Ce soir, à 19 h 30, Martha Wainwright dirigera l’évènement « Chanter sur les balcons de Montréal » pour la troisième semaine de suite. En direct de l’édifice du Mile End qui abrite le festival et le café concert URSA, propriété de l’artiste, elle chantera de sa voix unique The Partisan, de Leonard Cohen, ainsi qu’une chanson du regretté Bill Withers, alors que Li’l Andy chantera I Lost My Baby, de Jean Leloup. Le tout sera retransmis en direct sur les pages Facebook de Pop Montréal (coorganisateur de l’évènement) et d’URSA mtl.

Marc Cassivi : C’est Pop Montréal qui t’a proposé cette idée ?

Martha Wainwright : Oui. On m’a approchée avec l’idée de chanter So Long, Marianne, de Leonard Cohen. Puis j’ai ajouté Le cœur est un oiseau, de Richard Desjardins. Dan Seligman, de Pop Montréal, a pensé que je pourrais inciter les Montréalais à participer à un genre de sing-along quand il m’a vue chanter en live stream de mon petit café, juste en bas des bureaux du festival. C’était ça, l’idée de départ. Mais on va faire des changements parce qu’on ne veut pas que ce soit une invitation à ce que les gens viennent sur place, sous le balcon. On ne veut pas que ça pose de problème.

M.C.  : J’y étais mardi dernier, avec une vingtaine de personnes qui respectaient toutes les mesures de distanciation. Mais je me suis dit qu’on ne pourrait pas vraiment être plus. Tu ne voudrais pas être victime de ton succès…

M.W.  : Je n’ai jamais été victime de ça ! [Rires] On va chanter de l’intérieur. Il faut vraiment respecter les règlements sur les rassemblements. Je n’aime pas l’idée de dire aux gens : « Restez à la maison, moi je vais sortir ! » Ce n’est pas cool. Il ne faut pas qu’il y ait de double standard. On prend ça très au sérieux. Le technicien arrive avant et il installe le microphone. Il est parti avant mon arrivée. On aimerait pouvoir continuer, si on peut. Mais seulement si c’est possible en respectant toutes les consignes.

M.C.  : En même temps, tu es un peu chez toi, comme ton café est juste en bas…

M.W.  : De chez moi jusqu’à URSA, ça me prend moins de 10 minutes de marche.

M.C.  : Comme entrepreneure qui a ouvert ce café-là il y a à peine quelques mois, comment vis-tu la crise ?

M.W.  : C’est vraiment dommage pour nous, parce que je pense que mars aurait été le premier mois où on ne perd pas d’argent ! [Rires] Je ris, mais ce n’est pas si drôle. Neuf mois après l’ouverture, sans investisseurs ni subventions, on avait commencé à se créer une clientèle, grâce à un ou deux concerts par semaine. J’embauchais des amis, il y avait beaucoup de bénévolat, d’essais et erreurs. Je ne suis pas une entrepreneure dans l’âme. Je n’ai jamais eu de restaurant ou de café. C’est moi qui faisais la comptabilité, la bouffe et tout le reste. Rendu en mars, ça tournait enfin. Les gens commençaient à venir pour le brunch. On espère pouvoir continuer. Comme c’est tout petit, peut-être qu’on pourra rouvrir avant les salles de spectacles conventionnelles. On croise les doigts.

M.C.  : Ça ajoute à l’anxiété de la crise, j’imagine…

M.W.  : Oui. J’essaie de voir le bon côté des choses. Le fait que le café soit fermé me permet d’avoir du temps avec mes enfants à la maison. Je travaille aussi sur un album qui, je l’espère, pourra sortir à la fin de l’année. J’étais supposée être en studio, mais ce n’est pas possible. Il y a plein d’autres choses à faire. On m’a proposé d’écrire un livre il y a cinq ans. Je l’avais presque terminé, mais j’ai dû arrêter parce que c’était trop difficile de continuer dans le contexte de ma séparation [d’avec son bassiste et réalisateur Brad Albetta]. Le divorce a été assez intense. Je me remets à écrire.

M.C.  : C’est un récit autobiographique qui parle aussi de ta famille ? J’écoutais l’émission balado sur ta mère et ta tante [L’heure de radio McGarrigle, produit par La fabrique culturelle de Télé-Québec], et c’est fascinant. Cette fois-ci, c’est plutôt un regard sur ta vie à toi ?

M.W.  : C’est un tell-all [un livre-révélation] sur moi ! [Rires] Je ne peux pas raconter les grandes histoires de ma mère et de mon frère. Ma mère [Kate McGarrigle, morte il y a 10 ans] n’aura jamais eu la chance de raconter la sienne. Moi, j’ai tendance à m’exprimer très ouvertement. Mais je ne suis pas une auteure, à la base. Il fallait que je trouve une façon de faire ça sans me rendre en cour et en protégeant mes enfants.

M.C.  : On va lire entre les lignes. Il y aura des euphémismes…

M.W.  : Oui ! [Rires]

M.C.  : Si je reviens à l’évènement de demain [ce mardi], tu chanteras The Partisan, de Leonard Cohen, qui est l’élément constant du projet depuis le début. À quoi d’autre peut-on s’attendre ?

M.W.  : C’est sûr que j’aimerais reprendre une chanson de Bill Withers [mort la semaine dernière, à 81 ans]. Je vais préparer quelque chose. Cette tribune est un grand privilège. Le fait que les gens soient à l’écoute, et chantent en même temps que moi, est l’occasion de choisir des chansons en phase avec ce qu’on vit.

M.C.  : Avais-tu pensé à un titre en particulier ?

M.W.  :  It’ll be a surprise ! [Rires] Entre les devoirs des enfants, je vais essayer d’apprendre une de ses chansons ! J’aime le défi. La semaine dernière, j’ai chanté Old Man, de Neil Young. It was hard !

M.C.  : Et très beau. Malheureusement, cette fois-ci, ce ne sera pas sur le balcon.

M.W.  : Non. Et il faut rappeler aux gens de ne pas venir ! C’est dommage, parce que c’est beau sur le balcon quand il y a quelques spectateurs. Mais ça peut ressembler à un concert, et on n’a pas le droit. Je le comprends tout à fait. Tous les jeudis, on organise aussi une session de 30 minutes d’un artiste solo en direct du URSA, en formule concert sans public. Il y avait Brad Barr, il y a deux semaines. Ce jeudi, ce sera Jeremy Dutcher.

M.C.  : Donc, on n’invite pas les gens à se déplacer [ce mardi] et à plutôt vous suivre sur Facebook ?

M.W.  : Oui. Mais on les encourage à chanter avec nous sur leur balcon !

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