Avec Ceci est une espèce aimée, le duo Saratoga propose un temps de pause dans la course effrénée de nos vies. Rencontre avec deux artistes qui aiment autant la lenteur que la bienveillance.

Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse vivent à la campagne, sur le bord de la rivière des Outaouais, où ils élèvent leur petite fille et composent des chansons. Ils se tiennent loin des réseaux sociaux et on ne les voit pas souvent dans les lancements de disques. Et ils ont un public fidèle qui aime autant l’harmonie de leurs deux voix réunies que leur univers contemplatif et empreint de douceur.

Ce nouveau livre-disque de Saratoga est donc à son image. Le duo y a même ajouté une série de courts poèmes, petits épisodes de vie qui complètent parfaitement les paroles des chansons, espérant que les gens « prendront un moment pour s’arrêter et les lire ».

« Je ne voulais pas une édition de luxe, souligne Michel-Olivier Gasse. Plutôt que ce soit présenté comme un petit livre de poésie, qui peut s’user, se traîner, se prêter. Un objet du quotidien. »

Élévation

« On veut prêcher la lenteur depuis le début, dit Chantal Archambault. Et là, l’exercice est encore plus lent que dans le dernier. Gasse aime bien dire qu’on va finir par disparaître… »

Des chansons qui durent plus de cinq minutes. Des arrangements de harpe, de flûte, de violon et… de thérémine qui les enrobent. On ressort de cet album avec un sentiment d’élévation, comme si le duo avait voulu nous entraîner vers le ciel.

Écoutez un extrait de Passer l'âge :

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« Oui, on voulait aller dans les airs, confirme Michel-Olivier Gasse. Avoir de l’air, de la brillance. Après, tu en fais ce que tu veux ! Mais ce n’est pas de la tapisserie, ça habite, ça magnifie l’espace. »

Et toute cette musique vient porter des textes qui parlent de bonté, d’amour, de lumière, de joie, de bienveillance, de beauté – ce n’est pas pour rien que le disque est dédié à leur fille, une « espèce aimée ». « Jamais jamais trop/De doux/De nous/De tout ce qui égaye la cour », chantent-ils dans Beauté beauté, mais l’album au complet est composé de ces mots qui font du bien.

Écoutez un extrait de Beauté beauté :

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Il est possible de parler du bonheur sans être ennuyant, souligne la chanteuse, qui rappelle l’exubérance des années 50 et 60. « Je me dis qu’on ne peut plus chanter de même, avec ce côté grandiose… » « Cette naïveté », complète Michel-Olivier. « Oui, c’est ça ! À la Michel Louvain. Mais est-ce qu’on peut y aller à un niveau plus soft, en gardant cette joie dans la chanson ? »

Le monde a besoin de lumière, ajoute la chanteuse, qui voit dans le succès d’Alexandra Stréliski une preuve supplémentaire que la douceur rejoint les gens. « Le message n’a pas besoin d’être autrement qu’à l’intérieur. »

Conjuguer les forces

Avant de former Saratoga, Chantal Archambault menait une carrière solo difficile – « Ça ne marchait pas, j’étais dans le rouge », avoue-t-elle. Michel-Olivier Gasse, lui, était bassiste pour des amis – il a entre autres accompagné Vincent Vallières pendant une vingtaine d’années.

« Avec Saratoga, nos forces sont mises au service de l’autre », explique Chantal. Leur méthode de travail a changé avec les années et un bébé à la maison, et ils admettent que ce n’est pas toujours simple. « On a les mêmes projets à gérer en même temps, entre nos quatre murs ! », lance Chantal. « L’hiver, en plus… », souligne Michel-Olivier. « Il faut ouvrir les fenêtres ! », rigole-t-elle.

Ils avouent que signer des textes ensemble n’est pas un exercice évident – le « nous » doit être approuvé par les deux, et le « je » représente qui exactement ? Surtout, les auditeurs doivent se sentir inclus dans leurs histoires. « Les gens savent qu’on est un couple et ce n’est pas ça qu’on veut mettre dans la face du monde, explique Chantal. On a envie de creuser plus loin. »

Voyez un extrait du clip Morceaux :

L’idée est d’être universel, mais aussi intemporel, ajoute-t-elle. « J’en ai déjà écrit des affaires très personnelles, aujourd’hui je ne veux même plus les chanter ! On veut avoir une autre approche, qui fera qu’on aura encore envie de chanter ces chansons dans 15 ans. »

C’est évident aussi dans le langage employé, qui ne porte pas vraiment de marqueur d’époque : la langue est simple et épurée, sans références culturelles ou tics de langage du moment.

Écoutez un extrait de L'embellie :

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« Il y a des expressions que je ne suis pas prêt à mettre en chanson », dit Michel-Olivier Gasse, qui aime que leur album puisse avoir été écrit autant en 2020 qu’en 1972. « J’écoutais le cinéaste André Forcier en entrevue, l’autre jour, il disait que ce n’est pas vrai qu’on peut recréer le quotidien au cinéma. Il faut le magnifier et l’habiller, et pour moi, en chanson, c’est pareil. »

Tournée

Les deux artistes se remettent tranquillement à la tournée, qu’ils entendent adapter à leur nouvelle vie de parents. « On s’est mis sur la mappe, on a rendu le projet concret en faisant beaucoup de terrain, rappelle Michel-Olivier. Là, on en fera moins. »

Ils continueront leur carrière dans la discrétion – « Là, notre équipe veut qu’on fasse des stories sur Instagram ! », s’étonne-t-il, en « virant les choses à notre sauce », ajoute-t-elle.

« On n’est pas décidés encore sur comment écœurer le monde de façon adéquate », dit le musicien. Mais Saratoga a toujours laissé le public venir à lui sans faire de promotion, une attitude qui ne lui a pas nui.

« Les gens viennent nous voir, nous aiment, et on les aime aussi, dit Chantal. Il y a quelque chose de beau dans cette histoire de Saratoga et de petite échelle qui circule. On est là pour ceux qui ont envie qu’on soit là. »

IMAGE FOURNIE PAR LA PRODUCTION

CHANSONS
Saratoga
Ceci est une espèce aimée
Duprince