« Je reconnais ma voix quand j’écoute Give Peace a Chance ! »

Joint au téléphone par La Presse jeudi dernier à Antibes, en France, où il venait de célébrer les 105 ans (!) de sa belle-mère, Robert Charlebois ne s’est pas fait prier pour évoquer, 50 ans plus tard, sa participation à la réalisation de la chanson Give Peace a Chance.

Responsable de l’enregistrement de la chanson de John Lennon dans la suite 1742 du Reine Elizabeth, André Perry avait bonifié le résultat le lendemain, dans son studio de Brossard, en mixant l’enregistrement original avec un enregistrement fait avec plusieurs artistes québécois, dont Robert Charlebois.

Le chanteur avait travaillé l’année précédente avec André Perry pour son album Lindberg. « André m’avait demandé de participer, car je chante relativement juste. On était quatre ou cinq dans le studio. Plus de musiciens que de chanteurs. Si ma mémoire est bonne, il y avait peut-être les gens de L’Osstidcho : Mouffe, Louise Forestier… »

Vérification faite, il y avait Mouffe. « Oui, j’étais là, dit Mouffe au téléphone. J’étais contente de participer, car je croyais à la cause. J’étais contre la guerre. On avait fait des voix superposées. Mais Louise Forestier n’était pas là. »

« Je me souviens qu’André Perry ne voulait pas que ça sonne comme un chœur organisé, avec des harmonies, ajoute Robert Charlebois. Il voulait que ce soit spontané, comme quand on demande à une foule de chanter. André nous avait disposés dans le studio : toi devant ; toi qui chantes fort, on va te mettre au milieu ! »

« Même si je veux pas donner à cette chorale plus de mérite qu’elle n’en a, sans elle, l’enregistrement n’aurait pas été loin. André a permis de donner un groove à quelque chose qui, au départ, était dépouillé, un peu comme le We Will Rock You de Queen. »

Alors âgé de 25 ans, Robert Charlebois avait-il ressenti ce jour-là qu’il participait à une création qui allait devenir historique ? « J’avais la pleine mesure de ce que je vivais, car, quand les Beatles ont commencé, j’avais assimilé ça, mais quand Sgt. Pepper’s est sorti en 1967, avec le Maharishi Mahesh Yogi, j’avais fait : “Wouah, ils s’en vont quelque part, avec les grandes orchestrations, la musique planante.” Cela dit, je ne pensais jamais qu’on faisait quelque chose d’historique. On pensait que ce qu’on faisait, ce serait pour des happy few. Une toune avec pas de musique, pas d’orchestre, pas d’arrangement, juste un petit tambourine derrière et c’est tout ; on pensait que ça passerait juste une fois à la radio. »

PHOTO ANTOINE DÉSILETS, ARCHIVES LA PRESSE

Le chanteur Robert Charlebois à l’aéroport de Dorval le 11 avril 1969, de retour d’Europe

L’HYMNE PACIFISTE D’UNE GÉNÉRATION

Lancée le 4 juillet 1969 à Londres et trois jours plus tard en Amérique, la chanson resta trois semaines au numéro 2 du palmarès britannique, seulement bloquée par la chanson Honky Tonk Women, des Stones, qui avait été aidée par la mort de Brian Jones le 3 juillet.

Le 45 tours de Give Peace a Chance et Remember Love a fait le tour du monde (14e au Billboard Hot 100 aux États-Unis et numéro 1 aux Pays-Bas). Give Peace a Chance était devenue l’hymne pacifiste d’une génération. Avec les voix de Charlebois et de Mouffe en prime !

John Lennon faisait et fait encore partie de l’univers de Charlebois. Mais Garou le fou n’était pas allé dans la suite de John Lennon et Yoko Ono au Reine Elizabeth.

« Lennon ne savait pas qui j’étais, dit-il. J’allais pas aller lui dire : “Je vais te chanter Lindberg ou California !” Aujourd’hui, je suis fier d’être sur Give Peace a Chance. D’abord parce qu’il n’y a plus personne qui est là. Mes amis du JazzLibre, Doc Préfontaine, Maurice Richard, sont décédés. Mais parce que le bed-in a aussi été un événement important, qui a fait parler le monde entier. »