En faisant le pont entre les genres et les générations, les rappeurs Bigflo et Oli sont devenus d’immenses vedettes en France, cumulant les spectateurs et les vues sur YouTube – 196 millions pour leur clip Dommage ! Leur succès s’est transposé au Québec, puisqu’ils fouleront la scène du Centre Bell, ce soir, un exploit rare pour les artistes européens francophones. Nous les avons rencontrés dans les loges du MTelus le 20 septembre, lors de leur plus récent passage à Montréal, à peine 30 minutes avant qu’ils montent sur scène.

Deux frères 

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Complicité, admiration, Bigflo et Oli ne se voient pas faire de la musique l’un sans l’autre.

Bigflo et Oli, ce sont deux frères : Florian, 26 ans, et Olivio, 23 ans, nés à Toulouse d’un père argentin et d’une mère franco-algérienne. Les deux jeunes hommes, qui ont étudié au Conservatoire de musique, ont présenté un premier EP en 2014, Le trac, puis trois albums en quatre ans : La cour des grands en 2015, La vraie vie en 2017 et La vie de rêve en 2018. L’admiration qu’ils ont l’un pour l’autre est manifeste, autant en entrevue que sur scène, et non seulement ils travaillent ensemble, mais ils ne s’imaginent pas faire ce métier séparément. « On a déjà réfléchi à ça, mais non », laisse tomber Bigflo. « On ne fait jamais rien l'un sans l’autre, même les vacances ! complète Olivio. Et quand on est séparés, on s’écrit tout le temps. »

Le spectacle

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Le MTelus était plein à craquer pour le spectacle de Bigflo et Oli en septembre.

Dans les loges qui sont situées sous la scène du MTelus, Bigflo et Oli sont déjà soufflés par l’ambiance. « Ils sont chauds ce soir », diront-ils plusieurs fois à propos de la foule bruyante – c’est que l’entrevue se déroule pendant la prestation de Temper, un de leurs musiciens qui assure leur première partie ce soir-là. Si le public trépignait déjà, l’accueil est délirant lorsqu’ils montent enfin sur scène, à 21 h, et l’ambiance reste survoltée jusqu’à la fin. La foule diversifiée, composée de beaucoup de familles, d’adolescents et de jeunes adultes, connaît les paroles des chansons par cœur, saute et brandit le bras sur commande. Les deux rappeurs livrent un spectacle électrique et généreux, et leurs interventions, leur manière d’animer la foule, leur énergie et leur joie contagieuse ont fait de ce spectacle une véritable communion qui laisse entrevoir une soirée grandiose au Centre Bell, aujourd’hui.

Le succès

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La carrière de Bigflo et Oli s’est bâtie tranquillement. « On a commencé sur des petites scènes à Toulouse », se remémorent-ils, estimant avoir bâti une relation de confiance avec le public. « On a de la chance d’avoir eu une carrière comme ça, qui n’a pas pété du jour au lendemain », dit Bigflo. Aujourd’hui, le duo joue essentiellement dans des grands amphithéâtres comme les Zénith, et ont même remporté deux Victoire en 2019, soit Album musique urbaine et Interprètes masculins de l’année. Ils sont heureux de cette validation des pairs qui démontre qu’ils ont « bien bossé », dit Oli. « C’est un peu comme le bac, c’est un diplôme qui ne sert pas à grand-chose, mais qui prouve qu’on a atteint un objectif », complète Bigflo, qui à tout prendre préférerait « ne pas avoir de Victoire et faire des Zénith ». « Oui, mais nous on a les deux, alors… », répond son petit frère.

Le Centre Bell

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Au Québec aussi, la popularité de Bigflo et Oli n’a pas été instantanée. « La première fois qu’on est venus, c’est en 2015. On a monté toutes les étapes, on a vraiment fait un travail de terrain », dit Oli. Des présences aux Francos, une mini-tournée dans quelques villes du Québec, et les voilà à l’aube d’un spectacle au Centre Bell, alors que les 9000 places sont presque toutes vendues. Ils rejoignent ainsi Zaz, Stromae et Angèle dans le cercle restreint des artistes européens francophones capables de remplir des amphithéâtres de ce côté-ci de l’Atlantique. « On avait des discussions d’équipe, et avant de décider de faire le Centre Bell, on s’est dit : "Attendons voir ce qui se passe avec le MTelus" », se souvient Bigflo. La réponse a été rapide, puisque le spectacle du 20 septembre a affiché complet… en huit heures ! Ils ont alors lancé la machine vers le Centre Bell. « C’est dingue, c’est complètement fou, dit Bigflo. J’ai des amis ici, et quand je leur dis qu’on va faire le Centre Bell, ils pensent que je me trompe de salle… Ça va être un grand moment, c’est un peu la consécration de ce début d’histoire avec les Québécois. »

Le pont 

Contrairement à de nombreux rappeurs, Bigflo et Oli sont accompagnés sur scène, en plus de l’habituel DJ, par de vrais musiciens qui jouent de vrais instruments – du clavier, de la batterie, du violoncelle, de la guitare, ils font même des harmonies sur certaines chansons ! C’est ce qui explique en partie leur popularité, ce pont qu’ils font entre le hip-hop plus pur et un genre de nouvelle variété proche de la chanson avec des pièces qui, comme Dommage, « réunissent un maximum de gens autour d’un refrain », expliquent-ils. « Pour nous, c’est une fierté de toucher autant les enfants que leurs parents et leurs grands-parents », dit Oli. « Le rap a toujours voulu se mettre à l’écart, nous on est venus en faisant du rap qui rassemble », ajoute Bigflo. Ils assument leur côté bons garçons, et la famille est d’ailleurs un de leurs thèmes principaux – ils ont même des chansons qui s’adressent directement à leurs parents. « On a grandi entre frères dans une famille atypique, ajoute Bigflo. On était tellement soudés, on n’a pas eu besoin de se construire contre une entité, contre les parents ou contre l’école. Ce n’est pas dans notre éducation, du coup ça se retranscrit dans notre musique. »

YouTube

Les deux rappeurs ont vécu leur ascension entre autres grâce aux youtubeurs, dont ils se sentent très proches. « On a démarré un peu en même temps qu’eux et on a tout de suite su qu’ils allaient jouer pour la suite, dit Bigflo. C’est un média qu’on aime beaucoup. » Oli opine. « Sans eux, on ne serait peut-être pas là. » Ils sont eux-mêmes un peu youtubeurs, puisqu’ils ont leur propre chaîne, qui compte près de trois millions d’abonnés. Plusieurs de leurs clips cumulent des dizaines de millions de vues – Dommage, qui a atteint l’incroyable chiffre de 196 millions, Alors Alors (34 millions), Nous aussi (37 millions) et Pour un pote, une collaboration avec Jean Dujardin en Brice de Nice qui date de 2016 et qui a atteint les 57 millions de vues.

La suite

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Bigflo et Oli savourent le succès, mais n’en reviennent toujours pas de tout ce qui leur arrive – ils peuvent même inscrire à leurs exploits une rencontre avec le pape François, organisée en février 2018 par l’évêque de Toulouse ! « Franchement, dans la dernière année, ce n’est même pas le truc le plus dingue qui nous est arrivé », dit Bigflo. Pour eux, jouer à Montréal ou Tahiti reste un événement, et lors de notre rencontre, ils arrivaient de New York où ils avaient donné un concert pour la première fois. « Oui, ça fait partie des choses incroyables ! » Les deux frères espèrent garder la flamme, inspirer de nouvelles générations et rêvent de développer leur univers ailleurs qu’en musique, en utilisant d’autres moyens d’expression. « Ça, c’est le rêve, dit Bigflo. Mais surtout, on veut garder le même rapport au public que maintenant. On espère qu’il grandira avec nous, et faire des concerts encore plus gros. »

Au Centre Bell, ce soir

Consultez le site web du duo