Rassurez-vous ou résignez-vous, Les sœurs Boulay n’ont pas découvert de nouvelles planètes depuis trois ans, absence nécessaire à la naissance d’un album solo d’un côté et d’un bébé de l’autre.

Ni planète musicale ni nouvelle planète, point, où poser les rêves d’une société plus juste, plus verte et plus humaine pour celles et ceux qui viendront. Alors aussi bien réfléchir notre monde en chansons, en attendant…

Écoanxiété, précaire passation et combativité féministe se mêlent à un doux et paradoxal filet mélodique. Outre une profondeur accrue dans l’orchestration, à laquelle nous reviendrons, c’est d’abord la plume, d’une grâce et d’une efficacité inédites, qui prend son envol sur ce troisième album complet. Cette fois, pas de Stéphane Lafleur ou de Philippe B dans les crédits d’auteurs : que Mélanie et Stéphanie. Leur clavier, à elles aussi, sait embrasser l’apophtegme : « Vous étiez jeunes avant nous », chantent-elles sur La fatigue du nombre, ode au feu de la jeunesse et main tendue aux prédécesseurs.

Les frangines délaissent donc les « shows de boucane » et les « sonne-décrisse » de 4488 de l’Amour au profit de questionnements métaphysiques, sans sombrer dans l’ésotérisme qui ponctue parfois leurs concerts.

IMAGE FOURNIE PAR GROSSE BOÎTE

La mort des étoiles, des sœurs Boulay

« Si beau le monde à la fin qui s’y attardera », lancent-elles encore sur La mort des étoiles, ballade écologiste et pessimiste qui pourrait braver le temps. Mais puisqu’il y a « une brèche en toute chose », pour reprendre les mots d’un poète connu, la lumière passe ici par des imprécisions, des formes interrogatives ou des virgules que l’auditeur peut placer ou déplacer à sa guise. Les non-dits servent du même coup de paravents contre les pourfendeurs de la bien-pensance.

Pas de nouvelle planète, arguions-nous, mais une terre plus riche et plus peuplée que jamais. Le piano d’Alex McMahon ouvre cette marche du monde douce-amère (Nous après nous), mais ce sont surtout les cordes et les cuivres qui étoffent la proposition musicale, naguère presque exclusivement associée aux harmonies vocales et aux guitares folk dépouillées. Dans les rangs : Antoine Gratton, Connor Seidel, Joseph Marchand, Marc-André Landry, Simon Angell, Marc-André Larocque, Marie-Pierre Arthur et Marianne Houle, pour ne nommer que ceux-là.

En toute transparence, l’auteur de ces lignes n’a jamais été un fidèle défenseur de l’œuvre des sœurs Boulay. Cet album, sans faire trembler les colonnes du temple, recèle suffisamment d’arguments, dans la brûlante simplicité des textes et l’épaississement du canevas musical, pour amorcer la conversion.

★★★★

Folk-pop. La mort des étoiles. Les sœurs Boulay. Grosse Boîte.