Son vieil autobus, Jacob Pomerleau ne l’a pas aménagé juste pour s’évader : c’est aussi un studio d’enregistrement entièrement équipé. Avec le MixBus, il peut immortaliser des chansons ou des jams impromptus n’importe quand, n’importe où.

Le vieux bus est garé sur un chemin cabossé bordé de débris et de monticules de terre. Ce pourrait être un terrain vague au milieu de nulle part. Les immenses structures barbouillées de graffitis et des poteaux plantés çà et là dans les hautes herbes se chargent toutefois de rappeler qu’on se trouve dans les vestiges d’un ciné-parc. La rumeur de l’autoroute n’est pas loin. C’est ici que Tilda — Mathilde Recly — passera enregistrer deux chansons tout à l’heure. Le bruit n’inquiète pas Jacob Pomerleau. « J’ai déjà enregistré une session sur la rue Saint-Denis, près de Jean-Talon », dit le jeune proprio du MixBus Studio. La veille, il avait fait la même chose dans une carrière d’amiante désaffectée, à des centaines de kilomètres de là. Par précaution, à l’arrivée de la chanteuse et de son accompagnateur, le studio roulant sera tout de même déplacé un peu plus loin de la circulation.

Jacob, 27 ans, s’apprête à passer un deuxième été dans son MixBus, où il vit à temps plein depuis le début du mois d’avril. « Je voulais me rapprocher de la nature sans perdre le côté urbain, explique le jeune homme originaire de Thetford Mines. Pouvoir changer d’environnement comme bon me semble. » Vivre une van life, selon le mot-clic à la mode. Son bus offre un minimum de confort pour cuisiner, se laver (à la débarbouillette), se soulager (dans une toilette sèche) et dormir. « L’allée de bowling, c’est pour l’année prochaine ! », lance Isabelle Langlois, 26 ans, copine de Jacob, qui vient tout juste de se joindre à son projet… et d’emménager avec lui dans cette maison mobile pas ordinaire.

Ce qui rend ce véhicule converti unique se trouve tout au fond, passé le poêle à bois : un espace de travail avec ordinateur, clavier de piano, console 32 entrées et haut-parleurs. Et aussi ce qui est rangé hors de la vue, comme les guitares, la basse, les micros et tous les fils pour harnacher tout ça. Il ne manque qu’une batterie. « Normalement, j’en ai une », ajoute-t-il.

« Instagram m’a recommandé d’aller voir le bus et j’ai eu un coup de cœur », raconte Mathilde Recly — dite Tilda. Elle a trouvé original et inspirant de pouvoir faire de la musique dans des endroits insolites. En passant une demi-journée au MixBus, elle a enregistré deux chansons live en formule quasi acoustique (elle avait préenregistré des chœurs) avec le guitariste Vincent Gendron et elle obtiendra aussi deux vidéoclips. Mathilde les diffusera sur les comptes Instagram, Facebook et YouTube de Tilda, son nom d’artiste. « C’est comme ça qu’on se construit une communauté », observe-t-elle.

L’un des objectifs de Jacob et Isabelle est d’offrir à des artistes connus et moins connus d’enregistrer des chansons. D’aller là où il n’y a pas de studio d’enregistrement, aussi. « Les festivals m’engagent pour créer des contenus, comme installation interactive, pour des jams intérieurs et pour faire le DJ sur toit », raconte Jacob, qui a déjà roulé au Québec l’été dernier. Il prévoit déjà s’arrêter au Festif ! de Baie-Saint-Paul, au festival L’Alternative de Thetford Mines (qu’il a contribué à mettre sur pied) et retourner à Petite-Vallée, où il a enregistré un jam avec Martin Léon et un autre avec Hubert Lenoir et sa bande l’an dernier.

Isabelle a embarqué dans le projet du MixBus tout récemment. Jacob pilotera la console, elle développera le plan d’affaires. En plus d’offrir des séances d’enregistrement professionnelles à coût abordable, le couple souhaite proposer aux artistes des forfaits incluant des clips, la rédaction de bios ou d’autres textes promotionnels. Isabelle et Jacob se retrouvent chacun derrière leur caméra au cours des séances d’enregistrement pour croquer les images qui serviront aux clips. Ils misent sur le MixBus pour les faire vivre… et vivre tout court. « Il va falloir avoir une vision plus minimaliste. Au lieu d’avoir de l’argent à investir dans des objets, l’idée, c’est de l’investir dans des escapades, dit Isabelle. On va avoir une meilleure qualité de vie. »