(Paris) Avoir 2 à 3 millions d’écoutes sur les plateformes par mois : rêve de nombreux musiciens, réalité pour Kid Francescoli, orfèvre électro dont Moon, morceau de 2017, a viré viral sur TikTok.

Le Marseillais a sorti un nouvel album, le somptueux Lovers, début 2020. Mais c’est donc un titre de Play me Again, opus vieux de trois ans, qui connaît un « pic inexpliqué sur les plateformes » cet hiver.

« Un jour, je reçois un message d’un fan sur Instagram, “tu es devenu viral sur TikTok”. Je me dis, “putain, qu’est-ce que c’est que ce truc ?” », se remémore l’artiste, amusé, pour l’AFP.

C’est assez simple, les utilisateurs de TikTok se saisissent d’une boucle musicale, de 15 secondes, pour illustrer un petit selfie-vidéo. Vertigineux dans le cas de Moon, avec son gimmick And it went like... qui inspire ou illustre près de 640 000 vidéos.

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Beaucoup d’anonymes, jeunes, parmi les accros à cette accroche, mais aussi, surprise, des stars, telle que la montagne de muscles Dwayne Johnson, alias The Rock et... Jennifer Lopez.

« “J. Lo”, j’ai halluciné ! Quand on m’a dit ça, j’ai pensé à une blague d’un pote, Jean-Laurent, qu’on appelle “J. Lo”. Mais non, c’est bien elle. Je me rappelle où j’étais ce jour-là, c’est dire. Pour moi elle est du niveau de notoriété de Rihanna, Beyoncé ».

« Ça réveille tout le monde »

La mégastar a soigné son mini-clip où défilent les photos d’elle, d’adolescente de 17 ans à icône actuelle. « Moon, c’est un “track” de 6 minutes 30, avec ce passage parfait pour raconter n’importe quelle histoire », dissèque pour l’AFP Clarisse Arnou, chez Yotanka, label de l’artiste.

« TikTok peut être un levier de popularité pour un artiste », rebondit pour l’AFP Noémie Huard, du Bureau Export, structure de soutien à la filière musicale française à l’étranger. Car le viral verse dans le concret pour Kid Francescoli. À plusieurs titres. « Sur Spotify on était autour de 14 millions d’écoutes de Moon — qui avait bien marché — en décembre et aujourd’hui à 22,2 millions. Toutes plateformes confondues, on approche les 30 millions cumulés », énumère Clarisse Arnou.

Même le rêve américain devint palpable. « Un buzz pareil, ça réveille tout le monde, des labels américains voulaient licencier le titre, poursuit-elle. Pour les tournées, les É.-U. sont toujours un peu difficiles à aborder, avec le visa, etc., on l’avait mis un peu de côté. Là, en deux semaines, on a eu des dates calées, New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago. Évidemment, avec la pandémie, c’est repoussé à 2021 ».

« Être proactif »

« Les États-Unis, c’était toujours dans un coin de ma tête, souffle Kid Francescoli. La pandémie, c’est tellement gros, incontrôlable, il n’y a pas à se sentir peiné du report, la musique paraît bien futile ».

Pour le reste, le musicien est toujours sur un petit nuage avec cette tornade TikTok. « Ce que je me dis ? La chance, inouïe, que j’ai. Les gens se l’approprient, tu ne peux pas fabriquer un truc comme ça ».

Le phénomène remue bien entendu l’industrie musicale. « Les É.-U. sont hyper sensibles à TikTok, il faut être proactif, scanner un peu ce qui se passe », éclaire pour l’AFP Louis Hallonet, du Bureau Export. « TikTok est en pleine progression sur certains territoires, cherche à avoir plus d’utilisateurs et, pour ça, s’appuyer sur des artistes qui ont de nombreux abonnés », développe-t-il.

Autrement dit, les labels doivent explorer différentes pistes, celles menant aux départements éditoriaux chez TikTok ou celles des influenceurs, pour travailler en amont, suggérer par exemple une boucle à potentiel.

« Maintenant, on surveille aussi la remontée des droits avec TikTok, les revenus sont pour l’heure incertains », précise Noémie Huard. « Les droits, c’est un enjeu, mais c’est trop neuf pour avoir une idée précise, acquiesce Clarisse Arnou. On devrait avoir une idée plus précise dans deux ou trois mois ».