(Paris) «C’était un bon soir»: les sourires étaient de mises à la sortie du Grand Rex, jeudi soir à Paris, pour le premier des trois concerts en France de la légende Bob Dylan, toujours aussi mutique sur scène mais qui a parfois fait passer quelques frissons.

Avec le «Zimm», depuis 31 ans que dure son Neverending Tour, c’est simple: soit on adhère soit on rejette. Rarement un artiste en représentation aura été aussi clivant.

D’autant qu’avec l’immense répertoire qui est le sien, porté par de nombreux classiques, Dylan ne peut d’abord pas tous les interpréter et donc satisfaire tous les fans. Ensuite, sa démarche consiste à souvent revisiter et réarranger ses titres, tant est si bien que les spectateurs peuvent être déçus de ne pas entendre les versions originelles, quand parfois ils ne les reconnaissent même pas.

Avec Dylan, c’est à prendre ou à laisser. Tout comme l’absence de mots adressés au public, pour dire «bonjour», «merci» ou «au revoir». En presque deux heures de concert, on l’aura d’ailleurs à peine vu échanger avec ses quatre musiciens.

Pour ce qui des chansons, 11 sur les 21 au programme sont parmi les plus récentes qu’il ait écrites, figurant sur Time Out of Mind (1997), Love and Theft (2001), Modern Times (2006) et Tempest (2012). La place restante accordée aux tubes des années 60 et 70 est donc réduite.

Posture à la Jagger

Mais le fait est que la voix nasillarde de Dylan est devenue de plus en plus rugueuse avec l’âge, bientôt 78 ans, et les concerts. Et qu’il peinerait certainement à reprendre certains morceaux de sa première époque, contrairement à ceux des vingt dernières années enregistrés avec ses actuelles capacités vocales.

Certains ont d’ailleurs offert de beaux moments. Tel Things Have Changed, datant de 2000 et joué en ouverture, comme d’habitude depuis six ans, mais qui a permis au Prix Nobel de Littérature (2016), debout au piano et vêtu d’une veste argentée, de bien prendre ses marques.

Scarlet Town, seule embardée de Bob sur le devant de scène, Trying to Get to Heaven, sur lequel son sourire discret a trahi le plaisir pris, et surtout Love Sick, dont le rythme reggae a gagné en intensité rock, ont justifié leur place.

Rayon succès, Highway 61 Revisited plus boogie que blues, Thunder in the Mountain très rock’n roll sur laquelle Dylan ose même une posture Jaggerienne, et Dont Think Twice It’s All Right dépouillé au piano et guitare slide, ont ravi le public.

Probablement plus que Blowin’in the Wind, méconnaissable derrière violon et violoncelle, et certainement moins que Like a Rolling Stone revenu en grâce après cinq ans d’absence, dans une version totalement déconstruite, sans orgue Hammond, mais avec un talk over frôlant le phrasé hip-hop. 

Content de son coup, Bob Dylan pouvait bien afficher un sourire mutin avant de disparaître. Que les fans se rassurent, il revient jouer ce vendredi et samedi et est en tournée en Europe jusqu’en juillet.