Les Louanges, alias Vincent Roberge, sera du festival Mile Ex End, demain. À 23 ans, l’auteur-compositeur-interprète collectionne les honneurs : Révélation Radio-Canada, prix Rapsat-Lelièvre, prix Félix-Leclerc, prix Espoir du Festival d’été de Québec… Son excellent premier album, La nuit est une panthère, a été retenu sur la « courte liste » du prestigieux prix Polaris. Le 27 septembre, il fera paraître un nouvel EP, Expansion Pack, dont le premier extrait s’intitule Attends-moi pas ! Retour sur une année mouvementée.

Marc Cassivi : Tu sors un EP moins d’un an après ton premier album. C’est vite !

Les Louanges : Disons que l’expérience de vie de l’année a été assez chargée… [Rires] J’ai joué devant 6000 personnes au Festival d’été de Québec, d’où je viens. J’ai joué à La Noce [à Saguenay] et c’était comme jouer dans un stade ! Il y avait du monde qui tripait à perte de vue. La première chanson de l’EP, Attends-moi pas !, parle de tout ça… Attends-moi pas, parce que je ne suis pas là !

M.C. : Parce que les choses vont trop vite ?

L.L. : J’ai été en couple pendant presque quatre ans. On s’est séparés quand mon album est sorti. Ma vie sentimentale est ensuite devenue un grand vaudeville ! [Rires] Les gars de mon band, qui ont une dizaine d’années de plus que moi, ont bien du plaisir à en rire. Ce ne sont pas seulement les relations sentimentales, mais les relations avec les gens en général qui changent. Je ne réponds pas beaucoup à mon téléphone. Même les relations avec les amis deviennent weird. Pendant trois jours, mon cerveau est capable de leur donner de l’attention, puis après, je disparais. Mes troubles d’attention ne m’aident pas !

M.C. : Tu as été beaucoup sur la route, et pas seulement au Québec…

L.L. : Je chante sur Attends-moi pas ! : « Austin et Paris dans le même mois, à jouer devant des gens qui ne te connaissent pas. » À South by Southwest, ce n’était pas facile. « This is America », pas à peu près. Il y a eu un drive-by [une fusillade] quelques rues plus loin. En France, je ne veux pas faire d’âgisme, mais la majorité des gens qui font des remarques sur mon « charmant accent » ou sur les « paroles qu’on ne comprend pas bien » ont des cheveux gris… Je sais que j’ai encore une dégaine d’ado, mais je sais me faire comprendre !

M.C. : Tu retournes en France à l’automne. Tu sens un réel intérêt là-bas ?

L.L. : Chaque fois, c’est un peu plus gros. La dernière fois, on jouait dans une petite salle près de La Cigale, La Boule noire, pendant que la cathédrale brûlait ! C’était sold out. Clairement, il y a des gens qui sont intéressés. Qu’on aille à Besançon, dans le patelin de mon saxophoniste, ou à Paris, il y a toujours du monde. Et il y a toujours des filles à l’avant de la scène qui connaissent les paroles. Des garçons aussi… [Rires] La France m’intéresse. Je n’ai pas envie d’être déjà tanné de tourner partout au Québec à 25 ans ! Je suis allé partout au Québec cet été, sauf sur la Côte-Nord ! Je n’ai pas envie de me brûler ici.

M.C. : Ça use, la vie de tournée…

L.L. : J’ai eu un hangover d’une semaine après la tournée ! Je suis revenu juste pour enregistrer l’EP. Mes parents, s’ils veulent me voir, ils viennent à mes shows ! Reste que je n’échangerais ça contre rien au monde. C’est vraiment tripant. En même temps, je ne suis pas encore raisonnable…

M.C. : Ton hygiène de vie « laisse à désirer » ?

L.L. : C’est dégueulasse ! Je fume tout, je bois tout, je ne me couche pas et je dois me lever tôt ! [Rires] Je dis que je vais arrêter de fumer et que je vais me remettre à courir, mais c’est pas facile… Être en tournée, c’est sportif.

M.C. : On te décrit comme une bibitte de studio, mais le showman a pris sa place cette année…

L.L. : Je n’ai pas autant eu l’occasion de faire des shows avant. Même si je suis p’tit cul, ça fait un bout que je fais de la musique. Je tripe à faire des shows. J’ai commencé à plus habiter mon corps aussi et à m’assumer. Je ne suis pas quelqu’un qui se trouve particulièrement cute dans la vie. Je n’ai jamais été un don Juan. Mais j’ai décidé que pour le clip de La nuit est une panthère, il fallait une chorégraphie et que j’allais danser. Je n’ai jamais été à l’aise de danser, mais plus je me shake le bassin, plus les gens tripent…

M.C. : Tu veux dire : les filles devant la scène qui connaissent les paroles ?

L.L. : Certaines ont l’air d’apprécier mes mouvements de bassin en show, oui ! [Rires] Je suis peut-être devenu une bibitte de scène. C’est le fun de se faire applaudir !

M.C. : Et de se retrouver sur la « courte liste » du Polaris…

L.L. : Je te cacherai pas que j’aimerais ça, rejoindre Karkwa [seul artiste francophone à avoir remporté le prix Polaris] ! En même temps, je suis là pour travailler. Pas pour gonfler mon ego. Mais c’est très cool.

Cette année-là, dont tout le monde me parle, c’est comme si c’était quelqu’un d’autre qui la vivait ! J’ai appris, de force, à gérer tout ça. C’est comme une dissociation positive de ma propre personne.

Les Louanges

Il y a Vincent Roberge et Les Louanges, qui est mon surnom depuis le secondaire. J’habitais seul et j’ai décidé d’emménager avec deux colocs, qui sont des amis de ma polyvalente à Lévis. J’en avais assez de rentrer de tournée et de fixer les murs d’un appart frette avec un frigo vide.

M.C. : Parlant de polyvalente, tu as fait la musique de Jeune Juliette, le film d’Anne Émond…

L.L. : Oui, en deux mois et demi ! Après South by Southwest. C’était un très beau contrat. J’ai adoré ça. Je suis un gros fan de Martin Léon, qui fait de la musique de film. Les atomes, c’est un chef-d’œuvre. La musique de film, c’est quelque chose qui me tentait beaucoup. C’est l’histoire de ma vie, mais c’est Hubert Lenoir qui devait faire la trame sonore… Il n’avait pas le temps, alors ils ont appelé l’équipe B ! Je l’ai fait seul. C’est une musique de Vincent Roberge, pas Les Louanges.

M.C. : Tu dis « l’histoire de ma vie »… Il y en a plusieurs qui te comparent à Hubert Lenoir. Ça te dérange ?

L.L. : Pour moi, Hubert, c’était The Seasons quand j’étais à Québec ! Ça ne fait pas longtemps que ce n’est pas chaque jour qu’on me parle d’Hubert Lenoir.

M.C. : Pourquoi, tu penses ?

L.L. : Je ne sais pas. On chante aigu pis il y a du saxophone ! Il y a le Pantoum, où l’album d’Hubert a été écrit, où je traînais beaucoup. J’ai enregistré mon premier EP là. Je pense que c’est surtout parce qu’on arrive en même temps, que ça bouge un peu plus et qu’on n’est pas éteints derrière une guitare acoustique.

M.C. : Il y a aussi les influences jazz…

L.L. : On pourrait en jaser ! On ne fera pas un débat sur qui est plus jazz ou moins jazz. Moi, je pense que c’est une excellente idée marketing, un opéra postmoderne. Mais excuse-moi, je suis allé à l’école, et quand on étudie l’histoire de la musique, on sait que ce n’est pas ça ! Ce n’est ni du Puccini ni du Wagner moderne. Par contre, ça fait pas mal plus jaser. Et il y a une proposition et une volonté d’avoir quelque chose qui se développe un peu plus. Je n’ai pas peur de critiquer et d’avoir des opinions tranchées. Mais je n’ai pas envie de me partir une chicane avec Hubert ! Moi, je suis un col bleu de la musique. Ma phrase, c’est « tout pour la toune ». Je ne suis pas là pour avoir l’air cool. On ne se fera pas croire qu’on invente chaque fois une nouvelle roue. La musique pop, c’est de l’art d’installation. Ce n’est pas du Caravage. Je ne dis pas comme Gainsbourg que c’est seulement un art mineur, mais on reste dans l’installation, même si on réfléchit et qu’on ne manque pas de profondeur. Laissez la musique parler plutôt que d’essayer de la vendre ! C’est aux autres de décider si l’objectif est atteint.