Patrick Bruel était de passage à Montréal cette semaine. Une ville où il se sent comme chez lui, mieux encore, car il est plus libre qu’à Paris. « Non pas que je ne sois pas détendu ni enthousiaste en France, mais j’ai atteint un pic de liberté ici comme nulle part ailleurs », confie l’auteur-compositeur-interprète.

Depuis 30 ans, il vient régulièrement au Québec, où les artistes et le public l’ont toujours accueilli chaleureusement. La première fois, c’était en 1988 pour la promotion du film de Claude Lelouch Attention bandits, la deuxième, pour la sortie de son album Alors regarde, un an plus tard. « Je me souviens très bien, j’ai croisé Ginette Reno, que j’adore, à l’émission Ad Lib. Elle m’a dit : “Casser la voix, c’est écœurant, ça ne peut être qu’un hit.” »

Patrick Bruel a-t-il changé depuis 30 ans ? « Est-ce qu’on est le même ? Est-ce qu’on change ? s’interroge-t-il. Il est évident qu’on évolue, qu’on ne regarde pas les choses de la même façon, confie la star française. Je n’aurais pas écrit la chanson Ce soir on sort… de la même façon il y a 20 ans, j’aurais été plus vindicatif, plus violent. »

Regardez une interprétation de Ce soir on sort.

Cette chanson, tirée de son nouvel album du même nom, évoque la France à la suite des attentats. Le soir du 13 novembre 2015, ses deux fils se trouvaient au Stade de France pour assister au match France-Allemagne avec leur mère, son ex-femme Amanda Sthers. « Tous les soirs en concert, les gens sont bouleversés et chantent La Marseillaise, qui est à la fin de la chanson Ce soir on sort… Ça donne un truc extraordinaire et ça se termine avec la photo où on voit la silhouette de mon fils Léon, qui tient son petit drapeau français, au Stade de France. Cette photo a été prise par Amanda une heure avant les événements. »

PHOTO AMANDA STHERS, FOURNIE PAR PATRICK BRUEL

Léon, le fils de Patrick Bruel, 
au Stade de France le soir 
des attentats, le 13 novembre 2015

Patrick Bruel parle de son nouveau spectacle, où il passe plus de deux heures et demie sur scène, un show plus rock et techno, plus urbain, avec des touches de hip-hop. Il est content de voir que son public se renouvelle et que les critiques françaises sont excellentes. « C’est énorme », « Du grand Bruel ». Même lui n’en revient pas. « Je crois que j’ai gardé ma capacité d’émerveillement intacte, et ça doit se sentir ; j’ai tellement de bonheur à être sur scène. »

Une terre pour ses enfants

Il parle aussi de sa nouvelle passion, son huile d’olive (L’Huile H), qui a remporté de nombreuses médailles d’or. Son secret : le terroir et les gens qui y travaillent. « Le travail, la réflexion, la finesse. Tous les grands chefs français l’adorent. Mon huile est plus forte que moi. Je ne pense pas qu’un artiste doive se mettre en avant pour vendre un produit, ça devient suspect », dit-il.

Cette terre en Provence représente pour lui un attachement profond aux racines. « J’ai acheté cette maison à la naissance de mon deuxième enfant ; c’est leur terre, ça leur appartiendra, c’est eux qui continueront et c’est pour ça que je viens de commencer le vin. Car le vin, ce sera long, il ne sera pas bon avant 10, 20 ou 30 ans, alors ils continueront. C’est formidable de les rattacher à leurs racines ; c’est important pour quelqu’un comme moi qui ai été un peu déraciné. Alors, avoir un point d’ancrage, ça passe par la terre, par l’olivier qui est le symbole de la paix. »

Au fil de la discussion, il évoque les réseaux sociaux, un outil qu’il faut comprendre et maîtriser. Il regarde les commentaires après ses concerts. « On se rend compte à un certain moment que nos chansons ont joué un rôle important dans la vie des gens ; c’est venu se substituer à un manque ou à un besoin d’expression. Combien de gens m’ont dit : “Vous arrivez à dire ce que je ressens, on dirait que vous avez écrit cette chanson pour moi” ? Et je sais exactement de quoi ils parlent parce que moi, quand j’écoutais Barbara, plus jeune, j’avais l’impression qu’elle disait des choses qui étaient enfouies en moi. »

Prendre le temps

Il évoque aussi le poker. Il joue beaucoup moins, parce qu’il n’en a plus le temps. Justement, le temps qui passe est le thème de sa chanson Pas eu le temps. « La seule chose que je ne voudrais pas dire dans ma vie, c’est que je n’ai pas eu le temps de voir assez mes enfants. »

À ce sujet, son fils Oscar, 14 ans, se mêle de l’horaire de son père. L’adolescent, qui vit à Los Angeles avec sa mère et son frère, a même envoyé un courriel à la production : « Si vous voulez que mon père voie ses enfants, il faut lui laisser du temps entre le 2 et le 12 mars et le 13 et le 23 avril. Ce sont nos dates, alors il n’y a pas de concert. »

Or, il a fini par venir au Québec à ces dates-là. Ses fils le lui ont permis : « Tu aimes trop le Québec pour ça, vas-y ! », lui ont-ils dit.

« Mes fils adorent eux aussi le Québec. Nous sommes allés voir les blanchons aux Îles-de-la-Madeleine avec Julie Snyder ! C’était absolument fabuleux ! »

Avant de le quitter, on tente de lui parler d’un sujet délicat, son âge, car il va célébrer un changement de dizaine. On lui cite quelques paroles de sa chanson Flash back qui date de 1989 : « 14 mai 1959, je brise la coquille de mon œuf, tout va bien, tout va mal, pour l’instant ça m’est égal ». Il rit.

« Quand j’ai écrit cette chanson, je me disais : “C’est quand même un peu con de mettre son âge, tout le monde va le savoir et un jour ça va me faire ch…” Et puis je me dis : “Si tout le monde le sait, c’est que ça aura marché et que tu auras eu du succès et tu seras tellement content que tu t’en foutras.” Eh bien non, je ne m’en fous pas du tout ! », dit-il dans un éclat de rire. 

« Je n’ai tellement pas cet âge, ni dans ma tête ni physiquement, ajoute-t-il. Je voudrais que le temps s’arrête ! Trente ans avec le Québec ! C’était avant-hier ! »

« Le meilleur reste à venir. » Ce n’est pas lui qui le dit, c’est le titre de son prochain film, où il partage la vedette avec Fabrice Luchini. « Je pense que ce sera le meilleur film que j’ai fait, il est magnifique. »

Au Centre Bell le 6 novembre et au Centre Vidéotron le 9 novembre

Consultez le site web de Patrick Bruel

Son huile d’olive L’Huile H est en vente à La Vieille Europe, au Fouvrac Fleury et au Gourmet Laurier.

Voyez une entrevue de Patrick Bruel avec Herby Moreau.