(MANCHESTER) Leggings léopard, chaussures à plateforme et manteaux en peluche rose : l’Etihad Stadium s’était téléporté en 1997, vendredi, pour le premier arrêt de la tournée retour des Spice Girls en Angleterre. Tamagotchis en moins, iPhones en plus.

Vingt-deux ans après avoir assommé la planète pop à coup de musique bonbon qui avait fait des Spice Girls le groupe féminin ayant vendu le plus d’albums de l’histoire, quatre des cinq complices ont décidé de remonter sur scène pour interpréter leurs succès. Victoria « Posh Spice » Beckham a passé son tour pour cette troisième réunion, après une tournée en 2017 et un spectacle unique aux Jeux olympiques de 2012.

« Manchester, bienvenue dans le Spice World », a lancé Geri Halliwell, alias Ginger Spice, qui avait troqué son iconique robe (très) courte aux couleurs de l’Union Jack (le drapeau du Royaume-Uni) contre une version plus distinguée (et plus longue). « Vous êtes gentils d’être aussi ouverts, vous acceptez même une bande de quadragénaires habillées en superhéroïne, en tigre, en bébé et comme la Reine. »

« Il y a des mamans ici qui devaient être des enfants » dans les années 90, a souligné Emma Bunton, alias Baby Spice.

Les ex-ingénues ont vieilli, leurs admirateurs aussi. Mais quand les premières notes de Stop ont résonné, leurs cris stridents auraient facilement pu être confondus avec ceux des enfants et préadolescents qu’ils étaient en 1997.

En moins d’une seconde, les sièges de centaines de strapontins ont claqué, et la chorégraphie leur est revenue en tête. Bras allongés, paumes ouvertes, pouces au-dessus des épaules, mains aux hanches, et ainsi de suite. Le plus gros karaoké du monde, dans des effluves de cocktails sucrés.

« Des souvenirs de notre enfance »

En fait, c’est tout Manchester qui prenait des airs « nineties » l’espace d’une semaine (et de trois représentations). Les rues du centre-ville se sont animées du gloussement de petites bandes de jeunes femmes, fin vingtaine ou la trentaine, qui ont grandi dans l’univers du girl power.

Dans le train arrivant de Londres, déjà, leurs cris se faisaient entendre, autour d’une petite bouteille de mousseux ou d’un téléphone jouant de vieux vidéoclips. Près de la gare, un groupe de trentenaires tentait maladroitement de transvider de la vodka dans une petite bouteille de jus d’orange en plastique, comme si elles avaient 16 ans.

Juste en dehors de la ville, des dizaines de milliers de fans pénétraient lentement dans l’Etihad Stadium, domicile habituel du Manchester United.

Des Bobbies, plus habitués à gérer les hooligans, s’assuraient que tout se passait dans l’ordre. Le spectacle était présenté à guichets fermés.

« On voulait se remémorer des souvenirs de notre enfance, notre adolescence », ont témoigné Laura Gremsmith et Melissa Talbot, qui avaient autour de 13 ans lorsque le groupe était à son zénith. Sur leur t-shirt : Zig-a zig-ah !, ligne du mégasuccès Wannabe, sans signification particulière, mais passée dans la petite histoire de la pop. « C’est de la bonne musique et c’est une bonne occasion de passer du temps avec les filles », ont-elles continué.

Les deux complices ont exprimé leur « déception » quant à l’absence de Victoria Beckham. D’autres admirateurs lui en voulaient visiblement davantage, leurs vêtements arborant la liste des membres du groupe, « Posh Spice » marqué d’un X.

Un jeune homme portait un t-shirt qui le désignait comme « remplaçant officiel de Ginger Spice ». Un autre, passablement éméché, avait poussé l’idée plus loin en revêtant la fameuse robe Union Jack de Geri, déclenchant des cris de surprise et d’encouragement partout sur son passage.

« J’étais Baby Spice et elle était Geri [Halliwell] », explique Caroline, qui faisait partie avec son amie Laura de l’un des (très) nombreux groupes amateurs nés dans la foulée du succès des Spice Girls. « Ça s’appelait Les Wannabes de Sutton, nous avions à peu près 14 ans. C’étaient nos idoles. »

Épaisse couche de kitsch

Mais ce sont bien quatre des cinq Spice Girls originales qui étaient sur scène, qui ont enchaîné les succès et changé cinq fois de costumes. Elles se déhanchaient, de façon peut-être plus conservatrice qu’il y a 22 ans, sur l’immense scène, faite d’une longue croisette qui s’avançait dans la foule. Une vingtaine de danseurs les accompagnaient. Une minute, elles assumaient leur kitsch et s’en amusaient ; la suivante, elles en ajoutaient une couche épaisse avec le plus grand sérieux.

Programme du concert

Spice Up Your Life

If You Can’t Dance

Who Do You Think You Are ?

Do It

Something Kind of Funny

Holler

PHOTO LORRAINE O’SULLIVAN, ARCHIVES REUTERS

Des admiratrices des Spice Girls attendaient avec impatience le spectacle des idoles de la pop à l’extérieur du Croke Park de Dublin, en Irlande, le 24 mai dernier.

Viva Forever

Let Love Lead The Way

Goodbye

Car Wash

Never Give Up On the Good Times

Love Thing Lady is a Vamp

Too Much

Say You’ll Be There

2 Become 1

Stop

Mama

Wannabe

Frank Cassidy, la cinquantaine bien sonnée, détonnait dans cet océan de jeans taille basse et de leggings. Il n’était pas au spectacle de sa propre initiative, mais plutôt pour accompagner ses filles Frances et Clare.

« Quand elles grandissaient à Vancouver, mes deux filles étaient des fans des Spice Girls », a-t-il relaté. Osera-t-il s’aventurer dans le stade ? « Oh oui, il est excité », a répondu Frances à sa place. « Je peux vous donner mon billet ? », a glissé le principal intéressé, en riant.

Il reste huit soirs à la tournée des Spice Girls, qui s’arrêteront à Coventry, Sunderland, Édimbourg et Bristol, avant de terminer avec trois dates au stade de Wemblay, à Londres.

Le Spice World ne tourne pas toujours rond

Problèmes de son

Les deux premiers arrêts de la tournée des Spice Girls, à Dublin et à Cardiff, ont fait bien des malheureux : les journaux se sont rapidement remplis de témoignages de fans en larmes qui déploraient une « soirée gâchée » par une musique presque inaudible de l’endroit où ils se trouvaient. Vendredi, à l’Etihad Stadium de Manchester, pas l’ombre de telles plaintes.

Une absente remarquée

Un extraterrestre venu assister au spectacle de vendredi n’aurait jamais su qu’il écoutait les quatre cinquièmes d’un groupe : Posh Spice était aux abonnés absents. En presque deux heures de spectacle, l’absente n’a pas été nommée une seule fois. Victoria Beckham, peut-être la Spice Girl qui a le mieux réussi sa transition professionnelle, a refusé d’intégrer cette tournée retour, à cause de son horaire trop chargé. Elle a toutefois donné sa bénédiction à l’initiative.

Confidences embarrassantes

La belle unité de façade du groupe s’était déjà fissurée il y a deux mois, alors que la tournée était en préparation. Mel B (Melanie Brown, de son vrai nom), dite Scary Spice, avait en effet confié dans une entrevue télévisée avoir eu une relation sexuelle avec Geri Halliwell dans les années 90. « Elle va me détester pour cette confession, parce qu’elle vit de façon conservatrice avec son mari dans sa maison de campagne, mais ça s’est produit. C’est un fait », avait-elle dit à l’interviewer Piers Morgan. Geri Halliwell avait rapidement diffusé un communiqué niant cette affirmation en bloc.