Pendant que le monde des arts est sur pause, La Presse prend des nouvelles d’auteurs, de musiciens et d’artisans qui ont vu leurs projets chamboulés par la pandémie.

« En ce moment, je pourrais composer des mélodies au piano, mais pas écrire des paroles », lance Patrick Watson.

« C’est une période fascinante de notre histoire. Mais pour moi, c’est plus une période pour écouter que pour m’exprimer. »

La compagne de Patrick Watson est l’écrivaine montréalaise Heather O’Neill (Hôtel Lonely Hearts, Mademoiselle Samedi soir). Elle a publié dans le magazine Maclean’s il y a quelques semaines un essai sur l’effet des pandémies passées sur l’art.

> Lisez l’article de Heather O’Neill (en anglais)

« Heather fait beaucoup de recherches avant d’écrire. Il y a des textes intéressants à lire sur la peste bubonique qui a fait naître des musiques plus complexes », souligne Patrick Watson.

Selon Patrick Watson, la pandémie de COVID-19 initiera un virage culturel vers des contenus artistiques plus complexes.

L’humour est sans doute le domaine où cela est déjà le plus manifeste, souligne-t-il. En temps normal, le musicien affectionne l’émission de fin de soirée de Stephen Colbert. Mais depuis la crise du coronavirus, les blagues de l’animateur ne le font plus rire…

« L’humour dumb de punch lines ne fonctionnera plus », dit Patrick Watson. La grosse musique pop « naïve » non plus.

« C’est pourquoi je suis incapable d’écrire des paroles en ce moment. It’s too early in the shift », explique-t-il.

Pour lui, il est « impossible que les choses reviennent comme avant ». 

C’est l’occasion de changer des choses. Je ne suis pas scientifique ni économiste, mais j’ai l’impression que nous étions dans une impasse.

Patrick Watson

Un dead end, dit Watson en anglais.

Avant celle du coronavirus, des crises migratoires bien pires étaient à prévoir… « Ne soyons pas nostalgiques. Espérons des changements positifs. Tout cela est une opportunité. »

Des spectacles annulés

Patrick Watson était en tournée aux États-Unis et en Europe quand les pays ont commencé à interdire les rassemblements et à fermer leurs frontières.

« Nous étions aux États-Unis quand des villes ont commencé à fermer en Chine, raconte-t-il. J’avais un mauvais feeling et je trouvais que les gens étaient dans le déni. Puis la tournée européenne a débuté en Espagne. De ville en ville, on se demandait si on annulait et ce qu’on faisait si un membre tombait malade. La situation empirait. »

Patrick Watson et son groupe ont néanmoins donné une dizaine de spectacles du 21 février au 10 mars. Après deux spectacles aux Pays-Bas, il a annulé celui en Allemagne, puis le reste de la tournée quand il a appris que le président américain Donald Trump interrompait le trafic aérien avec l’Europe. « Au milieu de la nuit, j’ai dit : “On rentre à la maison.” »

Se laisser porter par la vague

« Es-tu à la maison ? »

C’est avec cette question bête que nous avions amorcé notre entrevue avec Patrick Watson. Comme si nous avions oublié un instant le Grand Confinement.

Le principal intéressé a éclaté de rire avec son rictus si caractéristique.

« Je suis gâté. Je suis chez nous avec mes enfants. Je ne suis pas malade… Je suis relax comparé aux gens qui travaillent dans les hôpitaux et aux gens qui font faillite. Sauf que faire les maths avec mes enfants, c’est épouvantable, lance-t-il à la blague. J’ai beaucoup d’admiration pour les professeurs. »

Outre l’école à la maison, Patrick Watson a du temps. Et il rappelle que beaucoup de gens souhaitaient que le temps ralentisse, avant la crise. « Aussi bien en profiter. »

Il prend par ailleurs plaisir à apprivoiser la technologie qui lui permet de retransmettre des prestations sur Instagram.

L’automne dernier, l’auteur-compositeur-interprète a sorti un excellent album intitulé Wave. Relire ce qu’il en a dit en entrevue est inspirant en cette période remplie d’incertitudes.

« Wave, c’est ce moment où tu te fais prendre par une grosse vague, confiait-il à notre collègue Josée Lapointe. […] Au lieu de te battre, de paniquer et de perdre ton énergie, c’est mieux de laisser aller… »