Il n’avait pas écrit pour lui-même depuis plus de 30 ans. Même après que Star Académie l’eut ramené sous les feux de la rampe en 2004. Jacques Michel est de retour. Avec sa verve et son humanité.

Pourquoi revenir ? On ne peut s’empêcher de poser la question à Jacques Michel, alors qu’il lance Tenir, son premier album de chansons originales depuis… 1982. On n’aurait pas misé sur ce retour il y a 15 ans, quand Sylvain Cossette portait bien haut Pas besoin de frapper, Wilfred Le Bouthillier chantait Amène-toi chez nous et Star Académie refaisait briller Un nouveau jour va se lever.

Ses chansons vivaient sans lui. Et il s’en réjouissait. « Pourquoi je reviendrais ? », demandait-il alors, en entrevue avec La Presse.

Jacques Michel avait tourné le dos à la chanson au début des années 80. Le contexte était morose, la scène culturelle se portait mal. Il n’a pas voulu de cette résignation tranquille. Il a écrit des séries télé jeunesse et puis, tel un Rimbaud, est parti à l’aventure sur un voilier : les Caraïbes, la Méditerranée, il a même traversé l’Atlantique.

« Comment ai-je pu ne pas écrire pendant aussi longtemps ? », s’est-il demandé lorsqu’il a repris la plume. « J’étais pleinement occupé à autre chose… C’est comme si, à un moment donné, tu fous tout en l’air pour découvrir autre chose, pour aller vers des gens que tu ne connais pas. Ça me satisfaisait pleinement. »

Un retour espéré

Or, voilà, Jacques Michel était désiré. Après Star Académie, les appels du pied se sont multipliés. Remonterais-tu sur scène ? Vas-tu écrire de nouvelles chansons ? Chaque invitation, chaque incitation plantait une graine dans son esprit, même s’il ne se voyait plus comme un auteur-compositeur. « Est-ce que je suis encore capable d’écrire pour moi ? », s’est-il demandé.

Sa réponse, il la tient avec Tenir. Dix chansons originales empreintes de tendresse (Y a des jours comme ça) et de reconnaissance (Mon dinosaure est fatigué), mais parfois mordantes aussi (Le temps c’est d’l’argent). Même Tenir, chanson qui évoque pourtant l’échec du rêve indépendantiste, a le poing levé. « Je ne suis pas un spécialiste de la résignation, dit fermement le chanteur. Je ne l’ai jamais été. » Puis il sourit. Il est tout là, Jacques Michel : des convictions dans un emballage de générosité.

Extrait de Tenir

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Il y a 50 ans, il écrivait Un nouveau jour va se lever, hymne à l’éveil d’une jeune génération (« les enfants défient les grands », y chantait-il). Que pense-t-il de ces jeunes qui descendent dans la rue pour réclamer des gestes concrets pour limiter les changements climatiques ?

« Je ne suis pas tout à fait certain qu’ils savent ce qu’ils font, mais ils apprennent au moins une chose : à prendre la rue, se réjouit-il. Ça fait longtemps qu’on ne l’a pas prise, la rue, ici. Un peu pendant le printemps érable, mais après, les gens rentrent chez eux. »

Gratitude

Jacques Michel a 78 ans. Et, oui, il prend le temps de regarder en arrière. Il se demande notamment ce que d’autres penseraient de son parcours dans Serais-tu fière de lui. La femme à qui s’adresse la chanson, bien sûr, mais aussi ces gens du spectacle qui l’ont soutenu. Il en nomme plusieurs en entrevue, dont Yvan Dufresne (Disques Jupiter) : « Il m’a fait faire des disques alors que j’avais déjà trois ou quatre albums de faits et que je n’en vendais pas un seul ! »

C’est à ce producteur, pilier de l’industrie du disque à l’époque, qu’il a dit : « J’enregistre encore deux chansons, et si ça ne marche pas, j’arrête. » Il a fait Sur un dinosaure, pastiche de chanson yé-yé. Et ça a décollé. L’année suivante, en 1970, il lançait Citoyen d’Amérique, album sur lequel on retrouve deux de ses chansons phares : Un nouveau jour va se lever et Amène-toi chez nous.

Clin d’œil touchant, Tenir s’achève sur une chanson intitulée Mon dinosaure est fatigué. Qui sonne comme un au revoir empreint de gratitude. « Il y a de la reconnaissance envers Sur mon dinosaure dans cette chanson, mais aussi de la reconnaissance envers le public. Ce n’est pas moi qui ai fait la popularité de cette chanson, ce sont les gens », insiste-t-il.

Extrait de Mon dinosaure est fatigué

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Jacques Michel a une tournée devant lui, en trio avec son réalisateur André Papanicolaou et un autre musicien. Et après ? « Est-ce que c’est mon dernier album ? s’interroge-t-il. N’importe lequel aurait pu être le dernier. Qui aurait pu le dire ? Je n’ai aucune certitude, sinon que rien n’est jamais certain ! »

IMAGE FOURNIE PAR AUDIOGRAM

Tenir, de Jacques Michel (Audiogram)