Mehdi Cayenne est une drôle de bibitte, un être charmant et volubile dont le cerveau fonctionne à 200 km à l'heure. Il vient de sortir son quatrième album, Radio Batata, disque frontal à l'esprit punk dans lequel il s'amuse avec les mots et la forme. Portrait en cinq temps.

D'ici et d'ailleurs

Son père est algérien, sa mère est française. Il est né à Alger et a vécu à Moncton, Montréal, Gatineau et Ottawa. « Mes identités sont multiples, mais je n'ai pas l'impression que ça me sert ou que ça me nuit. Comme on ne se demande pas ce que ça fait d'avoir deux jambes quand on se lève le matin : je suis comme ça. Mais ça m'a pris du temps à tout assumer, parce que quand on est d'ici et d'ailleurs, on n'est ni l'un ni l'autre. Mais en fait, on est l'un ET l'autre, plutôt que l'un OU l'autre, et cette notion est la réalité de mon existence. Et celle de bien d'autres gens aussi. »

Accent

Depuis quelques années, Mehdi Cayenne joue souvent en France. « C'est drôle, parce que comme je viens du Canada, j'y suis reçu très différemment que si j'étais purement algérien ou français. J'aurais plus d'embûches, je le sais », raconte le chanteur, qui se fait évidemment noter son « accent québécois » lorsqu'il est en France - et vice versa ici. C'est vrai que son accent aux influences diverses est plutôt indéfinissable, et il s'amuse dans ses chansons à intégrer toutes sortes d'expressions, autant acadiennes que québécoises. « C'est le lot de tous les immigrants : tu n'as pas le même accent que tes parents. Mais ce n'est pas affecté, je n'ai pas essayé d'être comme ça. »

Frontal

Contrairement à son disque précédent qui était plus en douceur, Radio Batata est un album frontal, clairement porté par une énergie punk. « Bon, je ne suis pas un vrai punk quand même ! Mais c'est vrai qu'il y a un côté immédiat dans ce disque, qui ne vise pas à plaire. Je le fais pour extérioriser ma douleur, ma confusion de vivre, que beaucoup de gens sauront reconnaître. » Le monde dans lequel il vit semble le fâcher. « La vie est belle, mais le monde est vache, pas besoin de regarder bien loin pour s'en rendre compte », dit Mehdi Cayenne, qui aime bien juxtaposer textes douloureux et musiques joyeuses. « C'est ce paradoxe qui m'intéresse et qui a guidé la création de ce disque. »

Jouer avec les mots

Poète, chroniqueur à la radio de Radio-Canada à Ottawa - son disque porte d'ailleurs le même nom que ses chroniques -, Mehdi Cayenne aime les mots. « J'ai une relation profonde avec eux. La poésie a le potentiel de nous faire vivre des choses différemment, de transcender notre réalité de tous les jours. Mais les mots ne traduisent jamais vraiment les choses, ils essaient. Il y a donc cette douleur de l'inadéquation des mots, et en même temps ce rapport salvateur parfois sublime qui nous dépasse », explique Mehdi Cayenne, qui aime jouer avec la forme de ses textes. « C'est le trip du geek. » 

Faire son métier

Radio Batata est le quatrième album de Mehdi Cayenne - les deux premiers ayant été faits sous le nom de Mehdi Cayenne Club. Où s'en va-t-il avec celui-ci ? Il ne le sait pas. « Je veux que l'album marche, je veux pouvoir envoyer ma fille à l'université avec ma carrière et ne pas être pogné pour jouer dans des bars dans 15 ans ! Cela dit, si je voulais faire de l'argent dans la vie, je ferais autre chose... » S'il a envie que sa carrière prenne de l'ampleur, ce n'est pas ce qui le guide. « Ce n'est pas une affaire de star ou de hype. Même si ça ne "marchait" pas, je serais toujours en train de faire mon truc, jusqu'à ce que je meure. C'est ça, ma quête. » Donc, s'il souhaite que son nouvel album fasse son chemin, ce n'est pas là qu'il espère trouver son bonheur. « Parce que si tu attends quoi que ce soit du showbiz pour être heureux, t'es dans la marde en ostie. »

Punk rock

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L-A be

IMAGE FOURNIE PAR L-A BE

Radio Batata, de Mehdi Cayenne