Les probabilités de voir le festival Woodstock 50 se concrétiser s’amenuisaient de jour en jour. Au cours des derniers mois, de nombreux contretemps nous ont tenus en haleine, jusqu’à ce que le couperet tombe. La mauvaise (mais prévisible) nouvelle est arrivée mercredi : l’évènement célébrant l’anniversaire du mythique festival n’aura pas lieu. Chronologie d’une débâcle.

9 janvier

Le producteur Michael Lang, co-organisateur du festival Woodstock en 1969, annonce une célébration de trois jours pour marquer les 50 ans de l’un des évènements les plus emblématiques de l’histoire de la musique. Woodstock 50 sera une fête musicale et sociale de grande envergure, annonce Lang dans un communiqué. Le festival doit se dérouler du 16 au 18 août, à Watkins Glen, un ancien circuit de Formule 1 dans l’État de New York. Le site original, à Bethel (200 km à l’est de Watkins Glen), est jugé « beaucoup trop petit » pour la vision des organisateurs.

PHOTO EVAN AGOSTINI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La rappeur Common et le producteur Michael Lang lors de l’annonce des artistes qui devaient participer à Woodstock 50, le 19 mars dernier

12 février

Nombre d’artistes ont déjà confirmé leur participation, mais l’un des partenaires financiers, Amplifi Live (filiale du groupe japonais Dentsu), exige qu’aucun autre engagement ne soit pris jusqu’à nouvel ordre. Woodstock 50 n’est pas produit par l’un des grands promoteurs de l’industrie et beaucoup doutent de la fiabilité des organisateurs. Deux semaines plus tard, le magazine Billboard rapporte que les artistes et la compagnie de production ont tous reçu la totalité de leur cachet.

28 février

L’équipe de production responsable de mettre en place Woodstock 50 prévoit qu’un maximum de 65 000 festivaliers pourront assister à l’évènement. Michael Lang souhaite plutôt accueillir de 100 000 à 150 000 personnes. Dans un courriel à un représentant de Dentsu, il se plaint du manque d’intérêt de l’agence de production Superfly envers le projet, « au point où, selon [elle], un peu de difficulté à accéder au site justifie l’élimination de 35 000 festivaliers potentiels ».

IMAGE FOURNIE PAR WOODSTOCK 50

L’affiche de Woodstock 50

19 mars

La programmation du festival est dévoilée. Parmi les grands noms à l’affiche : Jay-Z, The Killers, The Black Keys, Miley Cyrus et Imagine Dragons. La liste de plus de 70 artistes compte des noms qui figuraient dans la programmation du festival d’origine, dont Santana, John Fogerty ou David Crosby. Fidèles à l’esprit hippie de Woodstock, les organisateurs annoncent la mise en vente des billets le 22 avril, Jour de la Terre. Au début d’avril, une tuile tombe sur la tête de Lang et de ses collaborateurs : le groupe rock The Black Keys annule sa présence, invoquant un conflit d’horaires. 

10 avril

L’agence Superfly menace de se retirer de l’aventure pour rupture de contrat, mécontente que Woodstock 50 ait promis d’accueillir 150 000 festivaliers, chiffre qu’elle juge trop élevé. Après un long bras de fer, les organisateurs se plient somme toute aux demandes de leurs associés et parlent maintenant de 65 000 à 75 000 personnes. Mais Superfly revoit ses estimations à la baisse, après avoir vu le site : accueillir plus de 61 000 personnes serait « dangereux », estime-t-elle.

Fin avril

La vente des billets est reportée. Les organisateurs doivent se procurer un permis de rassemblement de masse du département de la santé de New York, moyennant une caution de 1 million de dollars. Dentsu refuse d’approuver la dépense, compte tenu de la viabilité financière chancelante du projet. Les rumeurs d’annulation vont bon train, mais Michael Lang nie en bloc. Quelques jours plus tard, l’investisseur abandonne le navire… et part avec ses millions. Dentsu annonce l’annulation du festival, mais Michael Lang s’accroche à son rêve : « Woodstock n’a jamais appartenu à Dentsu, alors il n’a aucun droit de l’annuler », indique-t-il dans un communiqué. « Woodstock 50 aura lieu et sera génial ! »

PHOTO STEPHEN CHERNIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le Woodstock original a eu lieu à Bethel, mais le site a été jugé « beaucoup trop petit » pour la vision des organisateurs de Woodstock 50.

Du 9 au 15 mai

Les organisateurs déposent une injonction contre Dentsu exigeant que 17,8 millions soient retournés dans les coffres de Woodstock 50. Ces fonds n’appartiendraient pas à l’investisseur, selon eux. Marc Kasowitz, ancien avocat du président Trump, représente Woodstock 50. L’affaire se rend devant la Cour suprême de l’État de New York. Un juge tranche : Dentsu n’avait pas le droit d’annoncer l’annulation du festival, mais n’a pas à redonner les 17,8 millions. Plus tard, l’appel des organisateurs sera rejeté.

3 juin

Les organisateurs n’ont toujours pas les moyens de se procurer le permis de rassemblement convoité. Pis encore, ils ne peuvent s’acquitter des frais de permis pour occuper le terrain de Watkins Glen. L’entente prend fin : Woodstock 50 n’a plus de domicile. 

Mi-juillet

Les organisateurs tentent de déplacer l’évènement, mais leurs deux demandes sont rejetées (et la deuxième requête, portée en appel, est rejetée quatre fois plutôt qu’une durant le mois). Le plan de sécurité est largement critiqué par les villes où Woodstock 50 voudrait s’installer. Pendant ce temps, la vente de billet ne peut être lancée. Un mois avant la date prévue de l’évènement, la capacité d’accueil est réduite de 65 000 à 35 000 festivaliers, compte tenu du peu de temps qu’il restera pour vendre les laissez-passer.

25 juillet

Les organisateurs annoncent que le festival se tiendra dans un nouveau lieu, le Merriweather Post Pavilion, à Columbia, dans le Maryland. Un nombre croissant de médias prévoient néanmoins la fin imminente de l’aventure. Le lendemain, les artistes à l’affiche sont tous libérés de leur obligation contractuelle. Jay-Z, John Fogerty et Dead & Company sont les premiers à annuler leur présence. Michael Lang invite les artistes à reverser 10 % de leur cachet à Headcount, association citoyenne, ou à d’autres œuvres caritatives de leur choix.

31 juillet

« Nous sommes tristes qu’une série de revers imprévus ait rendu impossible l’organisation du festival que nous avions imaginé », déclare Michael Lang dans un communiqué. S’il s’est accroché à son projet pendant sept mois alors que rien (sauf la superbe programmation) ne se déroulait comme prévu, Lang a finalement jeté l’éponge.

— Avec Billboard, Time et l’Agence France-Presse