Il roule sur la lune depuis 20 ans, commémore deux décennies d’idylle. De l’amour, on le devine, il en a partout sur la peau. On ne doute pas un instant qu’il couchera dehors avec des cœurs carnivores ! Les papilles dilatées, la cendre dans les yeux, c’est bon, fera-t-il en outre observer. Dans un autre état d’esprit, il saura lire entre les lignes… d’un dealer. Puis, il y aura une émeute en amont, un gars gueulera dans le salon. Et, comme le bon gars de Desjardins, il va sauter dans son char et descendre à Val-d’Or.

Qui est le narrateur ? Peu importe, on sait qui est l’auteur.

Ces courts récits sont écrits à la première personne du singulier, le narrateur configure poétiquement sa vie intime, ses amours, ses amitiés, ses relations accessoires. 

On aura saisi que l’angle littéraire du parolier s’est déplacé du voisinage vers l’intimité, la proximité, l’amour et l’amitié proches, la croissance de l’intérieur. Voilà peut-être… c’qui nous reste du Texas.

Une fois de plus côté Adamus — une quatrième, en fait —, les aspérités du verbe et du ton camouflent la complexité chansonnière. La langue familière y est transcendée comme elle l’est chez Richard Desjardins et Stéphane Lafleur, le chant joual keb est un trompe-l’oreille. Il y a ici un acte de littérature, un acte de transcendance.

C’est idem pour le son apparemment sale, ficelé par le réalisateur et percussionniste Tonio Morin-Vargas : le jeu des multiples références et l’exécution des musiciens de haut niveau (basse, contrebasse, saxophones, trombones, banjo, guitares, piano, harmonium, batterie, percussions) font bon ménage avec le vacarme, les bruits de ferraille, crissements, hurlements à la lune.

IMAGE FOURNIE PAR GROSSE BOÎTE

C’qui nous reste du Texas, de Bernard Adamus

Adamus est country, il est folk, il est blues, il est rock. Son boogaloo est swamptueux, son R&B est délicieusement sudiste, son bluegrass ruisselle des Appalaches, son jazz est moins primitif qu’il n’y paraît. Profonde américanité keb chez ce fils de Polonais, sauf les clins d’œil à Kurt Weill et aux tziganes d’Europe centrale.

On peut affirmer sans ambages que la composition, les arrangements, la réalisation et l’interprétation sont meilleurs que jamais dans la sphère Adamus. On peut maintenant parler de maîtrise.

Impossible d’éviter les références, impossible de ne pas songer à ces raffinés mal léchés l’ayant précédé, tous ces Tom Waits, Charles Bukowski, Michel Latraverse, Lucinda Williams, John Fante et autres cantonniers ayant pioché avant lui ce chemin graveleux menant à la cabane des merveilleux perdants.

Depuis son émergence, le pick-up brinquebalant d’Adamus emprunte cette route picaresque jusqu’à cette cabane où il fait bon planer. Où le ciel est partout sur terre.

★★★★ Chanson. C’qui nous reste du Texas. Bernard Adamus. Grosse Boîte.