Après avoir dû annuler son spectacle in extremis, l’an dernier, en raison d’une vilaine grippe, P!nk est de retour à Montréal le temps de deux concerts qui seront présentés demain et samedi au Centre Bell. Portrait d’une artiste féministe et hors normes dont l’étoile n’a jamais pâli depuis ses débuts en 2000.

Alors qu’elle poursuit sa tournée Beautiful Trauma, P!nk a lancé le mois dernier Hurts 2B Human, son huitième album. Un disque qui, comme les deux précédents, s’est hissé en tête du Billboard 200, ce palmarès qui répertorie de façon hebdomadaire les albums les plus populaires aux États-Unis.

Connue pour sa forte prise de parole et son côté rebelle, P!nk a redéfini les contours du moule qui définissait bon nombre de chanteuses populaires au début du millénaire. « C’était libérateur d’avoir une figure à la fois pop, donc on n’était pas marginaux en l’aimant, et à la fois rebelle, ou qui allait à l’encontre de tout ce qu’on ne voulait pas être », remarque Sandrine Galand, spécialiste du féminisme dans la culture populaire et chargée de cours à l’Institut de recherche et d’études féministes de l’UQAM, qui était adolescente au moment où P!nk lançait sa carrière.

« Quand P!nk est arrivée, on était dans une pop dominée par des divas jeunes, blondes et un peu pareilles : Britney Spears, Christina Aguilera, Jessica Simpson, rappelle Sandrine Galand. Elle est arrivée avec son corps musclé, ses cheveux courts, un peu tomboy, qui sont restés sa marque de commerce d’ailleurs. » Une image que son producteur de l’époque a d’ailleurs tenté de changer, comme elle le raconte dans sa chanson Don’t Let Me Get Me, sortie en 2001.

Préparer le terrain

Bien qu’elle ne soit pas la première chanteuse pop à bousculer l’ordre établi, P!nk a, selon Sandrine Galand, préparé le terrain à plusieurs autres qui l’ont suivie, dont Katy Perry et Lady Gaga. La chanteuse québécoise Roxane Bruneau, que l’humoriste, animateur et metteur en scène de son spectacle Martin Cloutier a qualifiée de « prochaine P!nk du Québec », dit se reconnaître dans certaines facettes de la chanteuse américaine, bien que, pour elle, la comparaison soit énorme. « P!nk, c’est un monument, dit celle qui suit sa carrière depuis plusieurs années. Je me reconnais en elle sur certaines facettes : le look, le girl power, le “je m’en fous, je fais ce que j’ai à faire, je fonce”. En même temps, elle a un côté très vulnérable dans ses chansons. »

Dans ses textes, souvent autobiographiques, P!nk, qui aura 40 ans en septembre, n’hésite pas à raconter les moments difficiles de sa vie, comme le divorce de ses parents (Family Portrait) et sa rupture, qui s’avérera temporaire, avec son mari, le pilote de motocross Carey Hart (So What).

PHOTO MIKE BLAKE, REUTERS

P!nk en compagnie de son mari Carey Hart et de ses enfants Willow et Jameson alors qu'elle recevait son étoile sur le Hollywood Walk of Fame en février dernier.

Celle qui, depuis ses débuts, met de l’avant l’empowerment des femmes, a embrassé le discours féministe bien avant qu’il soit à la mode. « P!nk a donné une entrevue en 2006, après Stupid Girls qui est un tournant pour elle, où elle avait affirmé son féminisme, souligne Sandrine Galand. C’était une décennie avant Beyoncé, en termes de prise de parole publique. Bien avant tout le monde. » Rappelons que, dans la chanson Stupid Girls, P!nk critique la dictature et le message voulant que les femmes doivent avoir l’air stupides pour avoir du succès, écorchant au passage dans son vidéoclip les Jessica Simpson, Mary-Kate Olsen, Lindsay Lohan et Paris Hilton.

Depuis ses débuts, P!nk, qui compte de nombreux admirateurs membres de la communauté LGBTQ, rejette aussi les étiquettes de genre. Si elle reçoit peu de commentaires désobligeants sur son style ou son orientation sexuelle, Roxane Bruneau croit que c’est peut-être grâce à des femmes comme P!nk. « D’après moi, il y a des femmes comme elle qui ont fait un chemin pour les femmes plus androgynes. »

Un discours remarqué

Un des discours les plus célèbres de P!nk est celui qu’elle a livré à l’intention de sa fille, en 2017, aux MTV Music Awards alors qu’elle recevait le prix Michael Jackson Video Vanguard pour souligner son impact sur la culture du vidéoclip. Émue, elle raconte avoir eu une discussion avec Willow, alors âgée de 6 ans, à propos de l’image corporelle, du conformisme et de la confiance en soi. 

« Je pense que c’est quelque chose qui parcourt toutes ses chansons, toutes ses paroles, cette fierté d’authenticité et de ne pas se changer et de ne pas correspondre à ce dont il faudrait qu’elle ait l’air dans l’espace public », résume Sandrine Galand.

Mais, bien au-delà de ses prises de position, P!nk est une artiste qui remplit des amphithéâtres partout dans le monde avec ses succès et ses mises en scène à couper le souffle. Parlez-en à ceux qui étaient sur les plaines d’Abraham en 2017, au Festival d’été de Québec, alors qu’elle en avait mis plein la vue aux spectateurs. 

« Marie-Mai avait dit ça aussi : “Ça prend du talent pour faire une bonne toune pop”, observe Roxane Bruneau. C’est facile de tomber dans le quétaine quand tu fais de la pop, je pense. » P!nk réussit, selon elle, à faire de la pop qui marche.

Tout ça en étant maman de deux enfants. « Ça me fascine beaucoup, le fait qu’elle a été capable de devenir mère et de continuer à rouler encore autant. Elle s’implique dans plein de causes comme Unicef. C’est fou. Il y a juste 24 heures dans une journée pour elle aussi ! »