(Los Angeles) Pour prouver que Katy Perry et son équipe d’auteurs de la chanson à succès Dark Horse avaient peut-être entendu sa chanson Joyful Noise qu’il avait composée en 2009, le rappeur chrétien Marcus Gray a dû démontrer que celle-ci avait été entendue des millions de fois sur YouTube et Spotify.

Un jury a déterminé cette semaine que la chanteuse pop Katy Perry et ses coauteurs avaient plagié Gray et les a condamnés à verser un dédommagement de 2,78 millions de dollars.

Jadis, les plaignants dans les causes de droit d’auteur devaient prouver que l’artiste qui les avait volés avait eu une occasion raisonnable d’entendre la chanson en litige malgré sa faible distribution. Ce concept est appelé « accès » par les juristes.

Mais à l’ère de la musique en continu, à une époque où tout le monde a presque accès à tout, ce concept a-t-il encore un sens ?

Cette question, comme d’autres soulevées au cours de ce procès fortement médiatisé, laisse supposer que les lois sur le droit d’auteur sont obsolètes devant les nouvelles technologies. On peut même envisager que d’autres David comme Gray vont pouvoir abattre d’autres Goliath comme Perry à l’avenir.

PHOTO DAMIAN DOVARGANES, AP

Marcus Gray affichait un grand sourire lorsqu'il a quitté le tribunal, vendredi.

« La loi a deux volets : l’accès et la similitude substantielle, a expliqué un avocat spécialisé dans les domaines de la propriété intellectuelle et des technologies, Michael Kelber. L’accès est tellement plus facile à démontrer que cela peut devenir une preuve puissante pour un jury. »

Selon lui, le procès Perry pourrait bien ouvrir « les vannes ».

« Ce n’est pas difficile d’obtenir les données de visionnages », a-t-il dit.

L’avocate de Perry, Christine Lepera, veut contester la décision, car les défendeurs de Gray n’ont pas montré « aucune preuve d’accès ». Une requête a déjà été déposée auprès du juge du procès pour qu’il annule la décision du verdict.

Les tribunaux ont souvent été les théâtres de nombreuses poursuites judiciaires, souvent intentées par des artistes mineurs contre de présumés plagiaires. Habituellement, beaucoup d’entre elles sont purement et simplement rejetées parce que le plaignant n’a aucun moyen de prouver que l’artiste poursuivi avait entendu sa chanson, à moins de démontrer qu’il lui avait remis une cassette ou réchauffé une salle avant un de ses concerts.

« Ça, c’était il y a 20 ans quand tout était contrôlé par l’industrie de la musique. Aujourd’hui, quiconque veut entendre une chanson peut la trouver, même sans faire par exprès, mentionne un avocat new-yorkais qui a travaillé sur plusieurs causes de droit d’auteur, Timothy Foster. Il est plus facile de plaider qu’il aurait pu l’entendre. »

L’avocat va même jusqu’à dire qu’un plaignant n’a plus à démontrer qu’un soi-disant plagiaire « connaissait réellement la chanson ».

« Celui-ci l’a peut-être reproduite inconsciemment, même s’il ne savait pas ou ne comprenait pas qu’il le faisait. Plus la diffusion d’une chanson est large, a déclaré Me Foster, plus il est facile de démontrer qu’il ait pu ou aurait pu y avoir accès. »

Les moyens techniques permettant à des milliers de musiciens amateurs de créer des rythmes préfabriqués par une machine que l’on peut ensuite entendre sur les réseaux sociaux. Les plagiats fortuits risquent de devenir une chose commune à l’avenir.

« Il y a tellement de gens qui créent des rythmes de base et les téléchargent pour que les gens les écoutent, souligne Me Kelber. Les chances qu’une de ces progressions de trois ou quatre notes ressemble à quelque chose de célèbre sont bien plus grandes. »