Entre sa carrière de chanteur et une famille de quatre enfants, Ian Kelly, qui vient de sortir un nouvel album, trouve du temps pour s’investir dans sa communauté. À preuve, le festival SuperFolk Morin-Heights qu’il a fondé il y a deux ans. 

Lorsque Le Soleil l’a joint la semaine dernière, à quelques jours du festival qui se déroulait tout le week-end dans les Laurentides, le musicien était d’ailleurs en route pour Montréal, une remorque accrochée à sa voiture, pour aller chercher de la bière chez son commanditaire. « En ce moment, c’est pas mal moi qui fais tout, même si j’ai un peu d’aide. Disons que j’ai plus d’expérience avec les enfants que comme promoteur de festival… », indique-t-il au bout du fil, avec son frère derrière le volant. 

Si le prétexte de l’entrevue était d’abord la sortie de son sixième album, Long Story Short, la conversation se poursuit sur ce festival qui lui tient à cœur et qui s’insère dans un coin de pays fort d’un riche passé musical. Au fil des décennies, Morin-Heights a vu défiler au Studio, fondé par André Perry, une foule de grands noms d’ici et d’ailleurs : David Bowie, The Police, Cat Stevens, Jean-Pierre Ferland, Robert Charlebois… Quelques séances d’enregistrement du mythique album L’heptade d’Harmonium ont également eu lieu là. C’est dans cet écrin de nature que Kelly s’est posé il y a une dizaine d’années. Comme nombre de ses amis musiciens du coin, il a aménagé un studio dans sa demeure. 

Plus zen, ce sixième album à saveur folk, donc, conçu à « 100 % dans le plaisir », Ian Kelly en parle comme de son meilleur en carrière. La touchante pièce I Need Your Love en témoigne. Une plus grande maturité venue avec l’âge, un statut de père qui éveille en lui des ressources insoupçonnées, une sorte de paix intérieure : autant d’éléments qui ont contribué à ce sentiment de satisfaction. 

À force de pratiquer ton art, c’est sûr que tu t’améliores, sinon il y a quelque chose qui ne marche pas. Je suis beaucoup plus zen, je connais mieux mon métier, je suis mieux dans ma peau. Il y a quand même des avantages à vieillir…

Ian Kelly

Il y a aussi le fait, non négligeable, que la popularité n’apparaît pas comme une fin en soi à ses yeux. Il préfère que sa musique soit connue, et non sa personne. « Après 15 ans de métier, je réalise qu’il y a plein de façons de faire de la musique si on en fait pour gagner sa vie, et non pour la popularité. La musique reste pour moi une façon de m’exprimer et de faire ce que j’aime. Je crois que ça se sent dans cet album. » 

L’an dernier, Ian Kelly avait lancé un premier album en français, M. Chandler. « Un trip de band » fabriqué avec de vieux routiers de la scène musicale québécoise : Rick Haworth, Sylvain Clavette et Mario Légaré. Il se souvient de sa première rencontre avec le trio, il y a 20 ans, alors qu’il était préposé à l’entretien ménager au défunt Spectrum, à Montréal. Les trois musiciens participaient à l’émission Studio TV5, animée par Michel Rivard. « Je passais la moppe entre le drum et la basse. Je me souviens d’avoir dit à Sylvain quelque chose comme : “C’est bon, ce que vous faites”. Mais j’ai peut-être aussi dit en anglais : “Vous êtes donc ben tight”. » 

Le chanteur, né d’une mère anglophone et d’un père francophone, possède dans ses cartons quelques pièces françaises inédites, mais préfère laisser pour l’instant toute la place à son album anglophone, question « de donner une chance à ces chansons d’exister ». « J’aime écrire en français, mais honnêtement, je pense que je suis meilleur en anglais, poursuit-il. J’ai grandi dans une famille bilingue, mais mon intérêt pour la musique passe plutôt par l’anglais. Il y a quelque chose dans le son qui vient me chercher davantage, c’est difficile à expliquer. Un peu comme avec la guitare : pourquoi choisit-on une électrique plutôt qu’une acoustique ? »