Yannick Nézet-Séguin a un agenda de premier ministre. Ou plutôt, l'agenda sans doute encore plus chargé d'un homme qui cumule des fonctions importantes au sein de trois orchestres d'envergure.

Il est directeur musical de l'Orchestre métropolitain de Montréal depuis 2000 et de l'Orchestre de Philadelphie depuis 2012. Et, en septembre dernier, il a pris la direction musicale du célèbre Metropolitan Opera de New York.

En entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, il énumère ses tâches : répétitions, réunions, planifications, déplacements entre trois villes. Entendre l'énumération suffit à essouffler, et on ne peut s'empêcher de lui demander comment il arrive à porter tous ces chapeaux.

« Je me suis rendu compte il y a assez longtemps que j'avais un niveau d'énergie un peu plus haut que la moyenne [...], mais je n'ai pas de secret miracle  ! » lance-t-il en riant.

Il est conscient qu'il a une bonne discipline. Il aime boire et manger, il l'admet, mais il a appris à limiter les excès, à se coucher tôt, se lever tôt, faire de l'exercice, surveiller son alimentation.

Et le petit « secret miracle », qu'il ne semble pas réaliser qu'il possède : le bonheur de faire un métier qui le passionne.

« J'aime beaucoup transmettre, par mon énergie, ce bonheur-là, qui devient contagieux, qui donne l'énergie à tout le monde de faire le travail qu'on a à faire. »

Il ajoute par ailleurs que le fait d'être concentré, géographiquement, entre Montréal, New York et Philadelphie est beaucoup plus facile, physiquement et psychologiquement, que de se promener partout dans le monde à titre de chef invité.

« Je peux me concentrer plus sur une seule oeuvre », souligne-t-il.

En ce moment, c'est La Traviata, de Verdi, qu'il présentera en grande première au Met le 4 décembre.

En arrivant comme nouveau directeur musical, il a dû adapter le célèbre opéra - l'un des plus joués dans le monde - afin de lui donner son propre style, un processus qu'il juge difficile, mais intéressant.

« C'est ce qu'on fait toujours, prendre des oeuvres écrites il y a longtemps, puis retourner à la partition, retourner au texte original, et essayer de dépoussiérer les accumulations de traditions. Ça ne veut pas dire de jeter les traditions par-dessus bord, mais de se donner le temps et l'occasion de les réexaminer », explique-t-il.

Certains des musiciens qui font partie de l'orchestre depuis des décennies ont joué La Traviata si souvent qu'ils la connaissent par coeur, ce qui rend le processus de réexamen de la partition encore plus stimulant pour eux, estime le maestro québécois.

« C'est une occasion de briser la routine, d'arrêter de jouer sur le pilote automatique. »

Yannick Nézet-Séguin aura l'occasion de revoir son public québécois alors qu'il donnera un spectacle avec l'Orchestre métropolitain le 21 décembre, à la Maison symphonique. Quelques jours avant, le 15 décembre, les Canadiens pourront le voir en action alors qu'une prestation de La Traviata sera présentée en direct dans des cinémas de la chaîne Cineplex.

Pour le Québécois, garder un contact avec les spectateurs de son coin du monde est une « priorité absolue ».

« Je suis Canadien. J'ai beau avoir des postes très importants aux États-Unis, [ce qui] m'amène à adopter certains aspects de la culture américaine, il reste que je suis Montréalais. C'est là où j'habite, c'est là où mes chats habitent, c'est là où je continue de travailler, c'est là où mon conjoint travaille. Je viens les fins de semaine à Montréal quand je ne travaille pas. Donc, c'est très important. »