Un disque platine pour les 80 000 albums d’INSCAPE vendus au Canada. Un billet d’argent pour ses 25 000 billets de spectacle vendus au Québec. Un prix Juno pour l’album instrumental de l’année. La semaine de la pianiste québécoise Alexandra Stréliski a été pour le moins remplie de bonnes nouvelles.

Si on commence à être habitués à ces chiffres toujours plus gros entourant la compositrice néoclassique – elle dépasse les 110 millions d’écoutes en continu dans le monde –, ce succès qui ne se dément pas force l’admiration. « C’est la longévité de l’opération qui m’impressionne », confie d’ailleurs Alexandra Stréliski au téléphone.

« Dans le fond, INSCAPE est sur les charts depuis 52 semaines, ajoute-t-elle. La musique instrumentale, somme toute, c’est assez intemporel parce que ça puise ses influences dans la musique classique. Alors ça vient juste me confirmer que ça peut durer dans le temps, et ça m’encourage à continuer. »

La pianiste l’a senti pendant le confinement : les gens l’ont écoutée davantage, « peut-être parce qu’ils avaient plus besoin de relaxer, ou juste parce qu’ils avaient plus de temps ! ». Même ses partitions se sont beaucoup vendues.

« Au début j’en avais plusieurs qui partaient par jour. Pour plein d’endroits dans le monde. Hier encore, on en a shippé une à Hong Kong, aujourd’hui, c’était les Pays-Bas. C’est une autre façon de partager la musique. »

Symbolique

Dans un monde où les disques se vendent moins, les 80 000 albums vendus d'INSCAPE depuis sa sortie en octobre 2018 sont aussi un exploit.

On dirait que ce disque accompagne la vie de plusieurs personnes, et qu’elles ont envie d’entrer dedans.

Alexandra Stréliski, au sujet d'INSCAPE

Mais le chiffre le plus significatif pour elle reste les 25 000 billets de spectacle vendus – pour le Québec seulement en plus.

« Celui-là est particulièrement émouvant. C’est une source de fierté personnelle, car j’ai vraiment dû affronter ma peur de la scène pour faire ce métier. Ça a quelque chose de symbolique. » Et de nostalgique aussi, alors qu’elle a été en quelque sorte freinée dans son élan par la pandémie.

« Je sais que ce sera un gros défi quand ça va recommencer. Mais en même temps, j’ai pris de l’expérience et de la confiance. Et j’ai vraiment un public beau, bienveillant, gentil et plein d’amour, et ça me rassure. »

Elle s’ennuie aussi terriblement de son équipe – « Je pense que c’est ce qui me manque le plus » –, cette quasi-famille qu’elle n’a pas revue depuis quatre mois. « On était tout le temps ensemble et ça a coupé d’un coup. Humainement, je trouve ça très dur. »

Alexandra Stréliski ne sait pas à quoi ressemblera la suite, mais elle espère réussir à donner du travail à son entourage à travers différents projets et programmes gouvernementaux. « Je me sens extrêmement responsable de ça. »

J’ai envie de mettre de l’eau au moulin pour faire rouler l’économie culturelle.

Alexandra Stréliski

Par contre, la perspective de reprendre la tournée à perte avec des salles de 250 personnes ne l’intéresse pas beaucoup. « Un producteur, un booker, une gérante, une maison de disques, plus mon équipe : à un moment donné, on ne rentre pas vraiment dans notre argent. En fait, ça devient comme travailler gratuitement. »

Juno

La dernière fois que nous avions parlé à Alexandra Stréliski, c’était au tout début de la pandémie en mars : elle venait d’arriver à Saskatoon, où le gala des Juno devait se dérouler, lorsqu’elle a appris qu’il était annulé. Il a finalement eu lieu virtuellement lundi soir, et elle y a remporté le prix de l’album instrumental.

« Je ne pense pas que la boucle de la pandémie est bouclée, loin de là. Mais celle des Juno l’est et ça fait du bien. J’étais fière, mais je pense que ce qui m’a rendue le plus heureuse, c’est la réaction de ma gérante. Elle hurlait de joie ! »

Alexandra Stréliski était aussi en nomination comme révélation et pour l’album de l’année, des « catégories surréalistes » dans lesquelles elle n’a jamais pensé « une seconde » qu’elle pouvait gagner.

« Mais juste être là, en tant que femme, Québécoise, en instrumental, je me disais yes, je fais du terrain pour l’ouverture ! Il ne faut pas oublier qu’il y a énormément de major labels dans ces galas, c’est un marché nord-américain qui ressemble aux États-Unis. Alors quand un indépendant gagne, je prends un petit shooter. Et je vais être bien heureuse d’avoir un Juno dans mon salon. C’est une belle reconnaissance. »