Avec leur nouvel album, Nicolas Pellerin et son groupe Les Grands Hurleurs continuent d'offrir  de la musique trad de haut niveau. À consommer sans modération pendant le temps des Fêtes...  et même après.

Nicolas Pellerin ne se souvient pas avoir « appris » à taper du pied. « Notre père était le deuxième meilleur tapeux de pied du village, dit le jeune frère de Fred Pellerin. Le meilleur tapait du pied avec les jambes croisées, mais je ne comprends pas comment il faisait. C'est physiquement impossible, il y a un pied qui ne touche pas à terre ! »

Bref, Nicolas Pellerin tape du pied comme il respire. As de la podorythmie, chanteur et violoniste, il s'est forgé une solide réputation dans le monde du trad en particulier et de la musique en général. Chouïa est son quatrième disque en 10 ans avec son groupe Les Grands Hurleurs - leurs trois premiers ont remporté chacun un Félix - et est un bon aperçu du travail à la fois d'exploration du patrimoine et de composition originale du groupe.

« Je ne pensais pas que ce projet durerait si longtemps, même si je l'espérais », nous a confié Nicolas Pellerin, venu directement de Saint-Élie-de-Caxton pour parler de son nouveau disque. « On aime faire une musique créative qui sort un peu des sentiers convenus du trad. On n'est pas révolutionnaires, mais on a une touche plus actuelle. »

Il ne s'agit pas seulement d'ajouter de la guitare électrique à une chanson traditionnelle pour la moderniser, précise par ailleurs le musicien de 38 ans, qui s'intéresse au sujet depuis l'adolescence.

« Au début, j'étais très puriste dans l'approche. Mais à un moment donné, quand tu connais bien la matière, c'est là que tu peux l'ouvrir et intégrer d'autres influences. Ce n'est pas parce que tu ajoutes un beat de drum que tu fais du rock trad. Il faut pousser plus loin, que ça serve la musique, que la connexion se fasse. » 

Arranger une pièce trad représente des mois de tâtonnements. Nicolas Pellerin possède dans son ordinateur des milliers de chansons traditionnelles que les gens lui ont apportées au cours des années. C'est à partir de cette matière brute qu'il travaille.

« C'est souvent une chanson a capella chantée par un vieux monsieur qui fausse et qui module d'un ton entre le début et la fin de la toune... Je l'écoute, je l'apprends, et avec le violon et la guitare, j'essaie de lui trouver une couleur. »

Son défi : que les gens aient l'impression en l'écoutant que c'est lui qui a composé la chanson. « Des fois, j'adapte la mélodie, je me laisse de l'espace. Ce sont de vieilles chansons qui ont changé avec le temps. C'est sûr que des notes ont changé, alors on peut le faire aussi, si c'est pour le bien de la chanson. »

SONNER LARGE

Grand connaisseur du répertoire trad, Nicolas Pellerin avoue qu'avec les années, il y a de moins en moins de découvertes à faire. « Même pour les textes les plus rares, ce sont des nouvelles versions qu'on entend en ce moment. »

Normal qu'on arrive au bout, ajoute-t-il, puisque ce répertoire est fini depuis longtemps ! « Là, on est rendus à composer, dit Nicolas Pellerin, qui signe plusieurs des pièces du disque. On ne fait pas du trad, on fait de la composition d'inspiration trad. »

Nicolas Pellerin est conscient d'être « le chaînon d'une grande chaîne ». « Mais on ne fait pas de l'ethnomusicologie ! On n'essaie pas de reproduire ce qui se faisait en 1802. On fait de la musique. »

Issus du milieu du jazz, les deux musiciens qui forment avec lui Les Grands Hurleurs, Simon Lepage et Stéphane Tellier, poussent leur leader à être plus éclaté et recherché. « Ils ne seraient pas satisfaits de faire toujours les trois mêmes accords d'une chanson à répondre. »

Le groupe se promène ainsi entre le groove et l'énergie rock - Trégate, Chez moi - et un côté « plus sophistiqué et romantique » - Coucou, adaptation d'une pièce pour clavecin composée en 1694, Fille abandonnée. « On est entre les deux extrêmes. Le touchant et la grosse brute qui sue ! »

Le résultat est un son ample et riche qui occupe tout l'espace. « On se fait souvent dire, à la fin de nos shows, qu'on sonne comme si on était six ou sept. On prend le temps d'arranger nos pièces pour sonner large de même... Et, sans prétention, le côté performance est important. » 

« Stéphane Tellier, quand il improvise à la guitare, on est sur le cul, c'est un virtuose. Et Simon Lepage à la basse, il joue des thèmes en doubles croches à 120, c'est tout un torcheux... »

Et son talent de « tapeux de pied » en rajoute une couche. « Quand on joue en Europe, on dit que je suis le diable, parce que je chante, joue du violon et tape du pied en même temps ! » Le groupe a d'ailleurs de nouvelles ambitions internationales. Maintenant représenté par la Compagnie du Nord, qui gère le groupe Le vent du Nord, Nicolas Pellerin veut sortir davantage du Québec.

« On a un nouvel agent aux États-Unis, on en a trouvé un au Royaume-Uni. Tout ça va faire des petits. » Il voyage déjà, mais le groupe Les Grands Hurleurs joue surtout au Québec. Le but n'est pas d'être parti huit mois par année, dit Nicolas Pellerin, mais de trouver un équilibre en profitant de l'immense réseau folk international. « On veut rayonner, on pense qu'il y a de la place pour plus. »

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Chouïa

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