Ces deux dernières décennies, Mariza s’est imposée comme la plus grande interprète du fado sur la scène internationale. Elle revient à Montréal, à la Maison symphonique, avec des chansons douces et pourtant mystérieusement puissantes.

Il suffit de remettre l’oreille sur Fado En Mim ou Fado Curvo, ses deux premiers albums, pour mesurer le chemin parcouru par Mariza. Sa voix, autrefois claire et forte, a gagné en nuances et en profondeur, sans perdre sa charge émotive. Sa musique, qui cherchait déjà à s’affranchir du fado traditionnel, s’épanouit désormais en faisant fi des frontières, sans renier ses racines, et sans hésiter à afficher ses affinités pop.

Son plus récent disque, paru l’an dernier, porte simplement son prénom. On croit d’abord qu’après 20 ans de carrière, choisir un tel titre est une façon de réclamer son parcours et d’affirmer son esthétique. Il n’en est rien, selon la chanteuse, jointe chez elle au Portugal, entre deux portions d’une longue tournée nord-américaine. Ce n’était pas l’intention, du moins. Or, à l’écoute des 14 chansons que compte l’album, l’interprétation tient la route.

Mariza, le disque, est empreint d’une assurance sereine. Cordes pincées, basse caressante, chant, presque tout, ici, est d’une douceur sans mièvrerie. « Avec le temps, on devient sûre de soi. Je ne me préoccupe pas de ce que les gens pensent, je veux simplement m’exprimer », insiste la chanteuse.  

« Je ne cherche pas à vendre un million de disques. Ce n’est pas mon but. Ce que je veux, c’est chanter ce qui me rend heureuse. » — Mariza

Ce qui lui plaît, c’est de mélanger délicatement les genres. Quelques chansons demeurent dans la lignée du fado, mais la majorité des titres, une fois de plus enregistrés sous la direction de Javier Limón, ne s’y limitent pas. « J’ai atteint une certaine maturité dans le genre de musique que je fais, avance Mariza. Elle devient plus personnelle, elle porte mon ADN. Je m’efforce de transmettre ma vision de la musique et du monde. »

Élégants métissages

La chanson Verde Limao est un fort bel exemple des élégants métissages auxquels la chanteuse s’adonne. Après une intro de percussions africaines, sur laquelle elle pose une voix puissante qu’on associe à son héritage fado, le morceau glisse vers une manière proche du flamenco. Amor Perfeito possède une légèreté et une brillance presque pop. Oi Nha Mae et Oração restent quant à eux plus près du fado.

Cette dernière chanson, empreinte de douleur, dans laquelle la chanteuse évoque le souvenir d’un air appris de sa mère, est la seule dont le texte est signé par Mariza. « C’était une grande erreur ! », dit-elle, à propos de ce morceau pourtant très beau. Ces mots n’étaient pas destinés à être gravés sur disque, raconte la chanteuse, qui écrit pourtant depuis longtemps. Son texte s’est retrouvé par accident parmi ceux qui ont été soumis au réalisateur. Qui l’a aimé… « J’ai fait bien des efforts pour qu’il ne soit pas sur le disque », assure Mariza.

« Je n’aime pas chanter mes propres mots parce que je sais exactement pourquoi je les ai écrits, explique-t-elle. J’en connais le sens et il m’est plus douloureux de les chanter. » Porter les mots des autres lui permet de se révéler tout en préservant son jardin secret. « Chanter mes mots, c’est me mettre complètement à nu, dit-elle. Sur scène, je suis vraie. Je ne peux pas chanter une chanson si je ne la ressens pas. Je donne tout sur scène. »

Mariza, ce dimanche, 19 h 30, à la Maison symphonique