« C'est vraiment sick ce qui s'en vient », a annoncé pendant sa prestation le duo Heartstreets, qui assurait la première partie du spectacle d'Eddy de Pretto samedi au MTelus - tout comme la veille à Sherbrooke, où les deux Montréalaises avaient pu voir le nouveau phénomène de la chanson française à l'oeuvre. Mais rien, ni cet avertissement, ni la rumeur favorable qui courait depuis son premier passage à Montréal, en juin, aux Francos, ni les milliers de spectateurs qu'il a attirés partout en France depuis la sortie de son album Cure, il y a un an, ne nous avait vraiment préparé au choc de Pretto.

La force de frappe du chanteur de 25 ans est tellement puissante que, dès les premières phrases de Musique basse, on sent l'énergie traverser la salle. Une énergie qui ne baissera pas d'un cran pendant ce spectacle porté par la manière de bouger très déliée du chanteur, ses mots qui bouleversent, sa voix riche et fragile à la fois, qui oui rappelle parfois Pierre Lapointe ou Stromae, mais qui est surtout unique.

Sur une scène dénudée, dans des éclairages blancs et très crus - comme ses paroles, d'ailleurs - qui en accentuent encore plus le dépouillement, Eddy de Pretto se présente seul avec son iPhone, qui diffuse ses rythmes, avec comme unique accompagnateur un batteur installé sur un plateau surélevé. Pendant un peu plus d'une heure, il arpente la scène d'avant en arrière, interpelle le public et chante chaque pièce comme si c'était la dernière fois.

« C'était ouf l'an dernier, ce le sera encore ce soir », a-t-il lancé dès le début à la foule, déjà totalement conquise, qui ne s'est pas fait prier pour chanter et danser, mais qui a aussi écouté attentivement ces mots parfois durs et ses phrases lumineuses. Il était difficile de résister à certaines finales dramatiques - Normal dans des éclairages vert et rouge ou dans l'ombre sur Beaulieue -, à son lyrisme sur Rue de Moscou et Quartier des lunes, à sa fragilité sur la nouvelle À propos de toi, à son énergie sur Jimmy et Ego.

Eddy de Pretto a le sens du spectacle et de la montée dramatique, c'est évident. Qu'il y arrive en étant aussi simple dans sa manière de se présenter est un exploit. 

« Je suis complètement normal, complètement banal », chante-t-il sur Normal, et c'est justement cette vérité et cette humilité qui viennent toucher chaque spectateur, un à la fois.

Avec ses paroles qui racontent une nouvelle façon de reconsidérer les genres et les codes - que dans son plus gros succès, Random, il dit ne pas connaître, et c'est tant mieux - et sa manière frontale de se rebeller contre les stéréotypes, Eddy de Pretto a fait de ses spectacles des safe space pour ceux et celles qui se sentent différents. Résultat : en plus d'être un phénomène musical, le chanteur est aussi devenu un phénomène social important.

Lorsque le spectacle se termine avec Kid et son refrain plein de beauté et d'espoir - « Et moi, et moi, je joue avec les filles », en réponse à cette obligation lancée en début de chanson : « Tu seras viril, mon kid » - , avec la foule qui chante à l'unisson, on ne peut qu'être touché directement au coeur par ce talent brut. Il faudra quelques heures pour se remettre du choc, certainement.