La super-vedette Mika est de retour sur disque et sur scène après quatre ans. Avec ce cinquième album intitulé My Name Is Michael Holbrook, qui sera lancé vendredi, le chanteur de 36 ans veut faire la preuve que musique pop peut rimer avec profondeur, et surtout que la télé ne lui a pas fait perdre son mojo.

Nous avons rencontré Mika à la mi-septembre dans un hôtel du centre-ville de Montréal, au lendemain de deux spectacles survoltés qu’il venait de livrer au théâtre Corona, sans autres effets spéciaux que sa générosité, ses mouvements de danse déchaînés et son énergie débordante.

C’est que le chanteur britannique d’origine libanaise a choisi de « casser » son nouveau matériel et son spectacle de ce côté-ci de l’Atlantique – les représentations de Montréal arrivaient tout de suite après New York et juste avant San Francisco. Sa tournée des grands amphithéâtres européens commencera en 2020, et il promet qu’il repassera par chez nous très bientôt.

« Je voulais commencer avec des publics qui me donnent quelque chose, qui ne veulent pas juste prendre, confie-t-il, détendu et chaleureux. Avec l’esprit que j’ai en ce moment, c’était important d’aller dans des endroits qui comptent, où j’ai un lien. »

Il ne s’est pas trompé : lors du deuxième soir au Corona, alors que le spectacle était clairement terminé et qu’il saluait la foule pour une dernière fois avant de quitter la scène, les spectateurs continuaient de taper des mains en lui criant… merci.

« C’est bizarre, c’est moi qui est en train de remercier et après, c’est eux qui me remercient », dit-il, songeur, notant « l’intelligence du public ». 

« Après quatre ans d’une vie assez compliquée, c’est comme s’ils avaient compris que je voulais faire un grand truc émotionnel pour me reconstruire. »

Deuil et maladie dans sa famille immédiate et chez des proches : le chanteur ne s’en cache pas, il est passé à travers une grande période de turbulences personnelles au cours des dernières années. L’idée que « ce que tu prends comme des choses qui vont toujours être là commence à s’effriter » l’a fortement ébranlé. Il l’avoue, ce disque, « né directement de la tristesse », lui a permis de se sentir « moins loser ».

« J’ai pu me retrouver sans la patine des années et retrouver mon bonheur. Et c’est seulement ce bonheur dru, rude, qui peut m’aider à combattre la réalité de la vie. Pas dans le sens de la carrière, mais de la vraie vie, qu’on doit tous vivre. »

L’après-télé

On le perçoit dans la conversation, Mika sentait aussi le besoin de prouver qu’il avait encore une légitimité comme artiste. C’est que cet album arrive après plusieurs années de présence intensive à la télé – il a entre autres été juge pendant deux saisons à la téléréalité X Factor en Italie et coach à The Voice en France de 2014 à 2019.

Bien sûr, il ne regrette pas cette expérience, pendant laquelle il a vraiment pu être lui-même. « J’ai pu m’exprimer dans un monde où on a très peu la possibilité de le faire. Je ne me suis pas fait chier et je n’ai aucun regret. » Mais il a « du mal à imaginer » qu’il y reviendra un jour, préférant le travail au long cours de la musique à l’immédiateté et à l’éphémère de la télé.

« J’ai dû me séparer de ça pour ne pas devenir addict. » L’objectif étant maintenant de démontrer que ce n’est pas parce qu’on le voyait à l’écran toutes les semaines ou qu’il a fait des pubs pour Peugeot qu’il ne peut plus surprendre.

« C’est une provocation délicieuse. Quand j’ai annoncé que je faisais un nouvel album, les gens disaient “mais qu’est-ce qu’il a encore à raconter ?”. Et moi, je me disais “je vais vous casser les couilles”. » Son but ? Affirmer sa place comme « un artiste qui travaille dans la pop, mais qui n’est pas dirigé par la commercialisation de sa propre musique ».

IMAGE FOURNIE PAR UNIVERSAL MUSIC

My Name Is Michael Holbrook, de Mika

« Ce n’est pas sale de faire de la télé si on reste nous-mêmes. Ce n’est pas sale de faire de la musique pop et mélodique si nos histoires racontent des choses. »

Il a d’ailleurs tenu à faire un disque avec très peu de collaborateurs « plutôt que du collage », toutes les chansons ont été composées chez lui — « c’était la règle, je ne voulais pas travailler avec des gens qui ne venaient pas chez moi » — et s’est laissé inspirer par les couleurs pour créer les différentes ambiances du disque.

« J’ai décidé de faire de la pop qui parle de la vie, de religion, de sexualité, de politique. Comment donner un contexte à toutes ces choses sans devenir lourd ? Eh bien les couleurs, c’est une manière très efficace et universelle de créer des chapitres. »

Authenticité

Il est clair que ce cinquième album est celui de la vérité et de l’authenticité pour Mika, et c’est avec ce feu et « cette énergie que vous avez vue en spectacle » qu’il va le défendre. « C’est comme si je déchirais mes propres habits. » C’est d’ailleurs pour se remettre en contact avec lui-même qu’il a utilisé son nom civil, Michael Holbrook, comme titre de l’album.

« Ça m’a permis de faire une sorte de reset sur qui j’étais. De reconnaître mon père. De dire merci à ma mère. De dire “je suis Mika, le fils de mes parents”. Pour comprendre qui je suis et d’où je viens, sinon je ne vais jamais pouvoir continuer, même si je dois continuer tout seul. Bizarrement, Michael Holbrook m’a aidé à redécouvrir Mika. »

Pop, My Name Is Michael Holbrook, Mika, Universal Music, sortie vendredi.