Trois ans après la sortie de Rites de passage, qui lui a valu le Félix de la révélation de l’année en 2017, Émile Bilodeau a lancé cette semaine son deuxième album, Grandeur mature, aboutissement d’une année de travail. Nous l’avons suivi dans sa création, en textes et en photos.

Mercredi soir, au Théâtre Fairmount à Montréal, l’auteur-compositeur-interprète de 23 ans est rayonnant. Il a bien sûr fait les choses en grand pour le lancement officiel de Grandeur mature, demandant à ses amis d’impro de se déguiser en personnages médiévaux pour animer la soirée, et installant un roi et une reine sur la scène ainsi que des pièces géantes de jeu d’échecs… « Je suis un peu ému », dit l’interprète de J’en ai plein mon cass et de Ça va juste avant le début de l’événement, remerciant son band et ses amis d’avoir embarqué dans sa folie le temps d’une soirée.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Émile Bilodeau débute l’enregistrement de son prochain album au Treatment Studio, boulevard Saint-Laurent.

Retour en arrière : nous sommes au début du mois de janvier, dans un studio du boulevard Saint-Laurent. Émile Bilodeau en est aux premiers jours de l’enregistrement de ce qui deviendra Grandeur mature, un album de pas moins de 14 chansons ! « Ben oui, c’est important d’être généreux, nous a-t-il confié mercredi lors de son lancement. Ça fait trois ans qu’on tourne avec Rites de passage, j’ai vraiment l’impression que je devais ça à mon public. J’aurais été déçu d’en offrir juste huit ; si tu divises ça par trois, ça ne fait pas beaucoup de chansons par année ! »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Émile Bilodeau et Philippe B, producteur de l’album

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Comme pour Rites de passage, c’est Philippe B qui a réalisé Grandeur mature. Comment Émile Bilodeau voit-il l’évolution entre ses deux albums ? « Musicalement, c’est plus diversifié. Je pourrais te nommer tous les instruments qui figurent sur le disque, mais on a vraiment développé cette idée, avec Philippe B, d’habiller les chansons plus vaillamment. Colin, par exemple, la chanson que j’ai écrite pour mon frère, je l’aurais faite guitare-voix il y a trois ans et j’aurais pris toute mon énergie pour bien rendre l’émotion. Là, on a décidé d’ajouter de l’accordéon. » Ce qui explique le mot « grandeur » dans le titre, ajoute-t-il. « C’est pour la musique, je dirais. On n’a pas regardé le budget. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Émile Bilodeau avec la maquilleuse est Garance Mouz

Un dimanche du mois de mars, rendez-vous dans un studio du Mile End pour un autre moment important : la prise de la photo qui servira pour la pochette de l’album. Finalement, il y aura deux séances additionnelles et celles prises ce jour-là seront utilisées pour les traditionnelles photos de presse. Étonnamment, Émile Bilodeau, qu’on voit ici avec la maquilleuse Garance Mouz, est nerveux. « Quand on fait les photos, on se dit toujours qu’elles pourront nous suivre toujours. À chaque clic, tu y penses. C’est la photo dont tu as peur d’être gêné toute ta vie, comme une toune ! »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Un match de tag football avec des fans

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Nouvelle étape vers l’automne : la sortie, à la fin du mois de mai, d’un premier extrait, Candy, qui arrive assorti d’un vidéoclip. Pour souligner l’événement, Émile Bilodeau a organisé une partie de tag football, à laquelle il a convié ses fans sur les réseaux sociaux. Une bonne douzaine de personnes se sont présentées, mais le chanteur, blessé, a dû se contenter du rôle d’arbitre… Il est d’ailleurs probablement le seul arbitre de l’histoire à féliciter les joueurs lorsqu’ils marquent des points ! Un deuxième extrait, Robin des bois, a été dévoilé le 10 septembre, un mois avant la sortie du disque.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Émile Bilodeau s’est produit sur la grande scène de la place des Festivals dans le cadre des Francos, le 19 juin.

Malgré l’album à venir, Émile Bilodeau n’a pas arrêté de monter sur scène et sa tournée a continué pendant tout l’été. Une date occupe une place spéciale dans son cœur : à l’occasion des Francos de Montréal le 19 juin, le jeune chanteur a donné le spectacle de sa vie sur la place des Festivals, devant une foule monstre. « On peut le voir comme la fin d’un cycle, mais, pour moi, c’était surtout une étape. On parle des artistes qui marchent en région, mais c’est là que j’ai compris que Montréal me [soutenait] aussi. Je me suis senti à ma place. Ce spectacle devant 30 000 personnes, je vais m’en souvenir toute ma vie. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Émile Bilodeau lors du lancement de Grandeur mature

Mercredi 2 octobre, soir du lancement devant public et amis. Émile Bilodeau retrouve ses musiciens pour le test de son : Sarah Dion à la batterie, Simon Veillet à la basse, Nathan Vanheuverzwijn aux claviers et une nouvelle acquisition, la « formidable » Miriam Pilette à la guitare électrique et aux voix. Il se retrouve ainsi avec un band paritaire, et c’était exactement ce qu’il voulait. « Des gens me disaient de choisir n’importe quel guitariste, tous sexes confondus. Moi, je me disais : “Elle existe, cette fille, il faut juste la trouver !” Je trouvais que le band dans la van commençait à être un peu trop bonhomme. Ça va faire du bien à tout le monde. »

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Séance de motivation avant de monter sur scène.

Séance de motivation avec les musiciens juste avant de monter sur scène. « J’ai grandi avec eux autant humainement que professionnellement », confie le chanteur. Quand il regarde le chemin parcouru depuis janvier, Émile Bilodeau n’est pas peu fier. « J’ai l’impression qu’on est allés bloc par bloc, et je suis content de notre château. On pense souvent qu’être auteur-compositeur, c’est écrire des tounes pendant deux semaines puis partir en tournée un an. Mais c’est plus compliqué que ça ; ce n’est pas tous les jours qu’on est inspiré. J’ai beaucoup appris à ne pas forcer les choses. C’est un beau travail de laisser la chance au temps. »

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Mercredi soir, Émile Bilodeau a interprété sept de ses nouvelles chansons.

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Sur scène mercredi soir, Émile Bilodeau a interprété sept de ses nouvelles chansons, dont plusieurs sont bien ancrées dans leur temps. « Le concept de maturité est lié aux textes », confirme l’auteur-compositeur, comme si son discours public – il est ouvertement indépendantiste et écologiste et s’est exprimé plusieurs fois contre la Loi sur la laïcité de l’État – avait rejoint ses chansons. « Mon premier parlait de moi ; là, je nomme plus les choses, je suis plus précis dans ce que je souhaite pour mon peuple. Aussi, je me suis mis d’accord pour dire que les homophobes, les sexistes, les racistes, ce ne sont pas mes amis. On peut m’accuser de ne pas ouvrir de portes ; moi, je pense que les gens vont se reconnaître et vont vouloir changer. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Déjà, Émile Bilodeau est dans un projet de troisième album.

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Si les prochaines années seront faites de spectacles et de nombreux engagements – il sera entre autres porte-parole des prochaines Francouvertes, le concours qui l’a fait connaître –, Émile Bilodeau est déjà dans un projet de troisième album. « Je veux juste faire des maquettes. À mi-chemin entre Rites de passage et Grandeur mature, j’ai vraiment eu un sentiment de vide qui m’a rendu irritable et qui m’a tué dans mon énergie. J’aimerais ça, entrer en studio en novembre juste pour canner dix tounes, pour que je puisse regarder en arrière et en ressortir trois, quatre quand je serai prêt à commencer mon troisième. On apprend toujours et c’est formidable. »