On pourrait résumer Sara Dufour en une espèce de croisement d’Émile Bilodeau et de Lisa LeBlanc. Mais la chanteuse originaire de Dolbeau-Mistassini, qui a lancé hier son deuxième album, est plutôt unique. Rencontre avec une artiste qui trace son chemin tranquillement mais sûrement.

À 18 ans, elle quittait le Lac-Saint-Jean pour aller jouer dans Watatatow. À 27 ans, elle s’inscrivait à l’École nationale de la chanson de Granby. À 30 ans, elle sortait un premier EP tout en étant concurrente à La voix, et lançait l’année suivante un premier disque, Dépanneur Pierrette. La revoici, à trente-quatre ans « et demi », avec un album sans titre : « parce que c’est vraiment moi, c’est vraiment ma vie qui est là-dedans ».

Sara Dufour n’a jamais eu de plan B. Lorsqu’elle est sortie de l’école de la chanson il y a sept ans, la chanteuse au tempérament volontaire et entier a commencé à défricher son sentier sans brûler d’étapes. « Je faisais tous les petits concours, tout ce qu’il était possible de faire. J’étais vraiment déterminée », dit celle qui avait d’abord tenté de mener une vie normale.

« J’essayais d’être comme ma sœur, d’avoir une job normale et tout, mais ça ne fittait pas avec moi. Ça a toujours parlé fort en dedans. »

Ces années à prendre de l’expérience, à comprendre comment fonctionne l’industrie – « Au début, je ne savais même pas c’était quoi, une gig, imagine ! » – et à faire des spectacles lui servent aujourd’hui. « Chaque pas a mené à un autre, chaque année depuis sept ans est ma plus grosse année. C’est merveilleux. »

Ce qui lui permet d’arriver avec un disque solide et percutant, au son country-rock rempli de distorsion – merci, Dany Placard, à la réalisation – qui fait du bruit et se démarque du lot. Le tout chanté avec intensité dans un langage très proche de celui de la rue.

« J’écris et je chante comme je parle. Est-ce que c’est un statement ? Peut-être. Je ne le sais pas. En tout cas, ce n’est pas volontaire », dit Sara Dufour qui, à l’époque du disque Brun, rêvait que Bernard Adamus lui écrive une toune. « J’aurais voulu chanter ses mots, j’aime cette manière naturelle d’écrire des chansons. J’aime Desjardins, Leloup, Cayouche aussi. »

Petits moteurs

On peut sortir la fille du Lac, mais pas le Lac de la fille. Même si elle a quitté sa région natale il y a longtemps, elle y retourne régulièrement pour voir sa famille et profiter des grands espaces. « J’en fais, du kilométrage », dit Sara Dufour, qui n’est pas tant une « fille de chars » qu’une amatrice de petits moteurs, précise-t-elle.

« Ski-doo, quatre-roues, karting, j’adore ça. » Une de ses chansons les plus surprenantes parle d’ailleurs d’une épique randonnée de motoneige dans les Chic-Chocs. « Si t’es capable de “rider” là, tu peux “rider” partout. Comme je le dis, c’est vraiment à pic, hostile et dangereux. Il fallait que j’en fasse une toune ! »

En écoutant ce disque qui dégage des odeurs d’huile à moteur, on est d’abord frappé par le côté un peu beaucoup tomboy de la personnalité de la chanteuse. Sara Dufour l’assume totalement, même si elle précise ne pas être que ça.

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L'album Sara Dufour, de Sara Dufour

« À l’école, on nous demandait d’écrire pour trouver qui on était. Moi, j’avais dit : “Je suis celle qui a besoin de deux mondes pour vivre. Celui des talons hauts et des soirées chic, et celui des vieilles bottes et des chalets pas de toilettes.” »

Cette « fine ligne » sur laquelle elle marche, même musicalement, lui permet d’assurer des premières parties autant pour les punks du Québec Redneck Bluegrass Project que pour Renée Martel.

« Et les deux marchent ! Je reçois même des vidéos d’enfants qui chantent mes chansons », explique Sara Dufour, qui parle aussi beaucoup d’amour sur ce nouveau disque. Amours qui fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas, mais toujours sur le ton de la fille qui sait ce qu’elle veut – et ne veut pas.

« C’est vrai qu’il y a beaucoup d’amour sur ce disque. Les relations humaines, c’est pour ça qu’on est sur Terre. On veut tous connecter, aimer, être aimé, on se promène là-dedans et des fois on se pète la gueule à fond la caisse. »

Tournée

Les prochains mois seront fort occupés pour Sara Dufour. « Je regarde mon calendrier et j’ai du fun. Je n’ai pas beaucoup de fins de semaine de libres. » Elle ira partout, aux quatre coins du Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et en Europe.

« J’aime ça, être sur la route, aller rencontrer les gens dans les racoins les plus loin », dit la chanteuse dont les textes parlent pas mal plus de « garnotte » que d’urbanité. « Oui, je fais de la musique de région, et j’aime porter ça. »

L’avantage d’avoir déjà quelques centaines de spectacles au compteur est que les diffuseurs lui font confiance.

« La première run a été défrichée. C’était pas les salles les plus combles et j’ai appris là-dedans. Je me souviens, à Val-d’Or, à la salle Félix-Leclerc, il y avait 50 ou 60 personnes. Le diffuseur me racontait que la première fois que Patrice Michaud y était allé, il y en avait eu 44, mais que la fois d’après, c’était plein. Alors je suis arrivée sur scène en disant à la blague : “J’ai hâte de revenir !” »