Antony Carle chante depuis qu’il est tout petit. Du chœur de l’église à la pop électro, c’est tout un parcours qui a mené le jeune homme de Trois-Rivières à l’identité queer assumée à la sortie d’un premier album intitulé The Moment.

Antony Carle est spectaculaire. On n’a qu’à parcourir son compte Instagram ou à visionner ses clips très léchés pour le comprendre. Grand et mince, la tête rasée, il arrive à La Presse vêtu d’un pantalon rayé et d’un haut transparent, avec une chaîne massive en argent au cou.

Accompagné de la maquilleuse d’Hubert Lenoir Carole Méthot, qui est avec lui pour les dernières retouches, il mettra ensuite plusieurs minutes à enfiler ses longs gants noirs avant de commencer la séance photo.

Extrait du clip de But You, Everybody Is

C’est clair, Antony Carle est un tout, et son image est indissociable du musicien. « Oui, mais le focus va toujours rester sur la musique, dit-il doucement. L’image est importante et très forte, mais il n’y a aucun autre langage que la musique qui peut communiquer avec autant de puissance. Moi, ça a changé ma vie. Pas juste parce que j’en fais, mais parce que j’en ai consommé abondamment. »

Celui qui a appris le piano tout seul, qui a chanté lors de messes de Noël – « J’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose de grandiose dans les églises, qu’on soit croyant ou non » – , et qui a étudié en musique au cégep Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse – « Mais j’ai quitté [le programme] parce que je trouvais que leur objectif était que tout le monde sonne pareil » – a donc fait tranquillement son chemin de Trois-Rivières à Montréal.

« Mon style s’est défini à travers mon écriture et mes expériences », explique le chanteur, qui écrit les textes et les musiques de ses chansons et dont la voix très haute rappelle celle de Jimmy Somerville, ce qui le gêne tout de même un peu quand on le lui dit.

« Toutes les comparaisons peuvent être bonnes. Mais je trouve ça étrange, comme je trouve difficile de genrer mon style musical. C’est tellement personnel, ça se passe à l’intérieur. Après, ça n’a pas d’importance comment on le définit. »

Définition

Le jeune queer dans la vingtaine – « Je préfère garder le mystère » – raconte avoir mis du temps à se définir. 

« Je ne savais pas qui j’étais, avoue-t-il. En me comparant, je me trouvais bizarre. J’étais conscient que j’étais différent, mais je ne savais pas exactement en quoi. » Il est donc parti de Trois-Rivières simplement parce que c’était le temps, et non parce que c’était devenu trop lourd à porter.

« De toute façon, rendu à Sainte-Thérèse, je n’étais pas plus libre, car mon identité était encore un secret pour moi. On peut dire que j’ai été un late bloomer. J’étais un peu dans la lune quand j’étais jeune. Comme un grand enfant. »

À la seconde où il a compris qui il était, tout s’est illuminé. Et la vie est beaucoup plus facile depuis.

« Je ne fais plus de compromis et je n’ai plus besoin de m’excuser ou de me justifier. J’aime interagir avec des gens différents, qui ont des backgrounds et des orientations différentes. On fonctionne tous ensemble dans le même monde dark et inquiétant. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Antony Carle

Antony Carle admet qu’il passe rarement inaperçu – sauf quand il va au bureau de poste avec sa casquette sur la tête, rigole-t-il. S’il estime qu’on peut vivre partout « si on reste sur ses gardes », il ne se considère pas brave, comme on le lui dit parfois.

« Ce n’est pas de la bravoure. Mais peut-être que c’est une forme de résistance politique in a way, considérant le climat politique dans lequel on est. » — Antony Carle

Mais est-ce que son identité de genre définit son identité d’artiste ?

« Quand tu es authentique, ça va de soi. En même temps, ce que je propose, ce n’est pas que pour les gens comme moi, c’est pour tout le monde qui est assez curieux, de tout âge et de tout sexe. Et ça permet à ceux de ma communauté d’avoir une représentation », dit le chanteur, dont l’objectif est de faire danser les gens et de les faire sortir de leur maison.

« Faire de la musique, c’est mon talent, c’est ma mission sur Terre. Je veux rassembler les gens, qu’ils se laissent aller sur le dance floor. Si je peux contribuer à des belles rencontres, tant mieux ! »

Antony Carle espère faire beaucoup de spectacles cette année, mais il ne sait pas trop où le mènera cet album. De toute façon, The Moment est davantage pour lui une naissance qu’un aboutissement.

« Je n’avais rien à mon nom, seulement des petites chansons ici et là. L’album, c’est pour que les gens comprennent qui je suis comme artiste. Comme une carte de visite. C’est le début. »

La question du stagiaire de L’Itinéraire

Antony Carle est habitué de se faire questionner sur son orientation sexuelle. Est-ce que cela l’exaspère  ? Il répond qu’il est habitué, il le prend avec philosophie et il croit que ce sera probablement toujours le cas. « Je trouve ça bien de ramener le focus sur ce que je fais, sur la musique. De là à dire que je suis tanné […], je vais être comme ça toute ma vie…  » N’ayant pas eu personnellement de modèles, il croit qu’il peut en être un pour les plus jeunes. « Il est important de quand même s’identifier [à certaines personnes] et d’être inspiré par certaines personnes […], mais je n’essaie pas de sauver des vies. » Il est certain qu’il veut faire reconnaître d’abord sa démarche artistique, mais il reste conscient que son orientation éveillera toujours la curiosité. Ultimement, il veut qu’on le voie tel qu’il est : un tout, répond-il avec son sourire charmant.

— Yves Grégoire, journaliste stagiaire de L’Itinéraire

IMAGE TIRÉE DE LA PAGE BANDCAMP D'ANTONY CARLE

The Moment, d'Antony Carle

The Moment

Antony Carle

Électro-pop

Bonsound