D'une certaine manière, c'est la musique qui a sauvé la vie d'Hanorah. La Montréalaise de 25 ans vient de lancer un premier EP, For the Good Guys and the Bad Guys, album de résilience après une agression sexuelle subie il y a sept ans. Rencontre avec une jeune femme qui chante pour se sentir mieux... et pour aider les autres.

On t'a connue à La voix en 2017. Qu'as-tu fait depuis?

Dans la vie publique, ça semble être juste du silence, mais j'ai beaucoup travaillé ! J'ai été recrutée par Dare to Care grâce aux Soeurs Boulay, parce qu'elles étaient les mentors de mon coach Pierre Lapointe. Ça a été un peu long avant de pouvoir enregistrer, puis on a fait ça dans un studio de NDG avec le réalisateur des Brooks, Alex Lapointe.

Tu as donné des spectacles?

Plein! J'arrive d'une tournée dans l'Ouest canadien, où j'ai fait la première partie de Coeur de pirate. Mais avant La voix, j'avais déjà fait une centaine de shows avec mon groupe. On avait même commencé à enregistrer un disque, mais quand on a eu le contrat avec Dare to Care, on a tout recommencé.

Donc ces chansons sont écrites depuis longtemps?

Oui! Il y en a une, Clementine, que j'ai écrite en 2015. Par contre, Going Down, la chanson plus funk du disque, je l'ai écrite il y a un an.

Tu as toujours voulu faire de la musique?

Oui, mais je ne pensais pas que c'était possible d'en faire une carrière. Puis, un jour, j'ai compris que je n'étais pas obligée de garder en moi la honte et la colère que je ressentais depuis l'agression sexuelle que j'ai subie à 18 ans. Vers 21 ans, j'ai décidé que je pouvais être heureuse et que je ne voulais pas vivre ma vie comme ça, que je ne méritais pas ça. J'ai pris la décision de faire de la musique.

Ce disque en est un de résilience?

Absolument. De rédemption, de joie, d'espoir, de peine aussi.

Depuis #moiaussi, beaucoup de chanteuses parlent du féminisme et de la force des femmes. Tu as l'impression de faire partie d'un courant?

J'ai été agressée il y a sept ans. C'était bien avant #metoo. Après, j'ai lu des articles de féministes qui avaient vécu la même chose. Je me demandais: comment je suis censée vivre ça? Je n'avais aucun guide. J'ai commencé à écrire des poèmes sur ça il y a cinq ans, qui sont devenus des chansons. Mais je ne pourrais pas faire ce que je fais aujourd'hui sans ces sept ans de travail sur moi-même. Ce n'est pas un courant. C'est ma vie. Mais je suis fière de faire partie de ce mouvement.

Musicalement, on te compare souvent à Amy Winehouse. Ça te dérange?

Pas du tout. La différence, c'est qu'elle est restée dans ses peines et que ça l'a détruite. Moi, mon but est de devenir de plus en plus forte mentalement. Je ne veux pas être une victime, ce n'est ni agréable ni productif.

Tu aimes la vieille musique, le soul, le R&B?

Oui. J'aime les voix fortes. Je pense que ma voix grave attire aussi ce style musical... mais avec des textes féministes et anti-agression sexuelle. Je n'ai jamais entendu ce genre de texte avec un message contemporain dans le genre de musique que je fais.

Est-ce que tu fais de la musique pour changer les choses?

J'aimerais beaucoup. Le pouvoir que j'ai, c'est d'être honnête. Il faut être transparent pour que les choses changent. Je sais que je ne peux pas régler le problème social des agressions sexuelles. C'est triste, mais tout ce que je peux faire, c'est du damage control. C'est le début d'une conversation plus que nécessaire. Je ne peux pas tout réparer, mais je vais faire ce que je peux. Et ce que je peux, c'est chanter... et partager le message.

La place des femmes en musique, c'est un sujet qui t'interpelle?

Oui. Je lis beaucoup le magazine She Shreds, qui s'adresse aux guitaristes femmes ou non binaires. Ça m'a encouragée à foncer un peu plus comme guitariste. C'est cool de voir ces initiatives.

Tu joues de la guitare sur scène?

Dernièrement, oui, et je pense que je vais garder ça. Je me donne encore la liberté d'apprendre quelque chose de nouveau, de dire que je ne suis pas juste une chanteuse avec une belle voix, que j'ai travaillé pour ça. Et puis c'est tellement l'fun! Ça fait du bien et ça donne confiance.

Tu écris toujours des chansons?

Oui. On en a arrangé quatre nouvelles cette semaine avec le band. Et on en a encore plus.

Tu risques de sortir un nouvel EP rapidement?

Je dirais plus un LP. Dans longtemps!

De quoi aura l'air ton année?

On a beaucoup de spectacles cet été au Québec et en Ontario. Je vais continuer de vivre la vie musicale. Quand on fait des rencontres, il y a toujours des choses qui arrivent. Je vais continuer à donner ce que j'ai en moi, et croiser les doigts.

For the Good Guys and the Bad Guys. Hanorah. Dare to Care Records.

IMAGE FOURNIE PAR DARE TO CARE RECORDS

For the Good Guys and the Bad Guys, d'Hanorah