Un lot de mixtapes et de projets fraternels au sein de The Celestics n’a pas suffi : il a fallu que le faiseur de sons Kaytranada catapulte en 2016 son 99,9 %, premier « long jeu » couronné du prix Polaris, pour qu’il apparaisse enfin sur notre écran radar. Les compositions synthétiques du Montréalais d’origine haïtienne, soudées aux voix de Craig David, d’Anderson .Paak, de Syd ou encore de River Tiber, couronnaient un deejaying à la fois sensible et savant.

C’est peu donc d’écrire que la suite, trois ans plus tard, était attendue d’oreille ferme, ici comme partout dans le monde. Pas de détour : annoncé inopinément mardi dernier par l’entremise de son label américain RCA, Bubba permet à Kaytranada de conserver son fauteuil parmi les meilleurs DJ/beatmakers de sa génération.

Déjà, dès l’intro, cette façon de jouer et de se jouer… Une trame de percussions éclair, un silence proportionnel, une nouvelle ambiance feutrée, puis voilà la confluence des deux courants dans une house haletante. Puis voilà Kaytranada.

Cette façon, aussi, de mettre en valeur le travail de ses collaborateurs, triés sur le volet. Le simple 10 % accueillait déjà le R&B sensuel et explosif de la Colombiano-Américaine Kali Uchis. Le refrain – « You keep on takin’ from me, but where’s my ten percent ? » – promet de faire bouger bien des bassins.

Extrait de Midsection (avec Pharrell Williams)

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S’ajoutent cette fois à la liste des invités des rappeurs comme Mick Jenkins, GoldLink et SiR, celui-là sur l’hommage au beat solennel Go DJ. Bubba convie aussi des créatrices consacrées : le duo VanJess, Estelle, Tinashe, Charlotte Day Wilson et Teedra Moses. « This is not a vibe, it’s a culture, nigga », tranche la chanteuse nu soul sur Culture, aux percussions irrésistibles. Portion pop, la clôture des 17 titres a été confiée à Pharrell Williams, qui soude sa voix à une compo délirante bâtie autour d’une boucle du collectif guadeloupéen The Group NSI. Ces deux dernières pièces figurent assurément parmi les plus réussies du disque.

Par rapport à 99 %, les synthés vintage et les expérimentations électroniques côtoient des sonorités plus organiques – batterie, basse, congas, violons –, déléguées à une petite équipe de musiciens. Les basses caractéristiques du concepteur rythmique, dommage, s’en trouvent ainsi diluées. Les transitions s’avèrent en outre plus souples, plus naturelles, tandis que la facture musicale est mieux précisée quoique plus linéaire, voire prudente.

En fin de compte, Louis Kevin Celestin, de son vrai nom, signe tout de même un album précis, groovy et métissé, d’une rare maîtrise technique et mélodique. Revoilà Kaytranada.

Kaytranada sera à la SAT le 19 décembre.

★★★★

IMAGE FOURNIE PAR RCA

Bubba, Kaytranada, RCA Records