Dans un contexte de jazz latin et plus encore, un grand musicien caribéen (dans tous les sens du terme !) initiait hier le public au rôle central que jouent les tambours batas dans la musique cubaine.

Sur scène hier à la Maison symphonique, Dreiser Durruthy, tambours batas et chants, Ramon Vazquez, contrebasse, Yaroldy Abreu Robles, congas, bongos et percussions afro-cubaines, Jesus Chucho Valdés, piano et direction.

Les batas sont très importants dans le folklore afro-cubain, dans ses fêtes profanes comme dans les rituels mystiques. Rappelons que la santeria est une pratique animiste qui prend sa source en Afrique de l’Ouest. Tant membres de la communauté Yoruba (Nigeria) avaient jadis été faits prisonniers par les esclavagistes, plusieurs furent transplantés de force à Cuba et… Leur animisme originel fut progressivement transformé en religion syncrétique. Cette approche afro-cubaine fut fondée sur l’intensification du rythme qui déclenche la transe ; hypnose collective pour les ethnologues, chevauchement des esprits pour les croyants.

Évidemment, l’objet n’était pas de nous faire vivre une cérémonie de santeria ou un spectacle folklorique, mais bien d’intégrer des éléments musicaux de cette culture à l’univers de Chucho Valdes, immense musicien-pilier du jazz latin moderne, leader de la formation Irakere qui a sévi pendant des décennies, fils de feu le pianiste Bebo Valdez, aussi connu pour ses explorations côté flamenco.

Ainsi, le leader et ses trois musiciens nous ont offert un mélange vivifiant de chants traditionnels, tambours batas, percussions afro-cubaines, son, bolero, tango, blues, gospel, ballade romantique, jazz moderne. La matière des enregistrements sous la bannière Jazz Bata, signés Chucho Valdes, était le plat principal du buffet.

On connaît le jeu exubérant du pianiste, ses cascades de notes à la main droite, ses tumbaos épidermiques, son incroyable sens rythmique… et aussi sa connaissance profonde du jazz américain. Même à 77 ans, Chucho n’hésite pas à en remettre, et ce au grand plaisir de son public. Idem pour ses collègues, particulièrement le spécialiste des congas, Yaroldy Abreu Robles, qui nous a offert des improvisations de très haut niveau.

Mais… a-t-on assisté à une grande soirée de musique cubaine ? Pour qui n’a jamais entendu Valdes et des musiciens de ce calibre exceptionnel, ce fut fort probablement éclairant, à tout le moins attractif. Or, pour qui connaît les éléments constitutifs de cette riche culture musicale, ce fut une rencontre honnête, plutôt prévisible, un tantinet racoleuse par moments, convenue… somme toute correcte.