La première parisienne de l'opéra Benvenuto Cellini de l'ex-Monty Python Terry Gilliam a été très applaudie mardi soir, loin de la polémique suscitée par ses propos sur l'affaire Weinstein.

Dans un entretien à l'AFP, le réalisateur avait qualifié le producteur américain Harvey Weinstain, accusé de viols et d'agressions sexuelles, de «monstre» et de «salaud» tout en affirmant que certaines actrices avaient «profité» de lui, déclenchant une polémique à Hollywood et sur les réseaux sociaux.

L'actrice Ellen Barkin a accusé ce week-end Terry Gilliam d'avoir eu un comportement sexuellement abusif envers elle dans un ascenseur.

Loin de ces accusations, le réalisateur britannique âgé de 77 ans semble avoir réussi son pari de s'emparer d'un opéra français obscur dont l'action se situe dans la Rome de 1532.

Cela débouche sur un cocktail explosif: une musique imprévisible signée du Français Hector Berlioz, un spectacle moitié Carnaval de Venise moitié Mardi Gras et tout le génie créatif du réalisateur de Brazil et 12 Monkeys.

Le succès de cette version haute en couleurs - montée en 2014 pour l'English National Opera - est une sorte de revanche pour Berlioz qui a connu un échec cuisant il y a 180 ans, la création jugée trop excentrique et la musique peu mélodieuse.

«Cet opéra est une belle pagaille», rigole Terry Gilliam dans un entretien à l'AFP. «J'ai aimé le caractère, j'ai adoré la musique de Berlioz parce qu'elle est si complexe, si exigeante, si belle, si vulgaire...»

L'oeuvre est vaguement inspirée de l'autobiographie un rien sensationnaliste de Benvenuto Cellini, célèbre orfèvre et sculpteur florentin (1500-1571) qui a fasciné la France: Musset s'inspire de ses mémoires pour écrire Lorenzaccio, Alexandre Dumas pour Ascanio, et Balzac le mentionne dans La peau de chagrin.

Duelliste, aventurier, protégé du pape Clément VII et de François 1er, il rappelle un peu le parcours de Caravage en raison de son tempérament violent, avec au moins deux meurtres et des séjours en prison.

Dans l'opéra réputé très difficile à chanter et au livret rocambolesque, Benvenuto (John Osborn) reçoit une commande expresse du pape Clément VII (Marco Spotti) pour exécuter une statue en bronze de Persée, un héros de la mythologie grecque.

«Expérience surréaliste»

Mais il doit faire face à la jalousie du sculpteur Fieramosca (Audun Iversen), également son rival pour la main de la belle Teresa (Pretty Yende).

S'ensuit une tentative d'enlèvement, un assassinat, une apparition papale grandiose sur un trône roulant, pas mal de coups de canons et une pénurie de métal pour fabriquer la statue à la dernière minute.

L'opéra, qui oscille entre le comique et le tragique, est une excuse pour Gilliam pour monter un fabuleux spectacle dans un décor inspiré du célèbre graveur et architecte italien Piranesi.

Dans une ambiance carnavalesque, le public a droit à des jets de confettis, des clowns géants déambulant dans la salle et des contorsionnistes sur scène, le tout couronné d'une musique exubérante dirigée par Philippe Jordan.

«C'est comme un puzzle. Comment créer une idée ou une image avec toutes ces pièces? (...) c'est une expérience surréaliste de tenter de monter (un opéra) de Berlioz», explique Terry Gilliam.

Si l'histoire à plusieurs moments ne tient pas debout, la mise en scène de la chorégraphe américaine Leah Hausman est si bien ficelée qu'elle tient en haleine jusqu'à l'apothéose.

Benvenuto Cellini est la deuxième expérience de Gilliam dans le domaine de l'opéra après la Damnation de Faust, également de Berlioz.