Les millénariaux n’ont pas le même lien avec Céline Dion que leurs parents. Devenir fan de Céline n’était pas évident pour les ados des années 80, surtout si leurs mères admiraient la chanteuse débutante. Notre chroniqueuse raconte son rapport particulier avec l’une des artistes les plus populaires au monde, qu’elle a rencontrée à Montréal pour le lancement de sa tournée Courage. Un récit fort en émotions.

Ce n’était qu’un rêve

PHOTO RICHARD SHOTWELL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Céline Dion a annoncé sa prochaine tournée – Courage — lors d’un événement spécial à Los Angeles en avril dernier.

« FUTURE STAR INTERNATIONALE ! »

Ma mère a crié ça en se frottant les mains, dans le salon, la première fois qu’elle a vu Céline Dion chanter Ce n’était qu’un rêve à l’émission de Michel Jasmin. Mon petit frère jouait aux Lego, je devais avoir le nez dans un livre, et mon père a levé les yeux au ciel.

« Quoi ? Cette enfant aux dents croches avec une robe laide ? Come on… »

Ma mère a toujours aimé lancer des prophéties, et celle-là allait faire partie de sa légende.

À chaque ascension de Céline, elle marmonnait comme un mantra : « Future star internationale… future star internationale… » Et bon Dieu que ça m’énervait, surtout rendue à l’adolescence, quand je portais une frange jusqu’au nez, habillée de noir en toutes occasions, que je ne souriais sur aucune photo de famille et ne jurais que par The Cure, mon groupe préféré.


PHOTO FOURNIE PAR CHANTAL GUY

Notre chroniqueuse Chantal Guy, vêtue toute de noir, sa mère, son frère et le chien Kiwi, vers 1988

« C’est qui, ce braillard-là ? », disait-elle à propos de MON cher Robert Smith, pendant que je riais de SA Céline au look débraillé.

J’ai subi, par ma mère, toutes les conquêtes de Céline — et elle n’a fait que ça, conquérir. C’est pas des farces, je rêvais de la voir se planter, juste une fois au moins, pour que l’affaire redevienne rationnelle. Et pourtant, quand elle a chanté My Heart Will Go On aux Oscars en 1998, j’avais le trac pour elle et mon cœur s’est arrêté lorsqu’elle a frappé le gros bijou hors de prix sur sa poitrine. Jamais je n’aurais osé l’avouer, pas plus que le fait que j’aimais danser sur Unison dans les discothèques.

Lorsqu’il est devenu évident que Céline dominait la planète, ma mère a changé sa phrase pour le reste de ses exploits.

« Qu’est-ce que j’ai dit, hein, quand elle avait 13 ans ? »

On répondait tous en soupirant : « Future star internationaaaale… »

Un rapport œdipien

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Céline Dion, en mai 1982

Mon rapport à Céline Dion n’est pas celui d’une fan, il est beaucoup plus complexe que ça : il est œdipien. Comme Céline, ma mère a quitté l’école tôt, à 15 ans, s’est mariée jeune avec un homme qui avait 10 ans de plus qu’elle, est devenue veuve précocement (à 52 ans) et dit tout ce qui lui passe par la tête. Sauf que c’est la personne qui chante le plus mal au monde, elle n’a aucune oreille. Quand elle entame une berceuse, les enfants grimacent.

De toute façon, le neurone de la groupie me fait défaut. Je ne comprenais pas mes amis qui faisaient le pied de grue pendant des heures devant des hôtels pour voir une vedette et je n’ai jamais chassé d’autographe — encore moins une photo avec une star.

Mais à cause de l’obsession de ma mère, je n’ai rien raté des péripéties de la vie de Céline. Sa victoire à l’Eurovision avec une robe improbable, ses changements de look et ses coupes de cheveux, son party de noces oriental avec des chameaux, son refus du trophée à l’ADISQ, « take a kayak ! », avec Ginette sur les plaines d’Abraham, sa vidéo Dior (non, Dion !), ses sorties avec Pepe Muñoz, name it, c’est plus fort que moi, je ne peux résister. Je « scrolle » son Instagram, j’achète les magazines à potins quand elle est dedans et je prends un malin plaisir à défendre la supposée « nouvelle Céline », icône de la mode (parmi les stars les mieux habillées de 2019, selon Vanity Fair) qui déstabilise un peu ma mère, inquiète pour la santé de son idole.

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES REUTERS

Céline Dion et Ginette Reno sur les plaines d’Abraham, en 2008 

Mes artistes préférés meurent (Kurt Cobain, Prince, Amy Winehouse, Dédé Fortin, David Bowie, Rachid Taha, Keith Flint, etc.) et Céline demeure. En plus, elle demeure au top. Aucune descente aux enfers, pas une minute de sa vie chez les has-been ni un passage angoissant par le comeback. Et ma mère qui radote depuis 30 ans : « Qu’est-ce que j’ai dit quand elle avait 13 ans, hein ? »

Alors quand ma patronne m’a demandé si ça me tentait, une entrevue avec Céline, pour le lancement de sa nouvelle tournée Courage, je ne pouvais faire autrement que de dire oui. L’heure de la vengeance venait de sonner. Ma mère allait capoter, et ses amis gais allaient vouloir m’arracher la tête.

J’ai hésité un peu avant de lui envoyer LE texto. Contrairement à Xavier Dolan, un autre qui tripe sur Céline, je n’ai pas envie de tuer ma mère. J’ai choisi de lui écrire juste avant de sauter dans un avion.

« Devine qui je vais interviewer ?

— Qui ?

— Céliiiiine ! C’est un secret.

— QUAND ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?

— La semaine prochaine.

— OÙ ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?

— À Montréal.

— Mais où à Montréal ? Je veux tout savoir ! TOUT !

— J’ai pas le droit de le dire.

— Même pas à ta mamounet ! Tu sais que je suis (émoticône avec une fermeture éclair sur la bouche).

— Je dois fermer mon cell… »

Je rigole toute seule à l’aéroport.

Après cette révélation, j’ai dû gérer ma mère, qui m’écrivait et m’appelait sans arrêt, excitée comme une puce.

« Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours su que tu allais l’interviewer un jour. Je le sentais.

— Encore tes prophéties. Il y a probablement un million de journalistes qui ont eu ce privilège depuis 30 ans. Écoute, c’est une table ronde, on va être cinq pendant une vingtaine de minutes, je ne passe pas la soirée avec, là.

— Touches-y.

— Qu’est-ce que tu veux dire, touches-y ? ! ? »

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA, ARCHIVES LA PRESSE

Céline Dion — à l’époque Incognito — aux Beaux-Dimanches à Radio-Canada, en 1987

Ma mère serait-elle une adepte des rumeurs sur son orientation sexuelle sans que je le sache, ces dernières relevant pas mal de la pensée magique ? Nous savons depuis longtemps que Céline est une icône pour les gais et les drags, mais elle serait aussi une icône lesbienne, et certains fans pensent qu’elle envoie des messages secrets sur son orientation. Dernièrement, je suis allée dans une boutique de mode tenue par de jeunes féministes (du genre à vendre des t-shirts « Fuck le patriarcat ») et il y avait une petite section de chandails avec la face de Céline — époque Incognito — entourée de fleurs où l’on pouvait lire « K*** my ass ». Même les intellos ont leur t-shirt de Céline, « Louis-Ferdinand Céline Dion » (pour les initiés).

« Touches-y parce qu’elle va te porter chance !

— Maman, voyons ! Je vais pas faire ça ! »

OK, donc. Pour ma mère, c’est la Céline thaumaturge, ou papale (celle qui a rencontré Jean-Paul II). Ça devenait un peu trop intense pour moi.

Ce n’est pas pour rien que la première chose que j’ai écrite sur Facebook après le tremblement de terre en Haïti en 2010, qui avait dangereusement brassé ma chambre d’hôtel, a été : « Comme le chante Céline : I’m alive. » Inconsciemment, je voulais rassurer ma mère, même si elle n’a pas décollé du plafond tant que je n’ai pas remis les pieds à Montréal.

Le jour de l’interview, je me suis levée tellement stressée que j’ai vomi, pendant que maman m’envoyait des GIF de Céline levant le pouce ou faisant un clin d’œil. Il faut dire que dans nos derniers échanges, à mesure que le jour J approchait, elle-même était stressée et craignait tout à coup que Céline soit peut-être une bitch. « Elle est bien mieux d’être fine avec toi, sinon je L’HAÏS. » J’étais maintenant non seulement anxieuse pour l’entrevue, mais aussi inquiète de détruire l’adoration d’une vie si ça se passait mal.

« As-tu une question pour Céline, si j’ai l’occasion de la lui poser ?

— Euh… Madame Dion, êtes-vous une femme heureuse ?

— Maman, personne n’a la réponse à ça, même pas Céline. »

C’est Céliiine !

PHOTO CHARLES PLATIAU, ARCHIVES REUTERS

Céline Dion lors d’un défilé à Paris en juillet

Mais Céline avait la réponse à ça, j’aurais dû m’en douter.

L’entrevue était prévue pour 21 h 15 dans un hôtel chic, elle a finalement eu lieu autour de 23 h 30. Après des milliers de shows à Vegas, Céline est une couche-tard, mais moi, je dors à cette heure-là. Je n’allais pas me plaindre, sachant que c’était la dernière interview d’une longue journée médiatique pour elle, alors que pour nous, les journalistes, c’était la seule. Quand nous sommes entrés dans la suite, elle était là, pas du tout fatiguée, vêtue d’une superbe chemise en satin avec des licornes dessus, entourée de membres de son équipe, et s’est excusée du retard, en serrant la main de chacun (j’ai été touchée, maman).

Céline était là. La star internationale. C’était extrêmement bizarre parce qu’au fond, elle avait toujours été là. Et elle était en mode 100 % « queb », après plusieurs semaines passées au Québec. On allait assister à une performance.

Après avoir parlé de son amour pour René et ses enfants, elle se lance sur sa nouvelle tournée en cabotinant. « C’est pas une nouvelle Céline, c’est la continuité d’un nouveau chapitre qui débute, finalement. Mais attendez-vous pas que je m’en vais chanter juste des nouvelles tounes, là, parce que je peux vous dire que si je chante pas Because You Love Me ou The Power of Love ou j’sais pas… Tsé, le Titanic ? Je ne sais pas si vous l’avez entendue celle-là… Si je la chante pas, celle-là, je peux vous garantir qu’il y en a une gang qui vont être déçus. Et je dis pas ça prétentieusement. C’est des incontournables, j’ai pas le choix de les chanter ! Je vais mourir avec ! »

« Ben c’est un beau problème à avoir ! poursuit-elle dans un style qui rappelle presque Jean-Luc Mongrain quand il nous parlait dans la face. Il y a ben du monde qui aimerait avoir ce problème-là ! Heille, m’as-tu chanter ça pour le restant de mes jours ? Ben oui ma grande, tu vas chanter ça pour le restant de tes jours parce que ça a gagné des Oscars, pis t’es ben chanceuse parce que ça fait partie des classiques. Faque bravo. Faque je vais chanter du vieux répertoire pis du nouveau, avec un nouveau stage et des nouveaux costumes… Si tu m’as jamais vue sur scène, ben viens nous voir. On a un beau stage, pis si ça te tente pas, ben j’espère que tu vas te trouver un beau film à tévé. Fais-toi un bon pop-corn avec ben du beurre pis ben du sel. »

On sait que Céline est sans filtre, mais en personne, c’est fascinant à découvrir. Je me rends compte qu’il n’y a pas de « mystère Céline ». Pendant des décennies, les journalistes ont tenté de lui tirer les vers du nez, mais ce n’est pas nécessaire, elle fait ça toute seule. Et cela, de toute évidence dans le but de « livrer la marchandise », et le meilleur d’elle-même. C’est une travailleuse acharnée — elle se donne à fond dans le ballet en ce moment, son nouveau dada —, et je n’en reviens pas qu’au terme d’une journée à répondre à des questions, elle soit encore autant sur le piton. Avec son statut, elle n’est pas obligée d’accorder des entrevues à toute une presse locale qui tire le diable par la queue. Elle pourrait faire comme Arcade Fire et choisir juste les publications internationales les plus prestigieuses.

PHOTO CHARLES SYKES, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Céline Dion, lors du gala bénéfice du Costume Institute du Metropolitan Museum of Art, à New York, en mai dernier

J’ai vu beaucoup de vedettes bien plus modestes être à boutte, l’air bête, après seulement trois entrevues. Céline doit en être à sa millionième, et elle n’a pas l’air de s’en lasser.

Une diva ? Je ne trouve pas. Les divas n’agissent pas comme ça. Une méga-pro, oui. Un pur-sang de l’écurie du showbiz, qui ne craque jamais sous la pression et qui franchit la ligne d’arrivée chaque fois.

Et, à 51 ans, parfaitement consciente de son parcours et du fait qu’elle n’a plus rien à prouver. Dominic Tardif, journaliste au Devoir, avance une question qu’il n’a même pas le temps de terminer, mais que je suis heureuse qu’il pose.

« Céline, moi je suis un gros snob. Quand j’étais ado, il y avait des gens pour qui Céline Dion était la plus grande chanteuse au monde, et ils avaient raison, et il y en avait d’autres pour qui c’était…

— Quétaine », réplique-t-elle, imperturbable.

Céline vient de balancer le « Q-word ».

« Bon ben là, premièrement, on sait tous ici qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Quand j’ai commencé à 12 ans, on disait : “Bon, c’est une deuxième René Simard, elle chante du nez”, et après ça : “Elle apprend tous ses textes par cœur quand elle parle au public”… C’est sûr, j’ai arrêté d’aller à l’école à 14 ans ! Pis j’essaie d’aller à l’école à la maison, c’est sûr que j’apprends mes textes par cœur, j’ai jamais parlé au monde ! “Fais comme si tu chantes à tes frères et à tes sœurs…” Essaie ça, toi, à 13 ans, on va se reparler après ! C’est sûr que c’est un petit peu quétaine ! Je suis bien d’accord avec toi ! Je n’avais pas d’argent, j’en ai mis des vêtements de mes frères et de mes sœurs, j’aurais aimé ça qu’ils soient habillés comme toi à soir, parce que je te trouve pas quétaine pantoute, j’adore ton look. » Dominic — c’est le nom de mon petit frère, en passant, une autre plogue cosmique — portait ce jour-là un chapeau noir de style mormon.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Céline Dion, en 1985

« Tout ça pour dire qu’il y a des débuts à tout dans la vie, tsé, poursuit-elle, inarrêtable. Comme je dis, on ne peut pas plaire à tout le monde, pis y a du monde qui m’aimeront jamais, pis y a du monde qui m’aimaient du début qui m’aiment pu maintenant, pis du monde qui m’ont aimée du début et qui m’aiment encore. Ben regarde, à la fin de la journée, là, j’ai 51 ans, pis j’t’encore là. Pis j’ai jamais voulu avoir un hit, j’ai toujours voulu avoir une carrière. J’ai fait beaucoup d’efforts, j’ai travaillé fort, j’ai été chanceuse, j’ai eu une belle équipe, j’ai eu des belles tounes, j’ai été au bon moment à la bonne place avec le bon monde, qui m’ont supportée. »

C’est clair comme de l’eau de roche.

Une photo pour maman

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Céline Dion lors d’un défilé à Paris en juillet

Cette Céline de 51 ans complètement « flyée » depuis qu’elle a affiché son coton ouaté Titanic (sans jamais avoir frappé d’iceberg professionnel), j’ai l’impression qu’elle a toujours existé, mais que René la tempérait. En tout cas, elle éberlue un peu ses fans de la première heure avec ses looks extravagants. « Si on est pas prêt en partant, avant même que ça commence, à se faire critiquer, positivement ou négativement, on est dans le mauvais bateau, je peux te le dire tout de suite, nous prévient-elle. Si t’es pas prête à te faire dire que t’es laide, que t’es pas bonne, que t’es trop maigre… Heille, chus morte trois fois, moi, j’ai pas porté mes jumeaux, pis j’ai une fille de 4 ans cachée quelque part, faque on s’entend-tu qu’il faut pas lire les critiques ? Parce que si ça m’affecte, je ne pourrai pas chanter. René découpait toute. Ma mère découpait toute. Ils ont des boîtes de critiques. Ça donne quoi ? Joe Tibolo qui est venu voir mon spectacle, pis il m’aimait pas, pis ils l’ont envoyé, lui, pour critiquer mon show, d’après toi, ça va-tu faire une bonne critique ? C’est sûr qu’il fera pas une bonne critique. Il m’aime pas en partant ! Il me trouve quétaine ! Yes sir !, c’est notre mot à soir !

« Pis en passant, prenez pas ça mal, je ne les lirai pas, vos critiques, mais eux autres ils vont les lire par exemple, dit-elle en désignant sa garde rapprochée, pis si la prochaine fois vous n’êtes pas autour de la table, vous saurez pourquoi. »

Un peu étourdie, je réussis à lui demander si la cinquantaine est un âge de liberté pour une femme, malgré une industrie pressée de pousser les stars vers la sortie dès 40 ans. « Me semble que ça fait longtemps que c’est le top, répond-elle. Me semble que ça fait longtemps que je suis contente. Je me suis souvent fait critiquer pour ça : elle, elle est heureuse d’être contente pis contente d’être heureuse. On est-tu écœuré d’entendre ça. Mais désolée, c’est de même que je me sens. La ménopause, c’est-tu ça qui rend heureux ? »

Et Céline se met à chanter, ce qu’elle a peu fait pendant l’interview, sur l’air de Viva Las Vegas : « Viva les hormones ! Vivaaa les hormones ! »

« Je ne sais pas si c’est ça, mais en tout cas, si vous vivez vos hormones à 50 ans, une affaire qui marche, je me suis fait dire ça par un professionnel, c’est l’exercice. C’est très bon pour les hormones, faque si vous voulez pas vous mettre du gel pis des patchs, faites de l’exercice. Ça se pourrait que vous ouvriez jamais la porte du congélateur pour vous mettre la face dedans parce que vous avez chaud. »

L’entrevue se termine et j’ai chaud, parce qu’on a tous beaucoup ri avec le show qu’elle vient de nous donner. Minuit vient de sonner, je suis sur le point de me transformer en citrouille, mais on nous dit que chaque journaliste aura droit à une photo avec Céline. J’aurais l’air de quoi si je refusais, moi qui refuse toujours ça dans le cadre de mes fonctions ? De toute façon, il me faut une preuve pour ma mère qui va s’évanouir en la voyant.

PHOTO FOURNIE PAR CHANTAL GUY

Notre chroniqueuse Chantal Guy et Céline Dion

Je suis raide comme un piquet en me plaçant à côté de Céline, qui est complètement détendue. Je pense à ces milliers de fans avec qui elle a dû poser. Combien pleuraient, combien tremblaient, combien criaient de joie ? Combien seraient prêts à se faire couper un bras pour être à ma place ? Comment fait-elle pour endurer autant d’attention, répondre à autant de demandes ou de désirs ? Un peu pognée dans la vie, j’ai de la misère à faire la bise même à mes amis sans me sentir mal à l’aise. Ce qu’elle vit m’aurait envoyée à l’asile dès le début.

Et c’est là que je sens son immense expérience des gens. Elle me flatte le dos et ça me détend. J’en reviens pas. En regardant l’iPhone qui nous photographie, je retiens un fou rire, parce que c’est à ma mère que je pense, parce que c’est pour elle que je pose.

« Mais un petit peu pour toi aussi, maudite snob », que je me dis.