au conseil d’administration de l’ADISQ. « Beaucoup de femmes travaillent dans l’industrie, mais peu d’entre elles sont en position de pouvoir », note Esther Teman.