(Madrid) Longtemps dans le déni, le célébrissime chanteur d’opéra espagnol Placido Domingo a demandé pardon mardi à la vingtaine de femmes l’ayant accusé de harcèlement sexuel aux États-Unis, au moment où une enquête concluait à son « comportement inapproprié ».

« Je veux qu’elles sachent que je suis sincèrement désolé pour la souffrance que je leur ai causée. J’accepte toute la responsabilité de mes actes », a indiqué le chanteur de 79 ans dans un communiqué publié par son agent à Los Angeles, ville dont il dirigeait l’opéra jusqu’en octobre, avant d’être obligé d’en partir suite à ces accusations.

Ces excuses sont intervenues alors que le syndicat américain des chanteurs d’opéra publiait les résultats d’une enquête indépendante lancée en septembre sur les accusations de harcèlement visant Placido Domingo, laissant peu de doutes sur le comportement du chanteur.

« L’enquête a conclu que M. Domingo a eu un comportement inapproprié, allant du flirt aux avances sexuelles, au sein et à l’extérieur de son lieu de travail », a annoncé l’American Guild of Musical Artists (AGMA) dans un communiqué. « Beaucoup de victimes ont cité la peur de représailles professionnelles comme la raison pour laquelle elles n’avaient pas parlé plus tôt », a-t-il ajouté.

Négociations en coulisses

Quelques heures plus tard, le New York Times, citant un courriel signé de dirigeants du syndicat, révélait que l’AGMA avait essayé de négocier un accord avec le ténor, par lequel elle se serait engagée à limiter ses déclarations publiques sur cette enquête moyennant le paiement par Placido Domingo de quelque 500 000 dollars.  

Mais les négociations ont capoté suite à des fuites survenues dans la nuit de lundi à mardi, selon le journal.

Interrogé sur ces informations, le syndicat n’a pas immédiatement réagi. Quant à l’agente du chanteur, Nancy Seltzer, elle ne les a ni confirmées ni démenties.  

« Ce qui est vrai, c’est que nous avons des discussions en cours avec l’organisation pour voir comment avancer », a-t-elle indiqué.  

Le syndicat a néanmoins indiqué qu’il ne publierait pas, « à ce stade », « les détails de (son) enquête interne ».  

Il a ajouté qu’il « prendrait des mesures pour répondre aux problèmes systémiques identifiés, permettant au harcèlement sexuel de se produire sans être signalé ou traité au travail ».

Dans une enquête publiée en août par l’agence Associated Press, neuf femmes affirmaient avoir été harcelées par le chanteur à partir de la fin des années 1980.  

Elles avaient évoqué pour l’une d’entre elles une main sous la robe, pour d’autres des baisers imposés ou des gestes déplacés, telle une main sur le genou lors d’un déjeuner.  Plusieurs de ces femmes avaient indiqué que leur carrière avait pris un coup après qu’elles eurent rejeté ses avances.

L’Associated Press avait publié ensuite en septembre une seconde enquête affirmant que onze autres femmes, se disant elles aussi victimes, s’étaient manifestées.

Placido Domingo, habitué aux ovations dans le monde entier et qui a enregistré plus de 100 albums, s’est ainsi retrouvé rattrapé par le mouvement #metoo, né dans la foulée des accusations contre le producteur de cinéma Harvey Weinstein en octobre 2017.  

Ce dernier a été jugé coupable lundi à New York d’agression sexuelle et de viol, et risque désormais jusqu’à 29 ans de prison.

Après la publication de ces accusations, le chanteur a dû renoncer à se produire au Metropolitan Opera de New York tandis que d’autres opéras américains ont annulé ses représentations, marquant la fin de sa carrière aux États-Unis.  

Mais il continue à se produire en Europe, où il a de nombreuses représentations prévues ces prochains mois à Hambourg, Moscou, Madrid, Vienne, Vérone, Londres….

Le temps de la réflexion

Dans son communiqué mardi, Placido Domingo assure « avoir pris le temps ces derniers mois de réfléchir aux accusations ».

Il dit « comprendre maintenant que certaines femmes ont pu avoir peur de s’exprimer honnêtement en raison de la crainte d’un impact sur leur carrière », tout en affirmant que « cela n’avait jamais été son intention ».

Avant de demander pardon, Placido Domingo avait nié fermement pendant des mois.  

« Les allégations de ces individus anonymes, qui remontent parfois à 30 ans, sont profondément troublantes et, telles que présentées, inexactes », avait-il déclaré en août.  

« Je croyais que toutes mes interactions et relations étaient toujours bienvenues et consenties », avait-il encore dit.

Dans un entretien accordé en novembre à un média espagnol, il avait en outre assuré n’avoir « jamais exercé de représailles, raccourci ou brisé la carrière de qui que soit. Je n’ai jamais promis un rôle en échange de faveurs ».