Véritable phénomène en France et en Belgique, le rappeur bruxellois d’origine congolaise Damso a fait sa marque au Québec avant même d’y avoir mis les pieds. Une Place Bell bondée l’attend d’ailleurs ce soir. Si ses textes souvent brutaux suscitent souvent la polémique de l’autre côté de l’Atlantique, le parolier ne s’en inquiète pas. Entretien.

Il a fallu déplacer votre concert du MTelus à la Place Bell pour répondre à la demande de vos admirateurs. Imaginiez-vous que vous pourriez remplir une salle de plus de 8000 places au Québec ?

Je ne savais pas du tout que j’avais un large public ici. On m’en avait parlé, mais je ne m’imaginais pas que c’était à ce point.

Retournons dans votre passé. Vous êtes né au Congo, vous y avez vécu quelques années avant de partir pour la Belgique. Est-ce que ç’a été difficile de vous intégrer en Europe ?

Je suis parti à 9 ans rejoindre ma mère [à Bruxelles]. Je venais d’un pays en guerre. C’était particulier parce que je ne connaissais pas le racisme à ce moment. C’est la première chose qui m’a marqué. Sinon, c’était bien. Je m’adapte facilement.

À quel moment la musique est-elle entrée dans votre vie ?

J’ai commencé à écrire à l’âge de 7 ans. Mais le rap est arrivé à 12 ans. Je produisais des musiques, mon frère rappait. Ensuite, j’ai commencé à rapper aussi.

Est-ce qu’il a toujours été évident que vous vouliez en faire votre carrière ?

Je ne vois pas les choses en termes de carrière. Je fais ce que j’aime de la meilleure façon possible. La sortie d’un album, pour moi, ce n’est que la finalité de mon envie de créer. Si demain j’ai envie d’arrêter et de faire de la construction, je vais le faire.

Il semble y avoir une vague de rappeurs belges qui se démarquent en ce moment (Damso, Caballero, JeanJass, Roméo Elvis, Hamza). Quelle en est la cause, selon vous ?

Les talents existaient avant, mais les médias ne s’y intéressaient pas. […] Grâce à l’internet, les gens ont pu se rendre compte de tous les talents. Quand j’ai commencé à émerger, comme d’autres en même temps, les médias ont créé ce mythe du rap belge. C’est plus simple de se faire connaître. C’est aussi plus simple de disparaître, parce qu’il y a tellement plus de monde.

Vous avez été mis sous contrat par la maison de disques 92i et par Universal en 2016. Vous avez alors sorti votre premier album, Batterie faible. Quand avez-vous senti que votre carrière décollait ?

C’est venu au fur et à mesure. Je croyais en moi. J’aime ce que je fais et je veux le faire partager aux autres, voir s’ils aiment autant que moi.

Le but ultime, c’est de faire ce que vous aimez faire ?

Je suis mon premier fan. Si, demain, je fais une chanson et qu’on me dit que c’est un tube extraordinaire, mais que moi je ne l’aime pas, ça ne sortira pas. Une fois devant mon public, je vais transmettre une énergie. Si elle est fausse, ça craint.

Vos textes sont toujours très forts, très crus et souvent très durs. Ils donnent l’impression que vous n’avez aucun filtre. Est-ce le cas ?

Je me demande pourquoi on devrait se mettre un filtre. J’écris comme j’écris. Je ne vais pas faire attention.

Vos textes sans filtre sont perçus par certains comme trop vulgaires, trop crus. Pensez-vous à la façon dont vos textes seront reçus ?

Pas du tout. Si tu n’aimes pas, tu mets la chanson suivante. Si tu n’aimes pas le CD, tu le jettes ou tu le donnes à quelqu’un qui l’aime bien.

Les thèmes que vous abordez sont aussi très forts. Vous parlez d’homosexualité, de violence, de racisme, même de pédophilie dans la chanson Julien, sur votre dernier album.

Je ne cherche pas de thèmes. C’est ce que la vie me propose, j’écris sur ce qui vient. Je vais avoir 27 ans [aujourd’hui]. Je parle de ce qui se passe dans ma vie. Je me pose des questions et je sais que les questions que je me pose aujourd’hui ne sont pas celles que je me poserai demain.

Vos albums Batterie faible (2016), Ipséité (2017) et Lithopédion (2018) ont tous connu un grand succès. Dans la chanson William (Lithopédion), vous dites qu’il pourrait s’agir de votre dernier album. Vous le pensez toujours ?

Je ne me mets pas de pression. La musique, je l’aimerai à vie, je pense. Mais l’industrie de la musique, je l’aime moins. Je veux pouvoir sortir un projet sans être dérangé par l’industrie [Damso a quitté la maison de disques 92i]. J’ai fait trois albums, j’ai vu comment ça se passe, ça ne me parle pas trop. Il faut prendre du recul, il faut se laisser kiffer. C’est pour ça que je dis [dans William] que l’avenir nous le dira.

À la Place Bell, ce soir, à 20 h.