Elle n'a que 25 ans et a seulement sorti deux albums mais avec sa fusion de flamenco et de musiques urbaines, Rosalia fait un tabac en Espagne et aspire à devenir un phénomène mondial.

«Je vis un rêve», a lancé la jeune femme jeudi sur la scène des Latin Grammys à Las Vegas où elle a reçu deux prix dont celui de la meilleure chanson alternative pour son succès Malamente, mélange de flamenco et de trap, un type de rap.

Peu connue jusqu'ici hors d'Espagne, Rosalia est en revanche déjà une star dans son pays où elle a conquis le public grâce à sa maîtrise du flamenco qu'elle a étudié pendant sept ans à Barcelone.

Sans origine gitane, Rosalia, née en Catalogne, loin du berceau andalou du flamenco, n'a découvert ce genre qu'à l'adolescence, en écoutant Camaron de la Isla avec ses amis dans les parcs de son village.

Los Angeles, son premier disque sorti en 2017, dans lequel elle chante seulement accompagnée d'une guitare, a été bien accueilli par la critique et par les jeunes, pour qui le flamenco n'avait jusqu'ici rien d'un genre tendance.

Mais c'est sa présence l'été dernier au Sonar, festival électro de Barcelone, où la chanteuse et compositrice a interprété pour la première fois Malamente, succès de son deuxième album, qui l'a véritablement lancée.

«Sonar a vraiment fait l'effet d'une bombe, parce que le lendemain, [...] les médias l'ont présentée comme une nouvelle star, et exportable», explique à l'AFP Yeray Iborra, journaliste au magazine musical Mondo Sonoro.

Succès fulgurant

Mélange détonant de flamenco, trap, électro et RnB, son deuxième album El Mal Querer est sorti en novembre et raconte au long de ses 11 titres l'histoire d'une relation amoureuse toxique.

Le succès a été fulgurant. En une journée, ses chansons ont accumulé plus de 2,3 millions d'écoutes sur Spotify.

Et le clip de Malamente, qui alterne «palmas» (claquement des mains typique du flamenco) et mise en scène rappelant une corrida avec la chanteuse lancée sur une moto chargeant un jeune homme, compte près de 33 millions de vues sur YouTube.

Soutenue par Sony, Rosalia avait fait une apparition remarquée début novembre sur la scène des MTV Europe Music Awards et donné un concert gratuit sur l'immense place Colon de Madrid pour la sortie de son album qui a même été promu sur les écrans publicitaires de Times Square à New York.

Signe de sa notoriété naissante, elle a collaboré avec la star américaine Pharrell Williams et même décroché un rôle dans le prochain film de Pedro Almodovar.

C'est à 17 ans que Rosalia a pris la décision d'apprendre le flamenco, raconte à l'AFP José Miguel Vizcaya, son professeur à l'École supérieure de musique de Catalogne. «De tous mes élèves, c'est celle qui s'est le plus détachée, et de loin», dit-il, en se rappelant de sa passion.

«Du point de vue du pur flamenco, quelques-uns faisaient mieux mais [...] pour s'approprier le flamenco et innover, c'était la meilleure», souligne-t-il.

Controverse

Mais cette façon de revisiter un genre si traditionnel a suscité la controverse dans le milieu conservateur du flamenco. Les gitans en particulier l'accusent de s'approprier une musique qui est à l'origine un cri racontant la souffrance et l'oppression de leur peuple.

«Je ne supporte pas que tu aies plus d'opportunités que les gitanes qui chantent leurs racines depuis leur enfance», lui a lancé sur Twitter l'artiste gitane Noelia Cortés. «Si tu nous apprécies, essaie de donner voix à notre peuple, et de ne pas nous piétiner pendant qu'on te jette des fleurs».

«J'ai étudié le flamenco pendant des années, je le respecte plus que tout [...] Le flamenco n'est pas la propriété des gitans. Il n'est la propriété de personne», a répondu Rosalia en juillet dans une entrevue au journal El Mundo.

D'autres critiques visent son style mélangeant flamenco et pop, parfaitement calibré pour l'étranger. Mais elle n'a pas attendu Sony et les projecteurs pour concocter cette fusion, rétorque José Miguel Vizcaya.

«Évidemment, il y a une major derrière. Évidemment, il y a une stratégie derrière» mais «elle a les idées claires, elle maîtrise tout. Et ça a marché», juge pour sa part le journaliste Yeray Iborra.