Une année record plus tard, Loud poursuit sur sa lancée. Il sera le premier rappeur québécois francophone à se produire au Centre Bell, à la fin du mois. Si la sortie de son deuxième album, Tout ça pour ça, le 24 mai, suscite son lot d’attentes et de pression, le MC de 31 ans reste posé et confiant. Et a un œil lucide sur sa carrière.

Au café Osmo de la rue Sherbrooke, Loud enchaîne les entrevues. Tout juste sorti d’un entretien téléphonique, il se prête au même exercice avec nous, avant de passer directement au journaliste suivant.

« C’est le métier, dit-il. Si on veut en profiter, il faut y mettre du travail. » 

Assis sur un banc de la terrasse du café, l’air toujours décontracté, lunettes noires sur les yeux et son habituelle casquette calée à l’envers sur la tête, il explique ne pas être à plaindre.

La valse médiatique fait partie du métier. Tout comme les tournées. Depuis la sortie de son premier album en 2017, Loud a passé beaucoup de temps sur la route, au Québec et en Europe, dont il est revenu il y a quelques jours. Depuis que sa carrière a décollé, il ne lui manque qu’une chose : du temps, dit-il.

Si bien que la fabrication de l’album à paraître s’est faite en deux mois, février et mars derniers. « On a essayé de commencer plus tôt, mais on n’avait pas assez de temps, raconte-t-il. Pour la musique, on avait déjà du matériel, mais rien n’était enregistré. »

Dès la sortie du studio, le premier extrait, Médailles, et l’annonce du nouvel opus ont suivi, fin mars. La semaine dernière, le deuxième simple, Fallait y aller, a été dévoilé. « Il y a toujours un petit stress, mais c’est nice de finalement sortir de la nouvelle musique, confie Loud. C’est toujours très intéressant d’avoir une réaction instantanée grâce au web. »

Les fans réagissent plutôt bien. Les vidéoclips accompagnant Médailles et Fallait y aller totalisent près de 900 000 visionnements sur YouTube.

Le succès, « un carburant »

Si les projets de Loud depuis l’EP New Phone en 2017 ont fait mouche, provoquant un crescendo de succès, l’artiste originaire du quartier Ahuntsic a les pieds bien sur terre et comprend le défi de faire une suite à son premier album.

« Il y a toujours ce mythe du deuxième album. Dans mon cas, ç’a été pas mal plus rushant que le premier », explique-t-il.

Le succès du premier opus a créé une pression importante. Il l’a utilisée comme « carburant ». 

« J’ai une nouvelle histoire à raconter, parce qu’il s’est passé tellement de choses. » — Loud, à propos de son deuxième album

IMAGE FOURNIE PAR JOY RIDE RECORDS

Tout ça pour ça, de Loud

Comment faire mieux quand on a déjà accompli tellement et que la formule gagnante semble déjà écrite ? La question s’est peut-être posée, mais elle a été reléguée aux oubliettes.

« J’ai débloqué quand j’ai décidé de ne pas penser au premier album, confie le rappeur. J’ai fait les anciennes chansons en show 100 fois, elles ont déjà fonctionné. […] Le but n’était pas de faire une suite [à Une année record]. »

Si un premier opus peut être un travail d’introspection, pour « faire le point sur ta vie et sur ton parcours », analyse le rappeur, ce deuxième jet lui a permis de toucher à ce qu’il vivait en ce moment. Les hauts et les bas du succès y sont abordés, tout comme le besoin de répit ou la relation à distance. « J’ai aussi voulu que ce soit le moins filtré possible, me mettre moins de limites qu’avec l’album précédent », ajoute Loud.

Bien entouré

Tout ça pour ça s’est fait en collaboration avec l’équipe qui a travaillé sur Une année record. Ajust et Ruffsound signent de nouveau la réalisation, ainsi qu’une partie de la production. Larry Kidd revient prêter sa voix pour une chanson. William Fradette s’occupe de tout le visuel. Le producteur Realmind est aussi du projet.

« Au niveau de la qualité, le mieux que je peux faire, c’est avec ces gens-là, affirme Loud. La loyauté aussi, c’est important. »

Mais le rappeur a aussi voulu s’entourer de nouveaux partenaires de création. Charlotte Cardin s’ajoute aux collaborations vocales, pour une chanson sentimentale intitulée Sometimes, All the Time. Les producteurs Banx & Ranx, Billboard, Kable Beatz et Chase.Wav ont travaillé sur la musique sur laquelle Loud pose ses rimes.

« Il y a plus de monde en périphérie, ce qui est dans l’air du temps, note-t-il. Si on cherche un apport précis et qu’on sait que quelqu’un peut nous l’amener, on n’a pas l’ego de se dire qu’on doit tout faire nous-mêmes. »

Tracer la route

Loud est un des rares rappeurs québécois diffusés à la radio et le premier à se produire sur la scène du Centre Bell. Bien que le succès soit arrivé avant que l’industrie musicale ne s’en mêle, il comprend qu’il peut maintenant tracer un chemin pour le rap québécois.

La chanson Toutes les femmes savent danser, qui tire beaucoup vers la pop, joue encore en boucle dans les stations radiophoniques. Loud la voit comme un « cheval de Troie ». « Depuis, ça joue pas mal plus de rap à la radio, soulève-t-il. Je ne peux pas dire que c’est seulement à cause de ça, mais ça n’a pas nui. »

Une des chansons du nouvel album, Jamais de la vie, résolument plus pop elle aussi (pensez chanson estivale par excellence), a le potentiel de plaire aux radios, prévoit le rappeur. Mais il n’a pas voulu la diffuser en premier, préférant laisser la place à Fallait y aller. Plus rap, moins pop, sans s’en éloigner complètement, elle pourra ajouter une touche hip-hop aux listes de lecture des diffuseurs.

« Le but, c’est de continuer à jouer à la radio. Si on peut y amener plus de rap, ce serait bien. »

Quant au Centre Bell, il soupçonne que sa présence (historique) « ouvrira des portes ». « Je ne sais pas jusqu’où cette ouverture va aller. Dans l’industrie, on prend encore peu de risques », dit-il. Pour lui, la scène hip-hop sera vraiment « en santé » lorsque des acteurs plus en marge mais très populaires dans leur milieu seront autant discutés sur la grande place que les Fouki et Koriass de ce monde.

Où se situe-t-il dans tout ça ? « J’ose croire que je ne ressemble pas à tout le monde, répond-il. Mais je bénéficie de ce mouvement de l’industrie envers le rap, j’en suis même le visage. Mais créativement, je me sens confortable. Je ne me sens pas coupable que ça fonctionne. On travaille vraiment fort. »

Au Centre Bell, le 31 mai et le 1er juin.

Hip-hop. Tout ça pour ça. Loud. Joy Ride Records. Sortie le 24 mai.