Eli Rose a fait du chemin depuis la période où elle chantait dans le duo indie folk Eli et Papillon, au début des années 2010. À 32 ans, la jeune femme a effectué tout un virage et vient de lancer un premier album pop et urbain, fabriqué avec certains des meilleurs beatmakers du Québec. Retour sur un parcours atypique.

On se souvient d’avoir vu le sympathique et artisanal duo Eli et Papillon au Club Soda lors des Francos en 2013, en première partie du chanteur français Raphaël. « C’est drôle de parler de ça, c’est un drôle de souvenir », assure la chanteuse. Est-elle la même personne aujourd’hui ? Oui et non, comprend-on au bout d’une sympathique discussion.

« Je n’aurais jamais pu faire ce projet si je n’étais pas passée par Eli et Papillon avant. J’avais tellement de choses à apprendre », explique la jeune femme qui a étudié en communications et qui, à l’époque, se destinait surtout à l’écriture. « J’ai commencé un peu naïvement et je n’ai jamais [présumé] que je ferais ça de ma vie. Pour moi, ç’a été une école. »

Elle se souvient de son premier spectacle, où elle chantait littéralement « derrière une plante verte ».

J’ai dansé avec mon micro pendant 10 ans. Et là je me retrouve sur une scène en train de bouger et d’interagir avec le public… Des fois, je me regarde de l’extérieur et je me dis : qu’est-ce qui s’est passé pour que je devienne comme ça ?

Eli Rose

La réponse : elle a pris de l’assurance, est repartie à zéro avec un bagage d’expérience et, surtout, a eu le courage de faire un saut dans le vide. « Quand j’ai quitté Eli et Papillon, je n’ai pas fait de musique pendant deux-trois ans. Je n’arrivais pas à trouver une place pour ma voix dans ce monde. »

Coup de foudre

Eli Rose a pensé retourner aux études, fait deux albums qui ne sont pas sortis, puis a été invitée par Guillaume Moffett de la SOCAN – aujourd’hui chez Barclay, sa maison de disques – à participer au premier camp Kenekt, qui est en fait cinq jours intensifs de réseautage et de création.

C’est là que j’ai vécu le coup de foudre pour la musique urbaine, le plus grand coup de foudre de ma vie.

Eli Rose

Elle y a rencontré entre autres les beatmakers et réalisateurs Ruffsound (Marc Vincent) et June Nawakii (Daniel Drolet Célestin), ainsi que le chanteur de Clay and Friends, Mike Clay (Michael Mlakar).

« Pendant le camp, on a fait la chanson Origami [qui figure sur l’album]. J’ai réalisé “oh my god, c’est ça que je veux faire avec ma voix” ! J’ai une voix douce, et quand elle est placée sur des gros beats, ça fait un contraste intéressant. J’ai senti que je pouvais trouver ma place, apporter un peu de douceur dans un monde qui est rough… et aussi très masculin, disons-le. »

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Après le camp, Ruffsound lui a proposé de réaliser un album pour elle. La jeune chanteuse a accepté. « Quand un producteur ultra respecté qui a travaillé avec Koriass et Loud t’appelle, tu serais un peu niaiseuse de ne pas dire oui. Alors je me suis dit j’embarque. Yolo. C’était un yolo de je ne vis qu’une fois et on verra ce qui arrivera. »

C’était en 2016. Trois ans plus tard, Eli Rose débarque avec un premier album de 10 chansons pop en forme de lettre à un ancien amour, soutenu par une des plus prestigieuses étiquettes de disques françaises, et réalisé par les gros noms du « beat » au Québec – Ruffsound bien sûr, mais aussi entre autres Realmind (Jeff Marco Martinez Lebrun) et DRMS (Étienne Dupuis-Cloutier). Quant aux textes, elle cosigne la majorité d’entre eux avec Mike Clay.

Elle a ainsi pu goûter au travail d’équipe, condition essentielle pour créer de la musique pop urbaine, estime-t-elle. « Certaines chansons ont été faites à cinq. Mais c’est impensable de faire autrement ! C’est dur de faire de la pop quand tu n’as pas de beatmaker. Ils sont le cœur de la chanson. Après, nous, on arrive avec les mélodies et les paroles. C’est comme bâtir une maison : ils sont la fondation, nous on fait le design intérieur. »

Tracer son chemin

Eli Rose donnera beaucoup de spectacles ici – notamment à L’Astral, à Montréal, en mars – et en France dans la prochaine année, et entend lancer un roman jeunesse bientôt. Elle se voit toujours dans le milieu dans cinq ans. « J’aimerais aussi écrire pour d’autres. »

D’ici là, elle tracera son chemin pop avec ses chansons mélancoliques – « Ça me définit bien comme personne, la mélancolie » – , ses textes bien ficelés, sa voix douce qui cache un caractère bien affirmé. Mais sans perdre la candeur de ses débuts.

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« Je suis loin d’être Marie-Mai ! Je l’ai vue à l’ADISQ, wow, je l’admire de faire des chorégraphies en chantant comme ça. C’est une machine, elle est vraiment impressionnante. Mais ce n’est pas moi. Je puise dans ma vulnérabilité et ça va toujours transparaître. Dans le fond, je suis encore l’Eli d’Eli et Papillon, mais qui continue d’évoluer. Au début, je me demandais dans quoi je m’embarquais. Aujourd’hui, je me dis que ce n’est que le début. »

PHOTO BARCLAY

Pochette de l'album d'Eli Rose