Les amateurs de musique n’ont pas eu peur de la tempête qui s’abattait sur Montréal vendredi après-midi. Ils ont été nombreux à venir assister à la répétition publique de Yannick Nézet-Séguin avec l’Orchestre symphonique du Conservatoire de musique de Montréal à la Maison symphonique. Un geste d’une grande générosité de la part de celui qui allait présenter en soirée, au même endroit, un concert officiel avec l’Orchestre Métropolitain.
« Vous êtes nombreux ! s’est exclamé Yannick Nézet-Séguin en voyant le public qui s’était déplacé pour assister à l’événement. Vous auriez pu rester chez vous… Mais c’est la preuve que la musique, c’est plus fort que tout. » Au menu : le poème symphonique Don Juan de Richard Strauss, que les élèves du Conservatoire ont déjà répété et joué avec d’autres chefs – Jacques Lacombe et Jean-Marie Zeitouni –, et que lui-même connaît bien. « C’est une pièce célèbre, riche, virtuose, dynamique. On va la jouer une fois pour commencer, après je vais vous donner des indications d’interprétation, et quand on va la refaire à la fin, si j’ai bien fait mon travail, normalement ce sera meilleur », explique le chef à l’orchestre… avouant ensuite avoir emporté la mauvaise partition. « J’ai pris Don Quichotte au lieu de Don Juan. Alors là, j’ai emprunté celle de Renaud, qui étudie en direction d’orchestre. J’espère que ça ne va pas me mélanger ! »
Cette répétition publique avait lieu pour souligner les liens très forts entre le Conservatoire de musique et l’Orchestre Métropolitain. Yannick Nézet-Séguin est lui-même un diplômé de l’établissement (en 1997), et environ la moitié des musiciens de l’OM en sont issus. « Ce sont vraiment eux qui forment le noyau, nous a-t-il expliqué juste avant de monter sur la scène de la Maison symphonique. Oui, ils sont bons, mais c’est aussi une question d’enseignement et de philosophie. Quand j’y ai étudié, et c’est encore comme ça aujourd’hui, je crois, les classes étaient plus petites, donc c’est un enseignement plus direct. C’est une des clés du Conservatoire, cette formation plus personnalisée, et pour les arts d’interprétation, c’est essentiel. »
Avant la répétition publique, des diplômés du Conservatoire de musique et du Conservatoire d’art dramatique sont venus raconter combien la formation qu’ils y avaient reçue avait été marquante. Quelques témoignages.
Yannick Nézet-Séguin n’aime pas beaucoup le terme « classe de maître ». Il préfère considérer cette répétition publique comme un échange. « Chacun apporte ses ingrédients », explique-t-il d’ailleurs aux jeunes musiciens avant de commencer. Ce n’est pas la première fois qu’il se prête à ce genre d’exercice, mais son objectif est toujours le même, dit-il en entrevue : « Je veux essayer de leur rappeler qu’ils sont là parce qu’ils aiment ça. »
« Pour qu’un orchestre fonctionne, il faut se donner corps et âme, nous explique Yannick Nézet-Séguin. Comme si on était pleinement là à 100 %, mais avec 100 autres personnes. » Sa méthode pour atteindre cet objectif : le plaisir. C’est ce qu’on perçoit pendant qu’il dirige. Il sourit beaucoup, cherche les contacts visuels avec les jeunes musiciens, et chacune de ses interventions est faite avec des exemples hyper imagés. Il imagine Don Juan s’arrêtant pour respirer un parfum qui lui plaît, rappelle que la pièce parle d’amour, et « qu’il n’y a rien de chaste là-dedans », s’adresse directement aux cors ou aux cordes, mais rappelle qu’on est dans le détail et que dans l’ensemble, tout va très bien. « Si on voit dans l’orchestre des musiciens qui donnent l’impression d’être brimés, ça ne passe pas », nous rappelle le chef. À voir les musiciens travailler fort, sourire à ses blagues et l’écouter avec attention, son approche semble la bonne. « Et c’est ça que les gens vont recevoir dans la salle. »