Un invité de La Presse 
prend position sur des
 sujets qui marquent
 son actualité. Cette semaine: Julien Chiasson.

Membre de The Seasons, dans lequel il joue aux côtés de son frère Hubert Lenoir, Julien Chiasson se consacre à son nouveau sextuor Forest BOYS, qui vient de publier un single et annonce un EP pour avril. On pourra le voir sur scène le 6 février à L'Escogriffe, à Montréal, et en première partie de Valaire le 16 février à l'Impérial Bell de Québec.

La fin du disque physique?

Pour

Je crois que c'est notre devoir en tant qu'artistes d'accompagner la société là où elle s'en va. Ce n'est pas à la société de changer pour faire plaisir à ses artistes. Mais ça me rend quand même triste. Les gens écoutent moins d'albums et plus de playlists et de singles. L'album, ce n'est pas juste un concept commercial, il permet d'orchestrer la musique d'une certaine manière. J'adore Dark Side of the Moon pour cette raison. Il y a toujours du positif dans chaque changement, surtout quand ça se fait de façon naturelle. Je crois qu'on est dans un tournant, mais on ne voit pas ce qu'il y a après le virage. Il faut qu'on réapprenne les règles. Si les gens n'écoutent plus d'albums, il faut que les artistes le comprennent et sachent où est leur place.

Qu'on persiste à te présenter comme «le frère d'Hubert Lenoir»

Contre

Vraiment contre. Ça ne me dérange pas que les gens en fassent mention, il n'y a pas de tabou là, c'est comme quand on fait mention que je joue dans The Seasons. Ce qui me dérangerait, ce serait que les gens fassent référence à moi comme ça d'abord et avant tout. Mais je n'ai pas cette impression-là pour l'instant et j'ai confiance en ma capacité à être autre chose que ça. Hubert a sorti son album il y a un an et j'en suis au début de mon travail. Il est donc encore tôt pour dire si les médias font référence à moi comme le frère d'Hubert.

L'utilisation publicitaire de ta musique

Pour

Je suis pour, tant que je suis en accord avec la publicité. Je n'irais pas faire une pub pour un Hummer, par exemple. Mais les artistes ont le droit, et même le besoin, de gagner leur vie. Je trouve dommage que les gens jugent les artistes simplement parce qu'ils participent à une pub, je trouve ça un peu hypocrite, même si je peux comprendre qu'on peut juger un artiste qui participe à une pub en désaccord avec tes valeurs.Tout le monde doit gagner sa vie d'une façon ou d'une autre, mais les artistes sont plus exposés quand ça arrive.

Une hausse des quotas de la musique franco dans les festivals?

Contre

À la radio, je suis pour à 100 %. Mais pour les festivals, j'ai le goût de dire contre. Je préférerais que ce soit remplacé par des quotas d'artistes locaux. Je serais même prêt à faire baisser le quota francophone à la radio pour faire monter celui du local pour compenser. Je chante en anglais, je l'ai toujours fait et je compte bien continuer à le faire. Ça m'a amené mon lot de critiques, mais je suis un fervent défenseur de la langue française, il faut la protéger. Me faire servir en anglais, ça me dérange. Mais je considère que l'art doit être séparé de la politique. Des fois, on ne rend pas service à la culture en général, y compris française, quand on met des quotas trop serrés sur des événements. Ne pas inviter des groupes pour des raisons de quotas parce qu'ils chantent, je ne sais pas, en mandarin par exemple, je trouve ça dommage.

Quitter définitivement Québec pour Montréal, pour ta carrière

Pour

Je suis pour, mais ça dépend de la situation. La liberté, c'est une des valeurs les plus importantes pour moi. Je trouverais complètement idiot d'en vouloir à quelqu'un parce qu'il déménage, que ce soit pour Montréal ou que ce soit pour la Chine. S'il sent que c'est la chose juste à faire pour lui, qu'il le fasse. J'aime Québec, j'y habite et j'ai mes raisons d'y rester, mes attaches. Jamais je ne jugerais quelqu'un qui estimerait que ce serait plus facile pour lui à Montréal.

L'accès gratuit et illimité à la musique sur le web?

Contre

Il n'y a jamais rien de gratuit dans la vie. Spotify, qui est relativement gratuit, et les grosses compagnies de disques comme Universal font beaucoup d'argent. C'est gratuit pour personne dans la chaîne, sauf pour l'artiste, et j'ai un problème avec ça. La personne qui fait rouler un site web de musique gratuite a des coûts pour le faire fonctionner, il faut qu'elle fasse de l'argent quelque part. Si elle fait de l'argent, par exemple en diffusant des publicités, c'est normal que l'artiste en gagne aussi avec ça. S'il y a une exploitation quelconque de la musique, il y a une valeur, mais les artistes ne font pas d'argent et ça devrait changer. Je ne suis vraiment pas un expert en politique, mais je pense qu'une législation serait la seule manière de régler ça, parce que les compagnies comme Spotify n'augmenteront pas d'elles-mêmes, par bonté de coeur, les redevances aux artistes.