Le concert de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) de mercredi soir a été une double déception. Déception, d’abord, d’assister à un dernier concert d’ici à on ne sait quand, pendant que la musique bat encore son plein dans plusieurs capitales européennes. Les spectateurs comme les musiciens semblaient avoir le cœur gros. Les premiers ont chaleureusement applaudi les seconds à la fin en guise d’au revoir.

Mais la déception a également été d’ordre musical. Pour sa deuxième minisérie de concerts, l’orchestre a fait venir la cheffe d’orchestre finlandaise Susanna Mälkki, qui semble pressentie pour la succession de Kent Nagano. Spécialiste reconnue dans la sphère de la musique contemporaine, elle a notamment été directrice musicale du légendaire Ensemble intercontemporain (EIC) de Paris et a créé des œuvres de compositeurs de premier plan. La musicienne, qui a dû observer la quarantaine exigée à l’entrée au pays, s’est adressée au public dans un excellent français au début du concert. Elle semble sensible et affable. Mais elle n’a pas le tempérament pour diriger un orchestre.

On dit qu’il y a des chefs qui laissent jouer et d’autres qui font jouer. Mme Mälkki semble vouloir s’inscrire dans la première catégorie. Elle communique les entrées, donne les forte, mais cela ne va guère au-delà. Il est décevant d’entendre Mozart (le Concerto pour clarinette) joué aussi fadement par un orchestre qui, deux semaines auparavant, jouait le même compositeur avec une telle beauté sous la baguette éloquente et experte de Bernard Labadie.

Une interprétation large et lisse de l’allegro initial comme le propose la cheffe peut se défendre, mais il faut de la vie, du feu. Il n’en est pas autrement dans l’adagio, qui tombe à plat sans un vrai sens du chant, et du mouvement final, dont les phrases se délitent les unes après les autres. Heureusement, le soliste Todd Cope, clarinettiste solo de l’OSM, a offert une exécution impeccable, avec un contrôle suprême du souffle et des pianos à faire fondre.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

Les spectateurs comme les musiciens semblaient avoir le cœur gros.

Mozart — et c’est peut-être une marque de son génie — peut se contenter, à la limite, d’une simple mise en place.

Mais avec Richard Strauss (la suite du Bourgeois gentilhomme), cela ne fonctionne pas du tout. Cette musique est gorgée de sensualité, de folie. Elle est tantôt espiègle, tantôt caressante, avec une succession de moments d’élan et de détente. On ne peut pas simplement se contenter de jouer les notes. Il faut jouer avec la musique au sens premier, s’amuser avec les musiciens de l’orchestre. Strauss offre un matériau si riche de possibilités d’expression.

Comment peut-on être aussi insensible à la beauté du thème lyrique de l’Ouverture, par exemple ? Idem avec l’Entrée de Cléonte, qui commence avec un splendide épisode des cordes graves, ici dirigé sans émotion. Tous ces passages rapides et orgiaques dont Strauss a le secret manquent en outre singulièrement de caractère. Le concert était placé sous le thème du rapport de l’homme avec la terre. Ce dernier rendez-vous avec l’OSM avant quelques semaines ne s’est en effet guère élevé au-delà de ce niveau.