Grimes, Blue Hawaii, Braids, Doldrums, Lydia Ainsworth, Majical Cloudz, Michael Stasis, Moon King, Sean Nicholas Savage, Mozart's Sister, Tonstartssbandth et TOPS ont tous lancé leur carrière studio sous étiquette Arbutus, label indépendant de Montréal dont on fête une décennie d'existence ce vendredi. Cette commémoration festive s'inscrit dans le contexte du Red Bull Music Festival, happening nomade qui se pose à Montréal du 19 au 27 septembre.

La programmation de cette nuit entière de vendredi à samedi inclut plusieurs amis d'Arbutus et des membres de la famille élargie: la formation dream pop TOPS, la productrice et auteure-compositrice-interprète Marie Davidson (aussi du tandem Essaie Pas), le duo électro-dance-pop Blue Hawaii, l'avant-pop Sean Nicholas Savage, le groove housy aérien de Project Pablo (leader de SOBO), la house de Gene Tellem, le duo pop punk She-Devils, le tandem indie pop Sorry Girls, l'électro de Moon King ou de Graham Van Pelt (Miracle Fortress), Cadence Weapon en formule DJ disco. Toutes les recettes de la porte seront offertes à l'organisme Suicide Action Montréal.

Fondateur d'Arbutus, Sebastian Cowan est l'un de ces nombreux artistes et entrepreneurs culturels ayant migré à Montréal au cours des deux dernières décennies. Dix ans plus tard, il ne le regrette aucunement.

«J'ai quitté Vancouver en 2004 pour aller vivre à Londres, j'y ai étudié jusqu'en 2007 pour m'installer ensuite à Montréal. Pendant un moment, j'ai fait la navette entre Montréal et Londres [relation amoureuse], après quoi je suis rentré à Montréal où je préfère le style de vie.» 

«Si tu veux bien vivre à Londres, tu dois être au sommet de ta profession ou déjà très riche, sinon cette ville n'est pas inclusive économiquement. Montréal est à l'opposé.»

De manière artisanale, le premier enregistrement d'Arbutus a été commercialisé avec une centaine de CD, le suivant à 200, puis 250 et ainsi de suite sur l'internet, avec une mise en marché et une couverture médiatique de plus en plus importantes. L'étiquette est devenue une entreprise en 2012. Aujourd'hui, Sebastian Cowan et ses artistes peuvent gagner leur vie, un rêve devenu réalité.

«Lorsque j'ai démarré, j'étais un ingénieur du son et mon premier objectif était de faire connaître ces artistes talentueux que j'enregistrais. Mes amis, en quelque sorte. Aujourd'hui, je fais un travail de coordination, courriels et appels téléphoniques, mais je reviens régulièrement dans le processus de studio de certains projets. J'y reviendrai peut-être davantage, mais j'essaie autant que possible de m'impliquer là où je suis le plus utile.»

Sauf peut-être Grimes, qui a quitté Montréal et connaît une carrière plus importante, les artistes d'Arbutus ratissent la planète et gagnent honnêtement leur vie sans faire fortune pour autant.

«Chaque artiste peut avoir une manière différente de définir le succès, nous ne sommes pas toujours dans cette conception capitaliste occidentale de l'industrie de la musique, c'est-à-dire développer des carrières de plus en plus populaires et rentables.»

«Je connais pertinemment l'état de l'industrie de la musique, qui ne travaille plus à perte avec des artistes prometteurs, abandonnés après un seul album non rentable, déplore Sebastian Cowan. Or, je ne vois pas les choses ainsi, et c'est pourquoi je me concentre sur un petit nombre d'artistes avec lesquels je m'investis à plus long terme.»

Sebastian Cowan rappelle avoir fondé Arbutus au pire moment de l'industrie de la musique enregistrée, il se considère comme un survivant. «Si j'ai été capable de poursuivre en 2008, je peux assurément le faire en 2018.»

Raphaelle Standell-Preston: entre Braids et Blue Hawaii

C'est idem pour Raphaelle Standell-Preston, chanteuse de Blue Hawaii et aussi du groupe Braids, qui a obtenu un important succès d'estime il y a quelques années et dont un nouvel opus est sur le point d'être finalisé.

Originaire de l'Ouest canadien comme le propriétaire d'Arbutus, Raphaelle Standell-Preston a quitté Calgary il y a neuf ans, direction Montréal.

«Il y a eu un véritable exode artistique à cette époque, raconte-t-elle. Calgary était alors une ville centrée sur la réussite économique, peu propice à la culture. Aujourd'hui, je me sens de plus en plus chez moi à Montréal. Je suis des cours de français avec une Québécoise de souche, je dois mieux maîtriser la langue, au-delà de mes besoins immédiats. J'essaie d'y parvenir...», explique-t-elle en anglais, encore peu à l'aise pour soutenir une conversation substantielle.

Dans le contexte de Blue Hawaii, tandem qu'elle forme avec Alex Agor Kerby, Raphaelle Standell-Preston assume pleinement son côté pop, sans pour autant succomber à un formatage quelconque.

«Je n'avais pas une vaste culture musicale lorsque j'étais enfant ou préadolescente. J'écoutais de la pop, surtout des chanteuses comme Britney Spears, Christina Aguilera, LUV, Spice Girls, mais aussi Justin Timberlake. J'ai ensuite suivi des cours d'instruments (guitare, etc.) en restant très proche de la pop et aussi parfois de l'attitude rock qu'on pouvait trouver chez Alanis Morissette, par exemple, qui fut pour moi un modèle.»

«Puis, j'ai découvert Björk et Animal Collective, qui restent dans la pop, mais qui mènent des projets plus expérimentaux. De plus, Björk m'a beaucoup inspirée à pousser ma voix au maximum, je l'ai copiée un moment. Pendant cette période, je me suis familiarisée avec la musique électronique, j'ai trouvé cette musique étrange au départ, mais je l'ai apprivoisée. J'ai finalement trouvé ma voix. Évidemment, j'essaie de rester ouverte à tout ce qu'on me suggère.»

Le projet Blue Hawaii, d'ailleurs, semble moins parallèle qu'au départ, alors que Braids était la priorité pour Raphaelle Standell-Preston: EP, Blooming Summer (2010), albums Untogether (2013) et Tenderness (2017) sous étiquette Arbutus.

«Tenderness est encore relativement récent et demeure la matière principale de notre concert. L'interprétation sera plus dynamique que celle des enregistrements studio ; nous visons une plus grande énergie et nous souhaitons que le public danse; pour ce faire, nous ajoutons des basses et des rythmes plus forts, des synthétiseurs supplémentaires.»

Au 1499, rue William, vendredi, de 20 h à 6 h

Deux sorties au Red Bull Music Festival

> Oneothrix Point Never, au Monument-National, le 26 septembre, à 20 h

Sur la scène du Monument-National, cet événement immersif se situe au confluent du théâtre, de l'installation et de la performance musicale. Signée Daniel Lopatin, alias Oneothrix Point Never, la première canadienne de MYRIAD sera présentée sous la forme d'un cycle de pièces réparties en quatre parties. On sait que l'artiste a récemment composé la bande originale du thriller policier Good Time, réalisé par Josh et Benny Safdie. Paru sur Warp Records, l'album mélange de nombreux styles musicaux: musiques anciennes et baroques, folk, country, ainsi que pop mélodique, avec une participation du célébrissime James Blake.

> SOPHIE et cie, à la SAT, le 27 septembre, à 20 h

En tête d'affiche, la productrice écossaise SOPHIE revient à Montréal pour y faire valoir notamment la matière de son premier album en bonne et due forme, Oil of Every Pearl's Un-Insidesm, paru au cours de l'été sous étiquette MSMSMSM/Future Classic/Transgressive). Les formes chansons et accroches mélodiques affluent dans cet album aux visées à la fois pop et électro, on imagine des relectures dancefloor pour cette soirée du 27 septembre à la SAT. SOPHIE sera rejointe par le rappeur et chanteur montréalais de R&B expérimental Littlebabyangel, aux confins du rock industriel, de la création électronique et du R&B. Enfin, la rappeuse du Tennessee BbyMutha, le producteur trance-pop DOSS et la DJ montréalaise Honeydrip font partie de ce plateau présenté conjointement par le Red Bull Music Festival et Pop Montréal.

Photo fournie par Arbutus

Sebastian Cowan, fondateur d'Arbutus