Aucune maison de disques ne représente 5sang14. Pourtant, le collectif de rap montréalais accumule des millions de vues sur YouTube et d’écoutes en ligne. Si bien que les Francos l’ont mis à l’affiche du MTelus. Portrait.

Random, White-B, Gaza, MB et Lost se considèrent comme des frères. De la façon dont des amis d’enfance tissent des rapports familiaux sans que le sang les lie (Random et White-B, par contre, sont vraiment frères).

D’où le nom 5sang14, inspiré de « l’indicatif montréalais, de l’unité de cinq individus, comme les cinq doigts de la main, et des liens de sang d’une famille », explique Lost. Sous ses lunettes fumées et sa casquette, il raconte être celui qui a lancé le collectif, en 2012.

Les cinq gars de 5sang14 ont donné rendez-vous à La Presse au terrain de basketball du parc Jarry. L’école secondaire Lucien-Pagé, où ils se sont rencontrés, est à quelques pas de là. Ils ont passé des centaines d’heures à ce terrain. L’endroit est tout désigné pour discuter de leur histoire.

Cette histoire, donc, a commencé entre les murs de l’établissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Après plusieurs transferts (lisez expulsions), les cinq garçons, issus de quartiers différents, se sont retrouvés à la même école. « On avait tous cet amour du rap, dit Gaza. On a commencé à faire des freestyles entre nous, dans les ruelles, dans les parkings, partout. »

Créer indépendamment

« À la sortie du premier vidéoclip [L’avertissement, en 2013], ça commençait à bouger, mais ça restait juste une idée, de se lancer vraiment en musique, raconte Lost. En 2015, les vidéoclips ont créé beaucoup d’engouement. »

Quand un premier clip a franchi la barre de la centaine de milliers de vues — « une grande réussite à l’époque », explique-t-il —, « c’est devenu sérieux ».

Le lien entre leur succès et la popularité de leurs publications YouTube est manifeste. En tant qu’artistes indépendants, ils comptent les échelons grimpés par leur visibilité sur le Net. Leur indépendance artistique est « un choix avant tout », affirme Random, qui reconnaît qu’il s’agit d’une aventure risquée.

Avec 48 750 abonnés sur YouTube, 9500 personnes qui le suivent sur Facebook, 15 000 abonnés sur Instagram, des millions d’écoutes sur Spotify (21 000 auditeurs mensuels), le collectif reconnaît l’importance des réseaux sociaux pour sa carrière. Son seul outil de promotion est l’internet.

On n’a pas l’appui de la grosse machine, on fait tout nous-mêmes. Juste pour la publicité, il y en a pour qui les choses se font pendant qu’ils dorment. Nous, on ne dort pas !

Lost

S’ils ont fait leurs débuts en tant que groupe, les membres de 5sang14 se sont permis d’explorer des projets individuels ces dernières années. Parfois, ils collaborent en duo ou en trio. Gaza et MB ont récemment sorti une chanson ensemble (Oh Mama). Juste avant, White-B et Lost ont fait de même, avec Ma zone. Pour toutes les chansons, la griffe 5sang14 reste. « Si on regarde qui a participé aux projets solos, il y a toujours des beats avec des membres du groupe », dit Random.

Sur la page Facebook du collectif, on partage les sorties musicales solos. Les membres font de leur côté la promotion pour le groupe et pour les autres. La popularité des uns nourrit celle de la bande et vice versa. À eux tous, ils accumulent plusieurs dizaines de millions de vues sur YouTube.

Après plus de deux ans sans s’être réunis pour un projet commun, les cinq Montréalais ont entendu l’appel du studio. L’EP 5/5, sorti le mois dernier, est le résultat de cette envie de rapper de nouveau tous ensemble.

On s’est lancés sans aucun matériel. On entrait en studio, on écoutait ou on faisait les prods, et on créait sans se mettre de limites.

MB

Les membres du groupe « se complètent » lorsqu’ils créent à cinq, dit Random. Chacun apporte ses forces. Et parce qu’ils ne sont pas « un boys band créé de toutes pièces », ajoute Lost, leur expérience commune nourrit leur écriture. « On a vécu beaucoup de choses ensemble, dit-il. C’est facile pour nous de parler des mêmes choses, de notre réalité. »

Ambition sans bornes

Si les choses bougent (et vite) pour 5sang14, le collectif sait qu’il n’en est qu’à ses débuts. « On a encore beaucoup de travail devant nous, on le sait, dit White-B. On y va avec les occasions qui se présentent, on essaie de bien faire les choses. »

Le contexte est le bon, pensent-ils. Le hip-hop québécois est en plein essor. « Il y a un mouvement et tout le monde commence à accepter ce qui se passe, dit White-B. La jeunesse n’a jamais été aussi touchée par le rap. »

La prochaine étape pour le collectif : le MTelus, dans le cadre des Francos. À la mention du spectacle à venir, les cinq visages s’illuminent. Pour ceux qui avaient rempli le Club Soda l’été dernier, c’est une étape importante. Ils accèdent à une salle deux fois plus grande et prennent part à un festival d’ampleur. « Quand on était jeunes, on allait là et on se disait qu’un jour, on y serait », raconte Gaza.

Ils ne comptent pas s’arrêter là. Les cinq Montréalais ont le regard tourné vers l’avenir. Ils veulent élargir leur auditoire — « à l’international ! », lance Gaza —, en France peut-être, mais aussi du côté du public anglophone. « En tant qu’artiste, tu n’es jamais rassasié, dit MB. Plus tu avances, plus tu veux aller loin. »

Au MTelus ce soir, 21 h. Invités spéciaux : Souldia et Ryan