Son chant envoûtant lui vaut déjà des comparaisons avec Leonard Cohen et Jeff Buckley. Tamino n’est ni l’un ni l’autre : c’est un jeune Belge de Flandres dont les chansons sombres intègrent avec goût son héritage musical égyptien. Le nectar désigné pour les amateurs de pop raffinée.

Le monde de la mode a déjà à l’œil Tamino, 22 ans, belle gueule au profil sculpté et à la stature de joueur de basketball. Ce qui compte davantage pour le jeune Belge né d’une mère flamande et d’un père égyptien, c’est que le monde de la musique lui tend l’oreille. « Je n’aurais pas pu le prévoir, admet-il au bout du fil. J’espérais juste que ça marche parce que je ne voyais pas d’autre option que de faire de la musique. »

Six mois et des poussières se sont écoulés depuis la sortie de son premier album, intitulé Amir. Six mois qui lui ont confirmé que son choix était le bon : ses chansons trouvent un écho favorable et il s’est produit hors de sa Belgique natale, notamment en Allemagne, en Angleterre et en France. Son passage au Festival international de jazz de Montréal, ce soir à L’Astral, marquera ses débuts en Amérique, où il reviendra à l’automne.

PHOTO FOURNIE PAR SPECTRA

Le chant de Tamino, à la fois coulant et hyper maîtrisé,
 où se glissent çà et là des quarts de ton typiques
 des musiques arabes, a quelque chose de spirituel.

Tamino a choisi la musique à l’adolescence. Avant, dit-il, il songeait plutôt au théâtre. Sa volte-face n’est pas si étonnante : sa mère était mélomane et son grand-père paternel, Moharram Fouad, était un populaire chanteur et acteur égyptien. Ce n’est toutefois que lors de ses études en musique, à Amsterdam, qu’il découvre vraiment son instrument de prédilection : sa voix.

Qu’elles soient nocturnes et minimalistes comme Habibi, enveloppées de violons arabes comme So It Goes et Sun May Shine ou d’oud et de percussions orientales comme Each Time, ses chansons se construisent toutes autour de son chant qui s’étend, semble-t-il, sur quatre octaves et dont le lyrisme évoque parfois Rufus Wainwright.

« La voix est la chose la plus importante, dit-il. Pas seulement dans mon cas, car je crois que c’est la même chose pour tous les chanteurs. Tu peux faire sonner une guitare comme tu veux, mais tu ne peux pas te cacher derrière ta voix. On ne peut pas mentir lorsqu’on chante. C’est la façon la plus honnête de s’exprimer. »

Méditatif

Son chant, à la fois coulant et hyper maîtrisé, où se glissent çà et là des quarts de ton typiques des musiques arabes, a quelque chose de spirituel. Tamino acquiesce. 

« J’aime quand la musique a quelque chose de transcendant. Je ne m’intéresse pas aux choses qui passent vite, n’effleurent qu’une seconde. J’aime les choses qui font s’arrêter le temps, qui libèrent des préoccupations quotidiennes. »

« C’est spirituel d’une certaine manière, oui, ajoute Tamino. J’imagine que c’est un peu ça, la méditation : tu tentes de calmer ton flot de pensées. Entraîner son esprit comme ça me semble un bon exercice. Faire de la musique joue ce rôle pour moi : les meilleurs concerts sont ceux pendant lesquels je ne pense pas du tout et que je vogue sur les vagues de ma musique. »

C’est justement pour éviter que ses chansons prennent la tête qu’il mise sur une économie de moyens qui n’exclut pas le raffinement. « Plus tu essaies de mettre de choses dans une chanson, plus tu perds les détails », estime-t-il.

Un mur de son, c’est bien, mais il adhère plutôt à l’idée de « less is more » (« moins, c’est plus »). Sauf, comme fan de musique, pour de rares exceptions comme le collectif montréalais Godspeed You ! Black Emperor, qui allie précision et densité, et Radiohead, qui trouve lui aussi un équilibre entre complexité, puissance et finesse des ornementations.

Par un heureux hasard, Tamino collabore d’ailleurs à l’occasion avec Colin Greenwood, de Radiohead. Le bassiste a vu le jeune Belge en concert et a aimé. Ils ont jasé. Tamino l’a invité à jouer avec lui, ce que Colin Greenwood a fait le temps de quelques chansons en concert à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles. Une prestation immortalisée sur un minialbum live publié cette année.

Ses influences arabes, le jeune chanteur dit qu’il les laisse sortir quand elles le veulent bien. « Je ne veux rien pousser », dit-il. Sur scène non plus, il ne force rien. Pour son premier concert en Amérique, il sera seul avec sa guitare. Comme à ses débuts. Et non, il ne va pas manipuler toutes sortes de pédales pour monter des orchestrations. « Il n’y aura que moi, pas de boucles préenregistrées non plus, assure-t-il. Ce sera la vraie affaire ! »

À L’Astral ce soir, 22 h.