Salomé Leclerc et Diane Tell ne s’étaient jamais rencontrées. Mais les deux talentueuses musiciennes qui se produiront chacune de leur côté aux Francos se sont découvert de nombreux atomes crochus et une admiration mutuelle lors de cette entrevue croisée.

Diane Tell : Je suis fan, fan, fan de Salomé. Je fais beaucoup de playlists, j’écoute beaucoup de nouveautés, et il y a des lignes de basse dans son nouvel album que je connais par cœur. Je l’écoute dans mon auto.

Salomé Leclerc : Ben voyons donc !

Diane Tell : Quand on m’a proposé une rencontre avec Salomé, j’ai dit : « Mais oui, bien sûr ! » Je la suis depuis ses débuts. Comme auteure-compositrice qui se respecte, j’ai toujours une oreille tendue. Parce que quelque part, j’ai été une des premières. J’ai étudié au cégep de Saint-Laurent en guitare. Mes quatre premiers albums, j’ai écrit toutes les paroles et la musique. On était dans un monde où il y avait la chanteuse, puis un gars qui faisait les paroles et un autre la musique. Des fois, c’était une fille. Il n’y avait pas de songwriters comme chez les Anglo-Saxons.

Salomé Leclerc : C’est vrai, tu as été une des premières. C’est un modèle pour moi. Pour la guitare, mais aussi, on en parlait tantôt avant que ça commence, elle vient de faire un album avec Fred Fortin. C’est plein de belles inspirations.

La Presse : Vous êtes toutes un peu les filles de Diane Tell ?

Diane Tell : Pas forcément ! [Elle se tourne vers Salomé.] Excuse-moi, c’est juste pour te mettre à l’aise. Ça fait tellement longtemps, elles ne sont plus rendues là, elles n’ont pas besoin d’exemple. Salomé arrive à un moment où je n’ai plus d’affaire là-dedans.

La Presse : Mais il en fallait une pour ouvrir le chemin ?

Salomé Leclerc : Certainement. Et je ne me sens pas si loin non plus. Parce que ta musique est encore active, il y a encore plein de vie autour.

La Presse : Salomé, est-ce que tu as étudié en musique ?

Salomé Leclerc : Non, moi j’ai fait l’École de la chanson de Granby, qui a été fondée pour les auteurs-compositeurs-interprètes.

La Presse : La guitare, tu l’as apprise comment ?

Salomé Leclerc : Seule. Mon premier instrument, c’est la batterie. Le beat est venu en premier en moi.

Diane Tell : Et la basse aussi.

Salomé Leclerc : Oui, c’est drôle, tantôt tu parlais de la basse, parce que j’ai vraiment pensé mon dernier album à partir des percussions et des lignes de basse. Je ne voulais même pas de guitare ! Finalement, il y a autre chose autour, mais elles sont restées.

Diane Tell : Tu vois, moi, je l’ai ressenti.

La Presse : Qu’est-ce que tu aimes de la musique de Diane Tell ?

Salomé Leclerc : La complexité — et ce n’est pas péjoratif. Je parle des vins parce que je tripe beaucoup vin, mais quand un vin est complexe, il a plein de couleurs, de saveurs… J’ai appris la guitare sur le tas, je n’ai pas de connaissances théoriques, mais je suis capable de voir les lignes, les progressions, les mélodies. Il y a une richesse dans sa musique et je classe ça dans un petit pot… C’est quelque chose de presque inaccessible pour moi. Je serais difficilement capable de reproduire quelque chose dans ce genre, et c’est ce qui fait la singularité de ses chansons.

La Presse : C’est difficile encore aujourd’hui de se faire reconnaître comme une excellente musicienne ?

Salomé Leclerc : Je ne cherche pas à me faire reconnaître comme une excellente musicienne. Si c’est ça qu’on voit de moi, tant mieux ! Mais je prends vraiment la guitare et ma musicalité au service de mes chansons.

Diane Tell : Ce que je rajouterais, c’est que souvent on va écrire dans un article « la chanteuse Diane Tell », ou « la chanteuse Salomé Leclerc ». Ce n’est pas qu’on veut être reconnues comme musiciennes, mais on n’est certainement pas des chanteuses. Ce n’est pas juste une histoire de voix !

La Presse : Quand on regarde Diane Tell, on a l’impression que pour durer, le secret, c’est de se diversifier.

Diane Tell : Je ne sais pas si c’est voulu. Je ne me dis pas ça, je vais me diversifier.

Salomé Leclerc : Des fois, c’est des rencontres improbables justement, comme Diane Tell et Fred Fortin. Aller chercher les nouvelles collaborations qui vont faire que c’est encore tripant, que ce n’est pas plate, mon métier, que ça me tente encore d’écrire, qu’il y a de la motivation par là. De ne pas rester dans sa zone de confort. C’est pour ça que des carrières sont aussi longues et belles et inspirantes.

La Presse : C’est ce que tu as fait avec ton troisième album, non ?

Salomé Leclerc : C’est ce que j’essaie de faire à chaque tournant. Je n’ai jamais repris le même chemin et je ne m’assois pas là-dessus pour le quatrième disque. Reste, par exemple, que la compo se fait toujours dans le même milieu, chez moi ou dans mon local…

Diane Tell : Tu ferais des tounes sur le bord d’une plage en Grèce, ce ne serait pas pareil.

Salomé Leclerc : C’est sûr. Aussi, il faudrait que je me lance le défi d’écrire un texte avant la musique.

Diane Tell : Je te le conseille. Parce que les mots, ils te balancent des mélodies. C’est fou. Ils sont chantants.

La Presse : Diane, tu travailles à partir des textes ?

Diane Tell : Je n’ai pas de règle. Mais c’est vrai que le lieu est très important. J’ai eu toutes sortes de périodes. Là, je vis dans un petit chalet en Suisse et j’écris toutes mes tounes sur le balcon en regardant les montagnes. Aussi, quand tu as fait une quinzaine d’albums, il y a eu des changements dans ta vie, et chaque fois, ça te nourrit. C’est comme la cuisine. Tu peux faire quoi de nouveau quand tu es chef ? Par exemple, on n’a jamais vu ça, des carottes avec du chocolat. On peut-tu faire de quoi avec ça ? Souvent, c’est des collaborations. Si Salomé et moi, on fait une toune ensemble, on va être étonnées l’une et l’autre par le résultat. J’espère que ça se fera, d’ailleurs !

Salomé Leclerc : C’est une super bonne idée !

La Presse : Avez vous déjà fait de la musique ensemble ?

Salomé Leclerc : Non, on s’est rencontrées ce matin !

La Presse : Tu trouves ça émouvant ?

Salomé Leclerc : Totalement. Quand j’ai eu l’invitation, j’ai dit oui tout de suite. Je me surprends de ne pas être plus intimidée en ce moment. Il y a une curiosité musicale chez Diane. On comprend tout ça en l’écoutant parler. Ça ne vient pas de nulle part.

La Presse : Chanter aux Francos, ça veut dire quoi pour vous ?

Salomé Leclerc : C’est le festival qui m’a fait connaître tellement d’artistes quand j’étais jeune. C’est ma sixième ou septième fois aux Francos, ça commence à s’atténuer, le petit stress, mais mes premières, c’était la grosse affaire pour moi. C’est très significatif. J’ai gagné le prix Félix-Leclerc il y a quelques années aussi. Je suis touchée de me faire réinviter, je ne le tiens pas pour acquis.

Diane Tell : Laurent Saulnier, il suit son monde. Si t’es là une septième fois, c’est parce que Salomé Leclerc, elle compte. Mais j’ai une autre anecdote : j’ai joué aux premières Francos de La Rochelle, en 1985. Le fondateur Jean-Louis Foulquier m’avait demandé : « Est-ce que tu me ferais l’honneur de participer à mon festival ? » J’ai dit : « Mets-en ! » J’étais assez hot en France dans ce temps-là, alors j’ai fait la grande scène lors des premières Francofolies de La Rochelle.

Diane Tell à la Cinquième Salle de la Place des Arts, vendredi, à 20 h.

Salomé Leclerc à L’Astral, le 18 juin, à 19 h 30 ; elle est également l’artiste invitée du spectacle de l’École nationale de la chanson, vendredi, à L’Astral, à 19 h 30.