Le batteur Kendrick Scott est originaire de Houston, comme le sont Robert Glasper, Mike Moreno, Eric Harland, mais aussi les frangines Solange et Beyoncé Knowles. La plupart de ces artistes, y compris cette célébrissime dernière, furent d’ailleurs inscrits au Kinder High School for the Performing and Visual Arts de leur ville natale.

Kendrick Scott, lui, a poursuivi sa formation au Berklee College of Music de Boston, avant de s’installer à New York, où il est aujourd’hui considéré comme l’un des batteurs les plus importants. Qui plus est, un leader d’orchestre de plus en plus influent.

Pourquoi donc ?

> Écoutez des extraits sur SoundCloud : https://soundcloud.com/kendrick-scott-oracle/sets/a-wall-becomes-a-bridge

Ayant évolué à la fois dans la culture hip-hop la plus raffinée (J Dilla, De La Soul, etc.), le R&B, le beatmaking électro et (surtout) le jazz instrumental de très haut niveau, cet authentique virtuose a contribué à l’évolution du jeu de la batterie en y intégrant des rythmes hip-hop ou électro très souvent conçus avec des logiciels et outils numériques. On l’a vu à l’œuvre avec nombre de musiciens importants, mais on connaît encore peu ses projets en tant que leader.

L’occasion est donc belle de découvrir Oracle, son véhicule principal dont fait état cet album sous étiquette Blue Note. Voilà une approche où le jazz contemporain domine ses compléments puisés dans les musiques urbaines. En fait, ces compositions n’excluent pas le swing polyrythmique et des concepts harmoniques plus savants, non sans rappeler le Fellowship de Brian Blade et certains projets de David Binney ou d’Ambrose Akinmusire, ou même les ensembles acoustiques de Miles Davis et de Wayne Shorter dans les années 60. Ajoutons à cela une touche électro–hip-hop d’une actualité criante.

IMAGE FOURNIE PAR BLUE NOTE/DECCA

A Wall Becomes a Bridge, de Kendrick Scott Oracle

Les performances individuelles s’avèrent à la fois virtuoses et relativement modestes, le son d’ensemble domine l’étalage des rudiments. Participent au groupe Oracle le DJ Jahi Sundance, le guitariste Mike Moreno, le pianiste Taylor Eigsti, le saxophoniste et clarinettiste John Ellis, le bassiste Joe Sanders et le réalisateur Derrick Hodge. Plusieurs membres de cette formation participent aux compositions, sans compter le pianiste Aaron Parks, sorte de membre externe.

Et pourquoi donc A Wall Becomes a Bridge ? Dans le contexte des profondes divisions au sein de la société américaine, et aussi de l’individualisation extrême à l’ère des réseaux sociaux, des éléments de discours ou de poésie greffés ici à la musique opposent l’empathie et l’ouverture à la peur de l’autre et à l’isolement, le tout illustré en 12 stations. Inutile d’ajouter que la notion de pont est ici clairement privilégiée à celle du mur, comme l’indique le titre de l’album.

Au Upstairs jeudi, 19 h et 21 h 45.

★★★★ Jazz. A Wall Becomes a Bridge. Kendrick Scott Oracle. Blue Note/Decca.