Le registre musical des églises ne se limite plus aux chants religieux, au gospel et aux concerts classiques. Depuis quelques années, les spectacles pop - de Patrick Watson à Bruno Pelletier, en passant par Safia Nolin, Charlotte Cardin et Coeur de pirate - se multiplient dans les lieux de recueillement, qui confèrent un supplément d'âme indéniable.

Geneviève Côté, chef des affaires du Québec à la SOCAN, croit que les espaces religieux magnifient la qualité d'écoute des spectateurs. « Les églises sont des lieux où naturellement on ne parle pas. À l'inverse, les gens parlent énormément dans les salles traditionnelles, si bien qu'on va bientôt offrir un atelier intitulé "Pardonnez-moi, est-ce que le band dérange votre conversation ?" à RIDEAU [Réseau indépendant des diffuseurs d'événements artistiques unis]. »

Une perception que partage Bruno Pelletier, qui offre des concerts de Noël dans les églises du Québec depuis 2002. « Ce sont des lieux empreints de recueillement et de paix », dit-il. 

« Les gens sont davantage portés à recevoir un message, de beaux textes et de belles chansons. Il y a vraiment une communion qui s'établit entre le public et les artistes. » - Bruno Pelletier

Ironiquement, le chanteur a longtemps cru qu'il n'offrirait jamais de spectacle des Fêtes, jusqu'à ce que l'OSM lui propose un concert de Noël symphonique. Profitant d'une carte blanche pour élaborer une proposition artistique basée sur Noël et la paix - des citoyens du monde entier militaient contre le déclenchement d'une guerre en Irak -, il a mis sur pied un spectacle avec le chef d'orchestre Simon Leclerc, ce qui a complètement changé sa perception. 

« Lors de la première représentation à la basilique Notre-Dame, je me suis réconcilié avec le temps de Noël. Depuis, j'offre le spectacle chaque année en décembre, généralement avec un quatuor à cordes. J'y prends grand plaisir, surtout parce qu'on l'offre dans les églises. »

Se réapproprier le patrimoine

Les concerts dans les espaces religieux sont aussi un moyen de sauver le patrimoine architectural. « Les églises ont longtemps été au centre de nos vies et on n'a pas envie de les voir disparaître, dit Mme Côté. On se les réapproprie pour faire autre chose, souvent de nature culturelle, pour créer de nouveaux souvenirs communautaires. »

Afin de teinter les mémoires, les artisans de ces spectacles essaient d'éclairer les églises de façon exceptionnelle. Cela dit, ils doivent aussi relever d'importants défis acoustiques. 

« Quand on utilise l'acoustique naturelle des églises, ça peut être phénoménal. Mais quand il y a une batterie ou des guitares électriques, la réverbération des églises est plus difficile à contrôler. » - Geneviève Côté, de la SOCAN

Bruno Pelletier précise qu'un ingénieur de son de talent est nécessaire. « La méthodologie doit être adaptée à chacun des lieux pour que la réverbération soit maîtrisée, explique-t-il. Quand c'est réussi, ça donne une ampleur qui peut être majestueuse. »

D'innombrables concerts pop ont été donnés dans les églises partout au Québec. La plus connue est sans contredit l'église Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qui peut accueillir 2000 personnes dans sa salle principale et une centaine pour les concerts très intimes dans la chapelle.

En 2018, un spectacle sur cinq était de style pop, selon Aurélie Lauzon, coordonnatrice du secteur artistique et culturel de l'église Saint-Jean-Baptiste, où se célèbrent encore des services religieux. « Ce sont des concerts bonbon pour nous, dit-elle. Les artistes viennent avec de grosses organisations expérimentées. Tout le monde sait quoi faire. Il y a de la magie qui se crée ! »

L'église a ouvert ses portes aux concerts pop depuis plus de deux décennies. « Au début, certaines messes sont devenues des concerts de Noël et on a vu un potentiel. En plus d'être une nouvelle source de revenus importante, on fait découvrir l'église d'une autre manière. »

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SACRÉS CONCERTS !

Depuis plus de quatre décennies, les orgues ne sont plus les seules à résonner entre les murs des églises du Québec. Voici en souvenir sept concerts mémorables lors desquels les artistes ont transformé le choeur, là où se dresse l'autel, en scène musicale. 

La messe des morts

Le 30 novembre 1972, le groupe Offenbach a marqué l'histoire en offrant un spectacle unique à l'oratoire Saint-Joseph devant 3000 spectateurs. Les rockeurs Gerry Boulet, Pierre Harel, Roger Belval, Michel Lamothe et Johnny Gravel ont été critiqués par une partie de la population, mais le spectacle a été un succès.

Électro pop à l'église

Ariane Moffatt a fait danser des centaines de spectateurs à l'église Saint-Jean-Baptiste en y présentant plusieurs des chansons de son album MA et sa version remixée MA REMIX aux sonorités électro-pop, en décembre 2012. Des néons fluorescents et des projections multicolores contribuaient à l'ambiance festive de la soirée.

Karkwatson

Réputé pour sa programmation magique, le Festival de musique émergente a réuni Karkwa et Patrick Watson, 10 ans après les rares spectacles que les deux formations avaient donnés ensemble. En septembre dernier, Karkwatson s'est produit sur la scène de l'Agora des arts, installée dans la plus ancienne église de Rouyn-Noranda.

Safia unplugged

Sans micro ni amplification, la voix pure et dépouillée d'artifices de Safia Nolin a résonné entre les murs de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours durant trois soirées incomparables à la fin de 2016. Quelques larmes ont été versées devant la sincérité manifeste de l'auteure-compositrice-interprète.

Noël à la Basilique

Naguère peu friand d'albums et de spectacles de Noël, Bruno Pelletier s'est laissé prendre au jeu par un concert symphonique donné avec l'OSM à la basilique Notre-Dame en 2002. Depuis, le chanteur donne des spectacles chaque année en décembre dans les églises, les chapelles et les basiliques du Québec.

Messe transfigurée

Sorte de point d'exclamation du festival Santa Teresa de Sainte-Thérèse, au printemps 2018, Klô Pelgag a fait une entrée solennelle à l'église Sainte-Thérèse-d'Avila avec ses 11 musiciens vêtus comme des rois, des prêtres, des pages et des mages. Forte en symboliques religieuses, la soirée a assurément marqué les esprits.

Patrick Watson et sa gang

Une soixantaine de musiciens de l'orchestre du Cinéma L'Amour et une quarantaine de choristes se sont réunis autour de Patrick Watson à l'église Saint-Jean-Baptiste pour offrir un mélange de « folk rock de chambre », dixit le collègue Alain Brunet dans nos pages à l'automne 2013, et de grandiloquence symphonique.