Ceux qui n’ont pas vu ou entendu sur disque Monique Leyrac interpréter les poèmes d’Émile Nelligan, sur des musiques d’André Gagnon, ne savent pas vraiment ce qu’est une véritable interprète de la chanson. Outre la musicalité, il y avait la fougue, l’intériorité, la théâtralité qui font qu’une chanteuse est une chanteuse. Chose très rare aujourd’hui.

Le départ de Monique Leyrac est une perte immense pour la chanson québécoise. Cette mégastar de la chanson québécoise, née Monique Tremblay, fait partie, avec Pauline Julien et Renée Claude, de la « Sainte Trinité » des interprètes féminines de la chanson québécoise. « S’il n’y avait pas eu ces trois femmes, la chanson québécoise aurait mis un peu plus de temps à venir au monde », se plaisait à dire la très perspicace Hélène Pedneault.

PHOTO JEAN-YVES LÉTOURNEAU, ARCHIVES LA PRESSE

« Le départ de Monique Leyrac est une perte immense pour la chanson québécoise », écrit notre chroniqueur.

En effet, dès le début de sa carrière, Monique Leyrac est allée vers des auteurs et des compositeurs du Québec pour trouver la nourriture dont elle avait besoin. Leclerc, Vigneault, Ferland, Leveillée : ils ont tous écrit pour elle. Sa consécration viendra par ailleurs avec Mon pays, de Vigneault, dont elle offrira une renversante interprétation au concours de Sopot, en Pologne, en 1965.

Monique Leyrac n’était pas une artiste facile. Tous ceux qui ont travaillé avec elle peuvent en témoigner. Le premier est François Dompierre, son fidèle ami et chef d’orchestre, qui a dû trimer dur pour écrire le fabuleux et incontournable ouvrage Le roman d’une vie, publié l’an dernier.

Mais devant la star qu’était Monique Leyrac, on ne pouvait que s’incliner. Ainsi, après des mois de travail et de stagnation, quand Leyrac rappela Dompierre pour lui dire : « Alors, François, on en est où avec ce livre ? », celui-ci replongea avec bonheur dans l’écriture de cet ouvrage, qui demeure aujourd’hui le plus beau portrait de cette chanteuse.

Alors que les auteurs-compositeurs québécois se transformaient en vedettes de la chanson, les chansons originales devenaient une denrée rare pour les interprètes. C’est alors que Monique Leyrac se tourna vers un jeune auteur québécois inconnu. 

En effet, c’est après avoir entendu Les chemins d’été (Dans ma Camaro), de Luc Plamondon et André Gagnon, que Monique Leyrac a eu l’idée de bâtir un spectacle autour d’œuvres classiques et de textes écrits par un auteur. De cette aventure naîtra l’incomparable C’est ici que je veux vivre, un sommet de notre chanson.

Cela donnera lieu à un spectacle et à un disque mythiques. Pour la petite histoire, c’est lors de ce spectacle, présenté à la Place des Arts, au début des années 70, que Diane Dufresne et Renée Claude (présentes dans la salle) se sont ruées sur Plamondon pour lui réclamer les chansons qui feront partie des disques Tiens-toé ben j’arrive et Je reprends mon souffle.

Monique Leyrac était une star. Elle le pensait, elle le vivait. Et comme les véritables stars, elle a su tirer sa révérence au bon moment. 

Un jour, elle a dit adieu à la chanson avant que la voix lui fausse compagnie. Elle a aussi dit adieu à sa carrière de comédienne dans laquelle elle excellait (n’est-ce pas le propre de toute grande interprète de la chanson ?).

Je garde en mémoire sa présence dans Le voyage du couronnement, de Michel Marc Bouchard, en 1995, au TNM. Elle n’y était rien de moins que sublime. L’auteur fut marqué par sa présence. Je le sais. Il m’en a parlé à plus d’une reprise.

Plus tard, Monique Giroux, proche de Marie-Élaine Thibert, a parlé à la jeune interprète de la chanson Pour cet amour. Cette chanson a alors vécu un second souffle.

Vous vous réveillez ce matin en apprenant peut-être le départ de cette artiste. Selon la génération à laquelle vous appartenez, votre peine est grande, petite ou inexistante. Peu importe. Vous savez maintenant qui est Monique Leyrac et le rôle qu’elle a joué pour faire avancer la chanson québécoise. Pour faire avancer notre culture. Et ça, on ne peut l’ignorer.

Alors, pour bien commencer votre journée, il n’y a qu’un refrain que vous devez retenir